Au Palu, ils sont justiciables d’«abus de faiblesse»
  • jeu, 05/12/2013 - 21:24

Sur le grand boulevard, siège du Palu, l’horreur du samedi 30 novembre.

Dimanche 24 novembre, une escouade de journalistes - radio, télé, presse écrite, etc. - est convoquée au château Bumba, la résidence du vieux patriarche qui pèse certainement les 95 ans. Le chemin qui conduit au château est exécrable et il faut plusieurs heures pour parcourir les 15 kms qui le séparent du boulevard qui conduit à l’aéroport de N’Djili. Le point de rassemblement est le croisement Ndjoku-boulevard Lumumba. C’est à 9 heures que le groupe arrive mais le vieux patriarche tiré à quatre épingles - comme il aime si bien soigner l’image - dans un costume de soie beige, posé sur une chemise de couleur blanche, nœud papillon blanc assorti, n’apparaît que vers 11 heures mais c’est 3 heures plus tard que laborieusement, la cérémonie prend fin. Les équipes de rédaction conduites par Mayobo et Muzitu ont ferraillé dur pour mettre au point le texte à lire que Mayobo si précautionneux a relu mille fois. L’ultime messe anti-Kawanda est dite. La répression du samedi 30 novembre qui a fait des morts et des blessés en nombre, n’en sera que la suite logique. Dans la foule, quelqu’un trouve indécent le spectacle d’un homme d’un tel âge qu’on a tiré de sa chambre. Il crie à l’abus de faiblesse.
Samedi 30 novembre, permamence du Parti Lumumbiste Unifié. Ici, une marre de sang humain dans laquelle ont baigné des corps fauchés par balles ou à la baïonnette. Là gît à terre un corps inanimé qui n’émeut pas la poignée de cadres qui ont gagné les lieux et se dépêchent de commencer une cérémonie de remise-reprise qui n’aura lieu finalement qu’entre un nommé Makina et Makiashi, sans Kawanda qui n’a pas été invitée mais évitée. On apprendra plus tard qu’elle a été exclue du Palu.
Ni les Députés Palu présents dans l’enceinte (Noël Botakile, Floribert Luboto, Thierry Muzaza, etc.) ni même le vice-gouverneur de la ville, Clément Bafiba, personne de ces hommes ne trahit la moindre douleur de l’horreur survenue quelques minutes avant et dont les signes sont encore visibles.

«RUTSHURU EST LIBERE».
A deux pas du corps sans vie, Jean Claude Mashini Dhi Mbita Mulenghe savoure au téléphone les délices d’une victoire à la barbare. «Tu peux venir mon cher, sans escorte, Rutshuru est libéré», dit-il à l’adresse de son correspondant que des témoins de la conversation disent être Willy Makiashi. Une exultation et un triomphe que son tout nouvel obligé de secrétaire permanent, Willy Makiashi ne démentira pas lorsque, sur le même ton, il salue dans son discours «le professionnalisme de la police», remercie grandement le général Célestin Kanyama dont les hommes de l’opération «Likofi» ont été vus à l’œuvre sur les lieux et qui pourtant, se faisait virer le lendemain, du commandement de cette opération qui a vite dérapé pour sombrer dans la violence. Pour qui suivait de près les péripéties de cette affaire du Parti Lumumbiste Unifié, l’horreur du samedi 30 novembre pouvait être évitée. Ce qui signifie que c’était prévisible. Dès les petites heures du matin, les centaines de A5 (militants du PALU chargés de la sécurité des lieux, des événements et des personnalités) qui font le siège de la permanence, à un jet de salive du Pont Matete où les Chinois construisent un oléoduc, le premier véritable échangeur du pays, sont renforcés par d’autres militants qui arrivent des quatre coins de la ville.
Tous n’ont qu’un seul objectif: barrer la route à Willy Makiashi qu’ils qualifient de «voleur» et empêcher toute tentative de procéder à la remise-reprise.
En effet, depuis le 8 novembre, date de la nomination de Makiashi comme Secrétaire permanent et parole-parole du parti, aucun militant de base ne croit que cette décision émane d’Antoine Gizenga Funji tant la signature au bas du document paraît suspecte et la réputation du nouveau promu trop sulfureuse pour recevoir l’onction du vieux patriarche lumumbiste retranché à «Mashita a Gizungu», le nom de la résidence lointaine dans la banlieue de Buma (Est de Kinshasa) et qui signifie en langue Pende «lieu de paix et de repos»).

