Les télécoms font débat
  • ven, 02/05/2014 - 03:23

La Nation furieuse de la qualité des appels.

Trois ministres du Gouvernement central prenaient part mercredi 30 mai à la séance de contrôle parlementaire de la Chambre basse du Parlement. Le premier, en charge du Plan et du Suivi de la Révolution de la Modernité, Célestin Vunabandi, avait reçu une question d’actualité sur la reconstruction des territoires du Kivu ravagés par la rébellion du M23. Une question et une réponse et l’affaire était réglée.
La suite fut le plat de résistance de la séance. Il s’agit en effet des questions orales avec débat adressées au ministre de l’Economie et Commerce, Jean-Paul Nemoyato Bagepole venue du Dép. Pico Mwepu Kanyata Bilonda portant sur le mouvement des prix sur le marché des biens de consommation courante et au Ministre Tryphon Kin-kiey Mulumba en charge des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication portant sur la qualité des appels téléphoniques mobiles et précisément sur l’état des équipements des entreprises de téléphonie cellulaire opérant dans notre pays avec neuf questions précises. Celle-ci venait de l’Hon. Jean Baudouin Mayo Mambeke. Les questions qui furent posées par les Députés montrent l’importance des sujets et, s’agissant de son secteur, le ministre Tryphon Kin-kiey Mulumba a fourni aux Députés les informations qu’ils attendaient en leur ouvrant un secteur, la deuxième économie du pays et que le Gouvernement souhaite voir demain devenir la première économie, la communication par nature étant non périssable. Ci-après le texte intégral de cette réponse.

Honorable Président de l’Assemblée Nationale Congolaise,
Par votre lettre n°RDC/AN/CP/AM/JPL/MNT/04/548/2014 datée du 23 avril 2014, vous me transmettez la Question orale avec débat de l’Honorable Député National Jean Baudouin Mayo Mambeke, portant sur l’état des équipements des sociétés de téléphonie cellulaire, opérant dans notre pays.
Je souhaite d’entrée de jeu infiniment dire mes remerciements à l’Honorable Député pour l’intérêt qu’il porte à un secteur - celui des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication - vecteur de croissance, deuxième économie du pays et, demain, première économie - la communication n’étant pas périssable aussi longtemps que l’homme vivra sur terre contrairement aux produits du sous-sol -, dont j’ai la charge au sein du Gouvernement de la République et, spécialement, pour une question qui porte sur les équipements dont l’intérêt me paraît évident au regard des fonctions qu’exerce l’ Honorable Député comme Président de la Commission parlementaire ATI, Aménagement du Territoire et Infrastructures et, au niveau de la plénière, chacun de nous ayant un ou plusieurs smartphones dans sa poche.
Ce secteur, qui connaît un changement de type tectonique, qui est une industrie, requiert en effet des équipements et des investissements lourds - à rentabiliser dans la durée, sur le long terme - qui ne sauraient être à la portée d’aucun premier venu.
C’est ainsi qu’il nous faut plus que jamais tourner le dos aux rapaces de haute voltige des milieux d’affaires - ceux qui viennent le temps d’une saison, faire un coup, réaliser au quintuple un gain, avant de voler vers d’autres cieux, à la recherche d’autres proies faciles à dévorer.
Le défi de l’émergence auquel nous convie fortement S.E Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange, est à ce prix.

Honorable Président,
Honorables Membres du Bureau de l’Assemblée Nationale,
Honorables Députés,
L’Honorable Député Jean Baudouin Mayo Mambeke a parfaitement raison quand il s’inquiète de la qualité - désastreuse - de la communication dans notre pays quand le Congo a, depuis belle lurette, tourné le dos aux années monopole Télécel de triste mémoire où un opérateur se croyait maître après Dieu, se permettait tout, maintenant qu’il existe dans ce pays six opérateurs qui, logiquement, sont en concurrence - ce qui devrait se dérouler au bénéfice du consommateur - battent en effet campagne dans nos médias - comme vous le dites Hon. Député -, au fronton d’immeubles publics, dans la rue, pour tenter de nous séduire, avec des mots et des images qui heurtent parfois certes, domaine qui demande aussi, en effet - et vous avez raison - à être organisés et contrôlés, pour la protection du consommateur, pour la protection de notre Concitoyen, mais aussi pour la morale publique. Il est totalement inacceptable que des bébés soient utilisés pour des danses obscènes de cabaret, rien que pour vanter la connexion d’un opérateur qui n’existe pas. Il n’est pas possible en effet qu’on se permette n’importe quoi au nom de la vente à tout prix!
Cette qualité désastreuse - il nous faut l’avouer - a, en effet, un lien avec l’état des équipements de l’industrie de la téléphonie mobile, ce qui pose la question:
1. du niveau et de la qualité des investissements,
2. du travail d’agent commis au contrôle de qualité,
3. de la crainte qu’inspire le gendarme,
4. de l’efficacité de l’arsenal juridique.
Honorable Président,
Je souhaite articuler mon propos autour des trois points que voici:
1. Le contexte dans lequel évolue actuellement le Secteur;
2. Les réponses aux neuf (9) questions directes posées par l’Honorable Député;
3. Enfin, je terminerai par les actions menées par le Ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication qui a en charge la réglementation, pour redresser le Secteur, en mettant les télécoms et les NTIC en cohérence avec un environnement technologique qui change à vue d’œil.

