Fumée blanche à la Cité de l’UA
  • jeu, 20/10/2016 - 11:03

Dur Kodjo règle ses comptes avec une opposition qui l’a récusé.

La vengeance est un plat qui se mange froid voire (pourquoi pas?)... surgelé! En prenant la parole mardi 18 septembre pour l’ultime fois sous le chapiteau de la Cité de l’UA face à la classe politique congolaise et des membres des chancelleries occidentales à la clôture en grande pompe du Dialogue Politique National Inclusif, le Togolais Kodjo à l’accent trempé de son mentor Etienne Gnassingbé Eyadema n’a pas boudé son plaisir de rentrer dans la classe politique congolaise et dans une certaine communauté internationale comme on rentre dans du beurre. Toujours avec cet habituel zeste d’humour, cette hauteur et cette spiritualité, il n’a pas caché la douleur (la colère) ressentie tout au long de ce marathon congolais fait de ronces et d’épines, de rodomontades et d’affirmations péremptoires, de vicissitudes d’une histoire hérissée d’injonctions, de reniements, de dénégations, d’injures, d’embûches, de récusation injuste, étonnante et… récusée, bafouant et foulant aux pieds et d’exécrable manière, dignité et honneur d’un homme de bonne volonté, «aujourd’hui comme hier, au seul service de l’Afrique»! Jusqu’à recourir à l’anglais (pour être mieux compris!) «full of sounds and fury but signifying nothing» (plein de bruits et de fureur mais ne signifiant rien) reprenant l’Américaine Melissa Wells («trop de chaleur, peu de lumière)!
Aussi égal à lui-même, Kodjo a tenu en haleine ses dialoguistes-dialogueurs, réglant littéralement ses comptes avec humour mais amer à ceux qui l’avaient sous-estimé, prenant tout son plaisir de railler les opposants du Rassemblement, leurs «vaines proclamations, récusation injuste et sans fondement» récusées à leur tour, puisque «d’une totale et étonnante gratuité, bafouant et foulant aux pieds et d’exécrable manière, la dignité et l’honneur d’un homme de bonne volonté». Faisant état de «ronces et épines» à travers lesquelles il est passé, des «rodomontades et affirmations péremptoires», «les vicissitudes de l’histoire tourmentée» (d’un dialogue) hérissée d’injonctions, de reniements, de dénégations, d’injures de toute nature, et du refus obstiné de rentrer en contact avec le facilitateur, l’exigence répétée de l’inclusion de la communauté internationale» mais qui ne l’ont pas fait bouger son cap.
Au finish, c’est un dur jugement qu’il porte, à l’instar de ses prédécesseurs - Diouf et Wade - sur la classe politique congolaise même s’il a des mots plutôt rassurant à l’endroit des opposants présents sous ce chapiteau à l’entrée de la Cité au nom bien nommé de l’Union Africaine: «Vous n’êtes pas un «petit reste d’Israël», mû par des intentions personnelles et égoïstes. Vous êtes des hommes et des femmes courageux, déterminés, arc-boutés sur votre dignité, et fiers d’exprimer votre propre positivité». Pour l’histoire ci-après en intégralité.
Enfin! La longue marche a pris fin.
Du début février 2016 à ce jour et pour ce qui me concerne ce fut un parcours du combattant, semé d’embûches de toutes sortes, «full of sounds and fury but signifying nothing» (Shakespeare) «plein de bruits et de fureur mais ne signifiant rien».
A travers, vaines proclamations, récusation injuste et sans fondement, d’une totale et étonnante gratuité, bafouant et foulant aux pieds et d’exécrable manière, la dignité et l’honneur d’un homme de bonne volonté, aujourd’hui comme hier, au seul service de l’Afrique.
Oui, à travers ronces et épines, rodomontades et affirmations péremptoires, nous avons maintenu le cap, travaillant d’arrache-pied pour obtenir enfin, ce qui aujourd’hui est le fruit de ce labeur intense, l’Accord qui vient d’être signé par cette auguste assemblée.
Que Dieu soit loué! Notre marche prend fin devant tes portes Jérusalem! dit la Bible.
La nôtre s’arrête sur les rives de ce fleuve Congo qui n’a cessé de nous inspirer et de nous guider.