EN LETTRES DE SANG.
Depuis que les télévisions locales, la RTVS1 (la télé appartenant à la famille Muzito, ancien Premier ministre PALU présenté par plusieurs sources comme le grand metteur en scène de la turbulence actuelle) en tête, ont montré des extraits de Gizenga, bien encadré par la bande à Mashini-Makiashi-Muzito, confirmant Makiashi dans ses fonctions de secrétaire permanent et porte-parole du PALU, les militants se sont radicalisés. Au siège de Matete, ils ont déjà crié à «l’abus de faiblesse» d’un patriarche «qui mérite mieux qu’une exploitation aussi honteuse de la part d’une poignée de Pende».
La passation des pouvoirs annoncée par les pro Makiashi qui ont mis en place un comité d’organisation composé essentiellement des ultra anti-Kawanda que sont les Botakile, Luboto, Mashini, Bafiba, s’annonçait déjà périlleuse. Comme s’il était écrit quelque part que Willy Makiashi devrait coûte que coûte écrire en lettres de sang l’épisode de sa succession au siège de la permanence du PALU pour faire honneur à sa tribu. Ni la farouche détermination des A5 ni la présence sur les lieux des vieilles femmes et des vétérans lumumbistes ni même les appels à la prudence et à la modération venus de quelques rares parents lucides, rien de tout cela n’a dissuadé la bande à Makiashi de passer en force.
Commencent alors les arrivées des irréductibles cadres du clan sur ce qui va devenir dans quelques instants un vrai champ de morts. Comme il se doit, Jean-Claude Mashini Dhi Mbita Mulenghe, le neveu pour qui Mme Anne Mbuba Gizenga, la Queen Mother, réclame en premier tous les postes possibles, est le premier à débarquer sur les lieux avec quelques autres.
Il y a Noël Botakile Batanga, Député élu du centre de compilation de la Fikin, oh pardon! élu de la Tshangu, qui a joué un rôle non négligeable dans la conception intellectuelle de la répression sanglante contre les militants du PALU qu’il qualfie, sans nuance, de «Kuluna» dans une correspondance adressée au Gouverneur de la ville. Son arrogance à son arrivée au siège du PALU est immédiatement sanctionnée par une bonne gifle que lui assène en plein visage un jeune A5, révolté. Botakile voit les 36 chandelles. Aussi moins chanceux que lui, Clément Bafiba, le vice-gouverneur de la ville qui a perdu de son indolence et de sa nonchalance depuis que cette affaire a commencé, en reçoit pour son grade. Rideau, fin du premier acte. L’acte II commence par l’entrée en scène des étudiants dont les célèbres «basistes» de l’ISTA, tous recrutés à coup de dollars, vêtus des t-shirts aux couleurs du PALU, coiffés des casquettes et embarqués depuis leurs campus dans des bus jaunes pour le siège du PALU. Pour faire populaire. Mais dès qu’ils débarquent de leurs bus et avancent vers le siège du parti, ils sont repoussés à coup de pierres. C’est le prétexte recherché et tout trouvé pour que la police qui rôde aux alentours, débarque. Une vingtaine de jeeps déboulent. Les policiers jaillissent comme des abeilles. De partout.

UN NOMME ANDRE.
La bousculade, la matraque, puis le lacrymogène… et le feu. Les balles crépitent alors que s’élève dans le ciel une boule de fumée noire.
La police vient à bout de ceux qui forment le premier rideau au dehors.
Elle s’emploie à défoncer le portail pour accéder à la cour intérieure où sont amassés des milliers d’hommes et de femmes. Il pleut des fumigènes sur le PALU mais les hommes en uniforme ont encore du travail.
Dans une mêlée indescriptible, les policiers tirent dans le tas.
A balles réelles. La baïonnette fait son travail. Le sang gicle.
On compte des morts qui sont aussitôt emportés. Pour une destination inconnue. Des policiers venus de Buma, particulièrement, rassemblés selon un critère spécifique, se montrent plus cruels que les autres, rapporte un rescapé. La police procède à des arrestations.
Sans considération de leur état physique. Blessés et indemnes sont embarqués. Plus tard le soir, le parquet de Matete n’en peut plus. Il libère au moins 450 militants acheminés sans motif.
Dans la foulée, un groupe de policiers se montre très entreprenant dans la destruction méchante des lieux. Il saccage et pille au passage avant d’accéder à la caisse du PALU. Encadré par un nommé André, le propre caissier du parti, ces policiers emportent le coffre-fort qu’ils font passer par-dessus le mur du derrière avant de disparaître.
André est le propre parent de Mme Anne Gizenga. Mieux que nul autre, il connaissait le secret du coffre-fort. Selon des sources, au moins 14.000 dollars y logeaient tranquillement. Dès que la police finit de nettoyer, les cadres pro-Makiashi, qui suivent la scène au loin, la peur au ventre, postés dans les environs, sortent un à un du bois et gagnent le siège du parti.
Une scène surréaliste où l’on voit des Députés nationaux, un vice-gouverneur de Kinshasa, des mandataires publics enjamber des marres de sang et s’asseoir sans se laisser émouvoir par quoi que ce soit. Bien au contraire, tous ont l’air satisfait et se congratulent les uns les autres.
Dans la cour, un certain Manesa, cadre Pende du PALU et mandataire à la SOCIR a ces mots étranges: «Où est-ce qu’ils étaient ces cochons quand nous les Pende, on subissait la répression à cause de ce parti» (sic).
Un discours qu’approuve Mashini qui hoche la tête. Et le rideau se referme sur un parti dont les militants ont cru naïvement qu’il était national.
Alors que ceux-ci font la fête, quelques rescapés et d’autres militants de bonne foi acheminent vers les hôpitaux leurs camarades grièvement blessés. L’hôpital militaire du camp Kokolo en reçoit au moins deux qui ne survivront pas à leurs blessures.
L’ex-Mama Yemo aussi reçoit son lot de blessés… Et des morts. Rideau… On compte d’abord les victimes. Fin de la tragédie.
MITELEZI GAPOKOTO.

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