1. LE CONTEXTE.
Le secteur des télécommunications évolue dans le contexte de la Réforme de 2002 initiée par le Gouvernement de la République - une réforme qui a bénéficié d’une assistance soutenue de la Banque Mondiale. Cette réforme a donné lieu à un cadre légal constitué de trois (3) lois, à savoir:
1. La loi n°012/2002 du 16 octobre 2002 sur la Poste;
2. La Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les Télécommunications;
3. La Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’Autorité de Régulation des Postes et des Télécommunications du Congo (ARPTC).
Voici cinq innovations essentielles apportées par cette réforme:
1. Réaffirmation du rôle de l’Etat avec un Ministre, Responsable du Secteur, dans la conception et la définition de la politique de développement des télécommunications sur toute l’étendue de la République;
2. Libéralisation de certains segments du marché des télécommunications avec des opérateurs privés concessionnaires;
3. Création d’un organe technique indépendant de régulation avec mission de gérer le marché et gérer la ressource rare que sont les fréquences ainsi que les paramètres techniques de fonctionnement du marché;
4. Instauration de la notion de l’Exploitant public - opérateur historique, en l’espèce la SCPT - qui jouit de l’exclusivité de posséder le réseau de référence auquel tout opérateur doit s’interconnecter et par où il doit faire transiter son trafic national et international;
5. Restructuration de cet opérateur historique par la séparation du secteur postal de celui des télécommunications.
Une décennie plus tard, cette réforme n’a pu être menée à terme:
1. A la SCPT, la poste n’est toujours pas séparée des télécommunications;
2. L’Exploitant public SCPT, défini dans la loi-cadre, n’a pu implémenter les infrastructures nécessaires en vue d’assurer la plateforme d’interconnexion des réseaux et le centre de transit national et international;
3. L’organe technique indépendant n’a pu assurer le contrôle technique des équipements et le contrôle de qualité de service, ce qui a amené , il y a un an, le Gouvernement à réactiver, pour urgence et pertinence, un contrat signé par un de nos prédécesseurs, avec un Expert indépendant, le consortium franco-américain Agilis-Entreprise Telecom, qui n’a jamais été du goût de nos opérateurs - d’où diverses campagnes menées - malgré des résultats spectaculaires dans la traque des SIMBOX et le passage de 20 millions de minutes d’appels internationaux entrants invariablement déclarés depuis plus de 10 ans à près de 43 millions/mois tout récemment, soit un accroissement de 163%, chiffre reconnu par les opérateurs eux-mêmes et qui exposent certains à des redressements fiscaux.
4. Certaines mesures d’application de l’arsenal juridique n’ont pu être prises, dont le régime des sanctions à prendre à l’encontre des opérateurs accusés de fournir des services de basse qualité quand ailleurs en Afrique - même auprès de nos voisins - l’astreinte financière est clairement dissuasive;
5. Les segments du marché des télécommunications libéralisés, notamment la téléphonie mobile, confiés aux opérateurs privés, ont connu un développement fulgurant avec 22 millions d’abonnés quand ceux réservés à l’Etat, en l’occurrence la SCPT, ont régressé (la téléphonie fixe a disparu, le réseau longue distance à faisceaux hertziens avec le Katanga et le Bas Congo obsolète, la plateforme d’interconnexion inexistante, le centre de transit national et international non implémenté).
Le contexte général sous forme d’état des lieux ainsi dressé, venons-en aux questions directes posées par l’Honorable Député.