Je ne vais plus rappeler les vicissitudes de l’histoire tourmentée de ce dialogue: la longue période d’hésitation ayant suivi l’ordonnance du Chef de l’Etat Joseph Kabila, ma nomination par Mme Zuma fin janvier 2016, ma prise de fonction hérissée d’injonctions, de reniements, de dénégations, d’injures de toute nature, et du refus obstiné de rentrer en contact avec le facilitateur, l’exigence répétée de l’inclusion de la communauté internationale, ce que nous fîmes sans grand résultat, la résolution 2277 qui fut un véritable soupir de soulagement et une soupape extraordinaire de sûreté, mes nombreuses réunions et rencontres visant à convaincre la classe politique et la société civile, mes déplacements répétés à Bruxelles, l’obtention d’un accord en bonne et due forme à Paris le 26 mars 2016 puis confirmé ici même à Kinshasa; ce n’est pas M. Bruno Mavungu, présent dans cette salle qui me démentira, ma récusation rendue vaine par le soutien renouvelé de Mme Zuma puis de toute la communauté internationale et la société civile congolaise, y compris l’Eglise catholique, l’incroyable succès du comité préparatoire du dialogue dont les travaux ont été bouclés en trois jours au lieu de sept, l’espoir revenu puis l’effroyable tragédie du 19 septembre 2016, intervenue en plein dialogue enfin convoqué et lancé, les vicissitudes de toutes sortes, mes impatiences affirmées, ma colère et ma fureur et enfin le succès au bout du chemin... au bout du petit matin (A. Césaire).
Alors, il ne me reste plus qu’à remercier le Président Kabila en premier, lui qui suivait de près les méandres de ces négociations et qui n’a cessé de nous encourager et de nous soutenir, les chefs d’Etat de pays voisins, je les ai mentionnés dans l’allocution d’ouverture de ce dialogue. Les organisations internationales, les Nations Unies en tête pour leur assistance multiforme, les organisations régionales ici représentées (la SADC, la CIRGL, la CEAC tout récemment), l’Union Européenne et l’Organisation Internationale de la Francophonie
Ma profonde gratitude va à vous, membres de cette auguste assemblée, vous qui avez, contre vents et marées, persisté dans la voie du dialogue. Certains cherchent encore à minimiser votre action, surtout vous, les représentants de l’opposition.
Vous n’êtes pas un «petit reste d’Israël», mû par des intentions personnelles et égoïstes. Vous êtes des hommes et des femmes courageux, déterminés, arc-boutés sur votre dignité, et fiers d’exprimer votre propre positivité. Vous êtes de vrais patriotes, vous tous ici réunis, majorité comme opposition, société civile, comme personnalités. Vous êtes la raison d’être de ce beau pays qui s’appelle le Congo. Gardez au front cette fierté d’avoir écrit l’Histoire, d’être partie de l’Histoire, d’être l’Histoire.
Oui, l’Histoire de ce pays, tourmenté depuis si longtemps, envahie de docteurs de toutes sortes, aux thérapeutiques médicales douteuses qui se battent et se débattent au chevet du malade à l’instar des médecins du XVIIème siècle immortalisés par Molière.
Les tristes événements de septembre 2016 l’ont suffisamment prouvé. Ce pays a besoin d’être lui-même et de retrouver son identité foncière. On parle de masse critique qui n’aurait pas été atteinte par notre dialogue.
Mais la masse critique des idées pour éviter les tueries et le bain de sang n’est-elle pas plus importante que la masse critique du nombre? Les idées fortes, portées par des suggestions fécondes et valides, doivent triompher des vaines récriminations. Oui, le tigre ne proclame sa tigritude, il tue sa proie et la mange (Wole Soyinka).
Vous avez chers «dialoguistes» ou «dialogueurs», offert à la nation, une piste, un chemin, même si elle n’est pas une autoroute, elle ouvre néanmoins des perspectives pour construire et bâtir l’avenir.
Vous avez décidé d’une date pour les élections présidentielle, législative et provinciale pour avril 2018, étant entendu que le dépôt des candidatures est fixé pour octobre 2017. Vous avez adopté le fichier électoral, vous vous êtes entendu sur les réaménagements de la CENI, vous avez marqué votre accord pour un respect scrupuleux de la Constitution. Vous optez pour un Gouvernement d’union nationale et un Premier Ministre issu de l’opposition.
