Kabila s’engage
  • jeu, 24/10/2013 - 05:05

Le Président de la République convie le Peuple congolais à un nouveau départ et dit que «demain sera différent d’aujourd’hui»… avec l’inusable Léon Kengo wa Dondo?
Il a déjà été Premier ministre trois fois, Premier ministre de Mobutu Sese Seko! La toute dernière fois ce fut pour l’ancien conseiller du Cabinet de Mobutu devenu le tout craint Procureur général de la République, un retour à la Zorro. Alors qu’Etienne Tshisekedi élu Premier ministre à la Conférence nationale pro-démocratie, avait enfin pris ses commandes après plusieurs ratés mais ne donnant aucun résultat probant - nommant son infirmier ministre des Finances, refusant de présenter un programme de Gouvernement sous prétexte que Mobutu n’en avait jamais présenté aucun en plusieurs décennies de pouvoir, démonétisant la monnaie nationale, entretenant des rapports orageux avec le Chef de l’Etat - celui-ci agacé, donnait ordre à ses partisans au HCR-PT (Haut Conseil de la République-Parlement de transition) de l’éjecter.
Et, à la surprise générale, ce fut Léon Kengo wa Dondo qui reprit la Primature, élu le plus régulièrement possible. Le pays était en pleine guerre de libération de l’AFDL.
L’homme de la situation se rendit à New York, y rencontrait le président rwandais Paul Kagame - le contact entre les deux hommes ne fut pas heureux - se mit à lancer une contre-offensive impossible, et, last but not least, se brouillait une énième fois avec Mobutu.
Ennemi juré des généraux - les mêmes causes produisent les mêmes effets - qu’il accusait de dilapidation des fonds, les galonnés trop forts se coalisèrent, réclamèrent sa tête auprès de Mobutu qui le lâcha. Mobutu désignait son ennemi de tous les temps Premier ministre, le général Likulia Bolongo. Comme ministre de la Défense, ce fut le général Mahele Lieko et comme ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, le général Ilunga Shamambo. Trois généraux qui par ailleurs ne s’appréciaient guère...
Il n’empêche!
Ce fut la fin de Kengo qui prit le chemin de l’exil… Avec lui, ceux que ce journal nomma les Kengo’s boys. Kengo parti, plus rien ne devait plus sourire à Mobutu puisque la rébellion de l’AFDL accélérait les prises des villes.

OCCASION ET OPPORTUNITE.
Alors que certains de ses amis revenaient à Kinshasa, que d’autres ralliaient la rébellion, Kengo préféra rester en exil dans sa villa de Rhode-Saint-Génèse, dans le quartier de Prince d’Orange, non loin du château de Mobutu.
Fin gourmet, amateur de bons vins, il passait de restaurant gastronomique en restaurant gastronomique, recevant, écoutant, donnant des avis, apprêtant ses mémoires après avoir ouvert un bureau dans un immeuble de l’autre commune cossue de Uccle! En réalité, Kengo attendait son heure. Il détesta le dialogue inter-congolais qui fit courir nombre de ses Boys, ne se rendit ni à Gaborone, ni à Addis-Abeba, ni à Sun City.
Il aimait à dire que dans la vie, il y a occasion et opportunité. Si l’une va avec l’autre, l’une ne signifie pas l’autre. L’occasion peut se présenter, encore faut-il attendre l’opportunité. Quand il décidait de rejoindre Kinshasa, ce ne fut pas sans être humilié, caillassé sur le chemin de l’aéroport, non loin des eucalyptus. L’incident est resté mystérieux... Mais Kengo qui avait rejeté toutes les offres de rejoindre l’une ou l’autre rébellion - ce qui ne veut pas dire qu’il ait pu aider - , savait au départ de sa villa que le meilleur et le pire l’attendaient; mais que s’il tenait à quitter définitivement l’exil bruxellois, il devait un peu plus s’essayer au jeu qu’il avait tant détesté jusqu’ici...
Il ne se porta candidat ni aux Législatives, ni aux Provinciales. Lui, il attendait les Sénatoriales et voilà, grâce à ses Boys - qui le reconnaissaient - à la plus grande surprise, dans une assemblée où la majorité tenait la majorité, Kengo - l’indépendant - arrachait le perchoir quand tous ses amis l’en avaient dissuadé.
Un jour, l’un d’eux, qui fut son condisciple, m’expliqua: «Je me trouvais à l’étranger. Avant de partir, Léon me fit part de son projet. Je l’en dissuadais fermement aussitôt lui expliquant qu’il devait arrêter de se faire humilier, que ces jeux n’étaient plus de son âge. Il fut le premier à m’annoncer à une heure tardive qu’il avait gagné le Sénat...».
Fin 2011, alors qu’il débarquait à la gare du Nord à Paris, voulant passer la Saint-Sylvestre en famille dans son appartement parisien, il est cueilli - avec son épouse et sa petite-fille en bas âge - par des exilés congolais au moment où il montait dans une voiture qui l’attendait et qui avaient fait mine de lui venir en aide. Il fut agressé et laissé pour mort.

