L’inévitable informateur
  • ven, 22/02/2019 - 11:45

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Il est loisible de noter qu’en Droit public l’exigence n’est pas forcément une obligation. Elle peut se traduire par un préalable ou une condition sine qua non.
Il en est ainsi de la désignation d’un informateur. Car à l’issue des élections législatives, aucun regroupement politique n’a obtenu 250+1 élus.
La désignation d’un informateur devient alors un préalable à la nomination d’un Premier ministre. Car il faudrait créer une coalition et y dégager une majorité parlementaire.
Le Front Commun pour le Congo, FCC, qui se réclame majoritaire devrait retenir qu’il n’existe pas juridiquement. Il n’est qu’une plateforme politique temporelle créée pour les élections.
Passons d’abord en revue la nature de notre régime politique avant d’aborder la problématique de la majorité parlementaire.
Ensuite, nous chuterons sur par la nomination d’un Premier ministre.

De la nature du régime politique en RDC (relation entre l’Exécutif et le Parlement).
La RDC a, depuis la promulgation de sa Constitution, opté pour un régime semi-présidentiel. Que d’autres préfèrent appeler aussi semi-parlementaire.
Ce régime est un mélange des caractéristiques fondamentales du régime présidentiel et celles du régime parlementaire.
Ce mélange inclut l’élection au suffrage universel direct et l’irresponsabilité politique du Président de la République devant le Parlement. Ainsi que la responsabilité politique du Gouvernement devant le Parlement, la possibilité pour le parlement de dissoudre le Gouvernement. Il faut ajouter à cela, la possibilité pour le Président de la République de dissoudre le Parlement.
Dans ce régime semi-présidentiel tel qu’inscrit dans la Constitution, le Président de la République conçoit sa vision politique. Celle-ci est exécutée par le Premier ministre sous forme d’un programme du gouvernement.
Pour s’assurer de la bonne exécution de sa vision politique par le Premier ministre ainsi que par les membres du Gouvernement, il est institué un Conseil des ministres présidé par le Président de la République.
Notons que le choix du régime semi-présidentiel répond aux desiderata de deux camps qui s’affrontaient. Le centripète qui prônait un parlementarisme rationalisé et le camp de centrifuge qui prônait un régime présidentiel.
Pour concilier les deux camps, le constituant était obligé de prendre quelques caractéristiques dans chacun des camps.
Textuellement, nous sommes dans un régime semi-présidentiel. Mais la pratique constitutionnelle, depuis 2007, nous plonge dans un présidentialisme où le Président de la République est considéré comme la clé de voûte de toutes les institutions.
Le Parlement devient une chambre d’enregistrement et d’entérinement des décisions de la majorité présidentielle dont le Président de la République est l’autorité morale.
Et cette majorité veut avoir une main mise sur toutes les institutions.

Qu’en est -il de la nomination d’un Premier ministre dans un régime semi-présidentiel?
Selon l’article 78 de la Constitution, le Premier ministre doit être issu de la majorité parlementaire.
Mais lorsque celle-ci n’existe pas, le Président désigne un informateur en vue de la formation d’une coalition qui va dégager une majorité parlementaire.
Tenant compte de la réalité politique congolaise et du multipartisme intégral congolais à l’issue de chaque élection législative, il est pratiquement impossible de voir un parti politique ou regroupement politique obtenir à lui seul 250+1 députés nationaux.

La désignation d’un informateur: une exigence constitutionnelle préalable à toute nomination d’un Premier ministre?
La logique parlementaire voudrait que le parti politique ayant obtenu 250+1 ait la majorité parlementaire. Automatiquement, le Premier ministre est issu de cette Majorité.
Au cas contraire, il faudrait désigner un informateur qui va créer une coalition de regroupements politiques ou partis politiques au Parlement afin de dégager une majorité parlementaire.
Or, après publication des résultats des élections législatives du 30 décembre 2018, aucun regroupement politique n’a pu obtenir 250+1.
Donc, aucun parti politique ou regroupement politique ne détient une majorité parlementaire.
Juridiquement, le FCC n’existe pas.
La réunion de mercredi 20 février à Kingakati devant Kabila ne change rien à la situation juridique du FCC. Faire une déclaration d’appartenance à une majorité devant un leader politique n’a aucun effet légal.
Chaque regroupement politique est plutôt tenu d’acter sa déclaration d’appartenance à une coalition politique majoritaire ou pas devant le bureau définitif de l’Assemblée nationale.
C’est ce que d’ailleurs prévoit la loi portant statut de l’opposition qui stipule ce qui suit:
«C’est après déclaration faite au bureau définitif qu’il sera constaté l’existence d’une majorité parlementaire et une opposition».
Juridiquement, le FCC n’existe pas. Et les regroupements politiques membres de cette plateforme ne seront soumis à aucune contrainte juridique. Car, il n’existe pas au Parlement un député élu sur la liste FCC.
Par contre, il existe des députés élus sur la liste de regroupements politiques tels AAA, ABCE, AFDC/A, etc.
Ce sont donc le député qui sera soumis à une contrainte juridique au cas où il décide de quitter volontairement son regroupement politique pour rejoindre un autre regroupement.
Cette signature à Kingakati n’a aucune incidence juridique au regard de l’article 78 de la Constitution.
Cela s’apparente plus à des enchères politiques, car les actes d’engagement tels que signés sont des accords sous seing privés. Les parties prenantes peuvent décider de se retirer du FCC.
La politique étant dynamique et en politique, chacun cherche toujours à conserver ses intérêts égoïstes.

Quid de la mission de l’informateur à nommer?
Au vu de la réalité politique congolaise, l’informateur aura pour mission de constater si une plateforme électorale (ex. UDPS/Tshisekedi, G17, UNC et Alliés, etc.) a obtenu 250+1 de députés nationaux. Si cela n’existe pas , il va alors créer une coalition de regroupements politiques autour de l’UDPS/Tshisekedi, le regroupement dont est issu le président de la république. Ce, afin de dégager une majorité parlementaire qui sera solidaire.
Outre la notion de solidarité nationale et des aspects liés à la paix civile, la conséquence d’une telle coalition est que le partage de postes ministériels ou dans les entreprises publiques tiendra compte du nombre de députés nationaux apporté par un regroupement politique dans la coalition.
Plus un regroupement politique a beaucoup de députés, plus il a la chance de recevoir plus des postes ministériels toujours en tenant compte de la notion de solidarité et de la paix civile.
La conséquence à tirer aussi d’une telle coalition est que chaque député de la coalition prend l’engagement de demeurer solidaire envers le gouvernement, qui, d’ailleurs, est leur émanation.
Fervent défenseur de l’État de Droit, le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo doit obligatoirement nommer un informateur pour ainsi se conformer à l’article 78 de la Constitution.
De ce fait, il va inaugurer un vent nouveau de bonne gouvernance car une telle décision aussi grandiose sera la prémisse de sa gouvernance sur laquelle on peut tirer la conclusion de son mandat.
Me Merphy Pongo.
Vigilance Citoyenne, VICI-RDC.


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