2. REPONSES AUX QUESTIONS DE L’HON. DEPUTE.
Question 1:
Voulez-vous faire à la représentation nationale l’état des lieux des licences téléphoniques et ce qu’elles rapportent à l’Etat? Preuve à l’appui.
Réponse:
A ce jour, l’Etat congolais a vendu des licences de 2ème et de 3ème Génération de téléphonie mobile et fixe. Les coûts des licences ont évolué dans le temps et la réglementation prévoit un paiement de 25% en cas d’avenant à la licence.
Des tableaux que je disponibilise, le cas échéant, renseignent sur le revenu et l’état de chaque type de licence.
Toutes ces licences ont apporté au Trésor un total cumulé de 226.767.600 $ et le solde à recouvrer de 36.050.000 $, fait l’objet d’engagements d’échelonnement entre un opérateur et le Ministère des Finances.
La certification des paiements est faite par le Ministère des Finances, au travers de la DGRAD, qui informe les services d’assiette du Ministère des PTNTIC, des paiements effectués par voie de relevé d’encaissement dont modèle en annexe.
Les informations sur les données de l’apport global de l’ensemble des opérateurs de téléphonie dans le budget de l’Etat relèvent de la compétence du ministère des Finances à travers ses régies financières.

Question 2:
Quelle est la structure de votre Ministère qui a, dans ses attributions, le contrôle des équipements des sociétés de téléphonie cellulaire?
Réponse:
La Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les Télécommunications en ses articles 8 point (c) et 31 ainsi que la Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’Autorité de Régulation en son article 3 point (f) ont conféré les compétences de contrôle technique des équipements à l’Autorité de Régulation.

Question 3:
Combien de contrôles a-t-elle effectués en 2013? Pouvez-vous nous produire les ordres de mission établis à cet effet?
Réponse:
Cette question trouve sa réponse dans la question précédente du fait que le contrôle technique des équipements est du ressort exclusif de l’Autorité de Régulation, organe indépendant et doté de la personnalité juridique dont les décisions ne sont attaquables que devant la Chambre administrative de la Cour Suprême de Justice.

Question 4:
Les équipements de téléphonie cellulaire durent combien de temps pour être amortis? A quand datent les derniers investissements des sociétés de téléphonie cellulaire opérant dans notre pays.
Réponse:
Généralement, les équipements de téléphonie cellulaire sont, selon leurs spécificités, amortis entre sept (7) et dix (10) ans.
Comme dit précédemment, l’homologation et le suivi de déploiement des réseaux sont de l’apanage de l’Autorité de Régulation, en vertu des lois sus rappelées.

Question 5:
Quelles sont les sanctions prévues en cas d’exploitation d’équipements défectueux?
Réponse:
L’exploitation des équipements défectueux constituant une cause majeure de la détérioration de la qualité de service, en vertu de l’Article 6 de la Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 sur l’ARPTC, j’ai été amené à initier et à signer avec mon collègue ministre délégué auprès du Premier Ministre en charge des Finances, l’arrêté interministériel n°CAB/MIN/PT&NTIC/024/2012 et n°CAB/MIN/FINANCES/671/2012 du 21 décembre 2012 fixant des taux des amendes en cas de défectuosité des équipements et de la mauvaise qualité de service.

Question 6:
Quelles sont les mesures de protection des consommateurs?
Réponse:
La loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 sur l’ARPTC en son article 3, al. 1, confère à l’Autorité de Régulation la mission de protection des intérêts des consommateurs en veillant à l’existence et à la promotion d’une concurrence effective et loyale et de prendre toutes les mesures nécessaires visant à rétablir la concurrence au profit des consommateurs.
Le Régulateur a pris la décision n° 064/ARPTC/CLG/2011 du 16 septembre 2011 portant fixation des objectifs de performance et de qualité de service (Qos) à respecter par les opérateurs des réseaux de téléphonie en République Démocratique du Congo.

Question 7:
Pourquoi Airtel refuse-t-elle l’interconnexion avec Tigo dans la Province du Sud-Kivu? Le fait-elle en vertu de quelle loi?
Réponse:
Honorable Président,
Si Votre Auguste Assemblée le permet, j’aimerais préciser pour une meilleure compréhension que ce conflit se déroule non pas en province du Sud-Kivu, mais dans celle du Nord-Kivu, plus précisément dans la ville de Goma mais aussi dans celle du Katanga, plus précisément dans la ville de Lubumbashi.
Dans ces deux villes, 7 appels sur 10 lancés depuis une carte SIM Tigo, n’aboutissent pas vers le réseau Airtel.
Tigo a déposé une plainte devant l’Autorité de régulation pour blocage des circuits en interconnexion.
Cette situation dure depuis le 24 décembre 2013, soit environ depuis 4 mois.
De guerre lasse, l’opérateur préjudicié prie ses abonnés à prendre leur mal en patience en lançant l’appel désiré autant de fois que possible. Nous sommes là en plein débat de qualité des connexions.
L’affaire étant portée devant le juge naturel, le Ministre attend l’arbitrage du Régulateur pour se déterminer.