BALISER LE CHEMIN DE 2016.
A Kinshasa, l’ambassadeur de France est convoqué par le ministre des Affaires étrangères Alexis Thambwe Mwamba qui parle d’«une situation extrêmement grave».
Rappelant que Léon Kengo «est le deuxième personnage de l’Etat congolais, qu’il a été blessé et hospitalisé. Nous considérons que la France a l’obligation d’assurer la sécurité des officiels congolais de passage à Paris, de nos représentants et de notre mission diplomatique. Nous exigeons que l’enquête puisse aboutir, que les personnes qui ont agressé M. Kengo ne restent pas impunies et nous attendons que l’ambassadeur de France puisse faire passer ce message-là à Paris».
Embarrassé, le Quai d’Orsay explique que la visite de M. Kengo s’effectuait dans le cadre d’un «déplacement privé dont les autorités françaises n’avaient pas connaissance». Ces agresseurs avaient-ils voulu administrer une leçon à Kengo, l’homme qui s’est toujours voulu légaliste («L’homme d’Etat n’a pas d’état d’âme», aime-t-il à dire)? La leçon?
Quelle leçon? Il n’est pas impossible que le président du Sénat ait été agressé pour avoir assisté, peu avant son voyage, à Kinshasa à l’esplanade de la Cité de l’UA, à la prestation de serment du Chef de l’Etat et pour avoir pris part au banquet offert en ce même lieu. Il est vrai que la Présidentielle, un mois auparavant, avait été contestée par Tshisekedi dont une légion a pris le pouvoir dans les rues des principales capitales occidentales, faisant de celles-ci des lieux à hauts risques pour les envoyés de Kinshasa. Mais les coups furent très mal. Un proche explique que la décision était de le tuer. «Ce sont des professionnels des arts martiaux. Ils l’ont touché à un endroit vital…» pour un homme à l’époque âge de 76 ans. Ce qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales en France.
Il en fallait bien plus pour décourager Kengo qui a pris deux ans de plus. Après avoir mis sur pied son propre parti politique, UFC dont la grande sortie eut lieu au grand stade de Kinshasa, on savait «le Premier» tenté par un autre destin puisque depuis, il se retrouve à la manœuvre dans plusieurs plate-formes politiques d’opposition, la dernière est celle qui le met face à l’autre opposant «dur» Vital Kamerhe Lwa-Kanyiginyi - qu’il a laissé depuis sur le quai!
Jusqu’où ira-t-il? Ses proches que conduisent le Sénateur-professeur Michel Bongongo, inventeur de la «démocratie consensuelle» et son gendre Franck Apenela, sont convaincus que «le Vieux» est loin d’avoir dit son dernier mot, que désormais, il est tout acquis à la «démocratie consensuelle» qui paraît séduire le Chef de l’Etat.
A voir comment, discours après discours, le président de la République le couvre d’éloges, se disant fier du travail accompli dans le cadre des Concertations nationales, saluant «la qualité des résultats des délibérations» des Délégués aux Concertations nationales, «motifs de fierté pour une nation soucieuse d’affirmer son identité et en quête d’appropriation de son destin», réitérant à l’envi son «entière satisfaction pour le succès des Concertations nationales», l’hypothèse d’un quatrième retour du «Premier» n’est pas impossible. Il aurait mission de baliser le chemin pour le passage en douceur de 2016, assurent ses proches.
Disons-le très clairement. Le Premier ministre Augustin Matata Ponyo est loin d’avoir démérité. Son équipe qualifiée ici même de «Surdoués» a mis le cap sur des paramètres macro-économiques et l’a maintenu, ferme. Elle a engagé des travaux d’infrastructures que rarement un Gouvernement a entrepris dans ce pays. Matata est et reste l’homme de la situation. Lors d’une rencontre avec un gotha économique et le corps diplomatique, il ne boude pas son plaisir.
«Jamais le bâtiment public, tiré par les privés, n’avait autant explosé. Jamais, les routes, les écoles, les hôpitaux n’avaient été construits ou réhabilités sur fonds propres du Gouvernement de cette manière depuis l’indépendance. Jamais, jamais...».
En visite début octobre à Washington au siège du FMI, la Française Christine Lagarde ne tarit pas d’éloges à son endroit…
Pour qui connaît le froid qui caractérise ces milieux, cela est rarissime.
Reste que si le Chef de l’Etat a pris la décision de changement dans ce discours dense, robuste, en optant pour un «Gouvernement de cohésion nationale» - d’un type particulier certes, sans doute d’Union nationale comprenant des membres de sa majorité, mais aussi ceux de l’opposition et de la Société civile -, expliquant que «l’heure est à la mobilisation générale», que «demain ne sera pas comme aujourd’hui», que ces annonces sont faites en «un jour mémorable de notre histoire», il y a fort à parier que Kabila a levé ses options.