Chers délégués, mesdames et messieurs;
La présente cérémonie marque le couronnement du processus du dialogue inclusif en RDC que j’ai eu la lourde charge de faciliter. Pour des raisons de commodité, l’on dirait que ce processus a commencé, dans ce chapiteau même, le 1er septembre 2016. Mais en réalité, cette date a plutôt marqué l’amorce de l’atterrissage d’un processus qui avait débuté des mois auparavant. Un processus né au Congo, discuté, et parfois disputé, à Addis Abéba, à Brazzaville, à Bruxelles, à New York, à Paris et j’en passe. Dame Béatrice l’a allaité, lui a donné une Feuille de route et nous tous, l’avons nourri et entretenu dans les locaux de cette magnifique Cité de l’Union africaine et ceux de ma suite du haut du Majestueux Fleuve Congo.
Ce jour est un jour historique pour le Congo, et j’ose croire, pour la région des Grands lacs dans son ensemble. Malgré les difficultés que nous avons connues tout au long de ce processus, vous avez tenu bon! Vous avez traversé les zones de turbulence en rangs serrés et soudés, bravant les menaces à peine voilées et faisant valoir la sagesse et le sens du compromis. A travers cette cérémonie, vous prouvez votre engagement patriotique dans la voie de la paix et de la réconciliation dans votre pays. Je voudrais à cet égard, vous féliciter pour cet engagement et pour votre courage. Vous avez bien mérité de la Nation.
Excellences, mesdames et messieurs;
Chers délégués,
Cet accord n’est pas parfait, comme d’ailleurs n’importe quel autre accord, il n’y a qu’à considérer les plus célèbres dans 1’Histoire passée et contemporaine.
Devons-nous serrer les boulons par endroits? Oui, sans doute. Pourrions-nous être plus explicites sur un point ou un autre? Sûrement oui. Mais il est vrai que cet accord, nonobstant ses imperfections, est le résultat d’un compromis politique, issu de négociations parfois âpres entre les parties. C’est le document et le compromis des Congolais, voulu par des Congolais et signé par des Congolais.
Cependant, cette signature doit être considérée comme le coup d’envoi de l’étape la plus importante, celle qui doit traduire les termes de cet Accord dans la réalité. Une étape qui doit être impérativement guidée par le consensus et un sens élevé des responsabilités. Le consensus que vous avez su tisser dans cette salle doit être pérenne. Il ne doit pas être provisoire.
En effet, la beauté des formules langagières d’un accord ou sa sophistication en matière juridique importe peu, s’il n’y a pas une mise en œuvre de ses dispositions. Je vous prends tous à témoin. Vous devez réussir.
Je reste pour ma pmi optimiste. Je suis encouragé par les engagements solennels des uns et des autres. Je suis persuadé que vous enterrerez vos différends, s’il y en a encore, que vous renforcerez les complicités que vous avez su tisser durant ces longues semaines de négociation. C’est à ce prix que vous surmonterez les difficultés en jouant chacun sa partition dans la mise en œuvre de l’Accord. Les populations congolaises ont placé en vous, leur confiance pleine et entière; elles ont mis entre vos mains, leur destin. Vous ne devez pas les décevoir. L’Afrique toute entière attend beaucoup de ses filles et fils du Congo; vous ne pouvez pas la trahir!
Chers délégués, mesdames et messieurs;
Les mesures de décrispation politique réelle que le Gouvernement a su prendre doivent continuer.
S’abstenir de tout acte pouvant être considéré, à tort ou à raison, comme une «provocation» fait aussi partie de l’esprit de compromis qui est le soubassement de cet accord. Votre engagement se fera en vous mettant au-dessus des sentiments ou des considérations symboliques au profit du réalisme et du pragmatisme requis dans la situation actuelle.
Le Congo est grand, puissant jusqu’à la racine mais néanmoins fragile; prenez-en grand soin! Ce pays est cher à nos cœurs.
Que le Seigneur vous accompagne. Qu’Il bénisse le Congo et vous donne la force et la sagesse pour la mise en œuvre effective et fidèle de cet Accord.
Vive la République Démocratique du Congo!
Vive l’Afrique!
Je vous remercie
Matondo mingi
Aksanti sana
Twasa kidjila wabougni.


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