ETRE LE FAISEUR DES ROIS.
Cela veut-il dire que Kengo va reprendre du service? Le président du Sénat pourrait tout aussi bien être le faiseur des rois en poussant en avant ses hommes... Et il n’en manque pas. Ce qui permettrait à quelqu’un d’autre - pourquoi pas Augustin Matata lui-même, toujours apprécié des Occidentaux - de rempiler avec une équipe... revisitée, plus élargie, politiquement avérée.
Car, il faut souligner que le Président de la République a été très clair: bien que hors mandat, l’actuel Sénat reste en place jusqu’à la mise en place d’un nouveau Sénat. De même, il a annoncé la mise sur pied, pour un an, «renouvelable autant que de besoin, d’un Comité national de Suivi des recommandations des Concertations nationales», «ce Comité sera placé sous la même co-présidence que les Concertations nationales et, chaque année, il organisera un forum sur la cohésion nationale, afin d’examiner les conflits de toute nature opposant les Congolaises et Congolais, et de recommander les actions spécifiques à mener pour pacifier les cœurs et les esprits».
On voit mal comment Kengo, co-dirigeant ce Comité, avec son collègue de l’Assemblée nationale, rechercherait la cohésion nationale en même temps qu’il gouvernerait le pays comme Premier ministre à un moment d’aussi grands jeux...
L’actuelle équipe Matata fut un gouvernement de mission. Celle que le Chef de l’Etat va mettre en place «bientôt», a déjà sa feuille de route, «des missions prioritaires»: rétablissement de la paix et de l’autorité de l’Etat à travers le pays, consolidation de la cohésion nationale, poursuite de la reconstruction, appui au processus de décentralisation et à l’organisation des élections, et amélioration des conditions sociales des populations. Cela suppose un Premier ministre de plein mandat...
LE SOFT INTERNATIONAL

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