Question 8:
S’il n’y a pas de loi permettant ce refus, pourquoi ne la sanctionnez-vous pas? (Je présume que l’Hon. Dép. parle de l’opérateur Airtel). Quel sens donnez-vous à l’état de droit qu’est la RDC, dans votre secteur où l’on fait n’importe quoi sans risque de sanction quelconque?
Réponse:
Sur le plan technique, chacun des opérateurs devrait assurer un déploiement du réseau à travers l’ensemble du territoire national. S’il faut convenir qu’aucun opérateur n’a, à ce jour, déployé son réseau sur l’ensemble du territoire national, il faut admettre qu’en l’espèce, certains ont fait plus, d’autres se tapissent dans des ville-niche à l’ouest, au sud et à l’est et, du coup, les premiers supportent plus de charges d’exploitation que les seconds, sur un marché concurrentiel. D’où la réticence de ceux qui, en l’espèce, ont fait plus. A nouveau, c’est au Régulateur, qui a la charge de gérer le contentieux entre opérateurs qu’il revient de faire les rapprochements pour une solution dans l’intérêt des consommateurs et, le cas échéant, proposer au Ministre, les sanctions requises.
Cette question de respect d’interconnexion nous interpelle pour parachever la réforme amorcée en 2002, notamment par la restructuration de la SCPT en vue à terme de mettre une plate forme d’interconnexion, un centre de transit national et international, implémenter le réseau national de transmission et déployer le réseau d’accès dans les villes et campagnes du pays.

Question 9:
Pourquoi n’y a-t-il pas interconnexion entre Africell et les autres réseaux?
Réponse:
Comme je viens de le dire en réponse aux questions 7 et 8, la question d’investissement en équipements, de déploiement de réseau, est la hache de guerre dans le Secteur.
A nouveau, le Régulateur est l’arbitre naturel pour régler ce type de litiges et proposer au Ministre des mesures contraignantes en cas de non conciliation des parties. A ce sujet, dans une correspondance n° ARPTC/PRES/0239/2014 datée du 24 avril 2014 adressée au Directeur de cabinet du Ministre des PTNTIC, le Président de l’Autorité de Régulation écrit ce qui suit: «Des contrats d’interconnexion ont été signés entre la société AFRICELL et les autres réseaux, encore qu’ils n’ont jamais été soumis pour approbation à l’Autorité de Régulation comme le prévoient les directives en la matière. Les litiges relatifs au non-respect de ces contrats sont à ce jour en cours devant les cours et tribunaux, à la demande d’AFRICELL. Pour ne pas entraver le cours normal, l’Autorité de Régulation attend la suite. Toutefois, il ressort des résultats des bons offices tentés que les autres opérateurs fondent leur refus par le non-respect par AFRICELL des principes définis en la matière».

Hon Président de l’Assemblée Nationale,
Comme vous le voyez, il y a nombre de problèmes qui se posent dans le Secteur des Télécommunications et des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, pour son développement optimal et sa mise en cohérence avec un environnement technologique en constante mutation qui en ferait un secteur économique prioritaire. Quelles réponses ont été apportées par mon Ministère? J’en viens aux…

3. ACTIONS MENEES PAR LE MINISTERE DES PTNTIC.
3.1. Mesures d’application.
Pour garantir la qualité de service aux usagers, j’ai tôt pris - en arrivant - des mesures d’application de la loi, notamment l’arrêté interministériel n°CAB/MIN/PTNTIC/023/2012 et n°CAB/MIN/FINANCES/672/2012 du 21 décembre 2012, introduisant les sanctions applicables en cas de détérioration de la qualité de service.

3.2. Mises en garde et mises en demeure.
Faisant suite aux initiatives de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, de Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et de moi-même - Ministre du Secteur - plusieurs réunions de mise en garde formelles ont été organisées avec les opérateurs privés sur la détérioration inacceptable de la qualité des services fournis aux abonnés, donc à la population congolaise.
Les mises en garde n’ayant pas donné du résultat attendu chez certains opérateurs, j’en suis arrivé aux mises en demeure adressées à deux opérateurs récalcitrants, à savoir Airtel et Vodacom, les deux mammouths du Secteur avec un parc de 9 et 8 millions d’abonnés - sur base des rapports techniques reçus de l’ARPTC.
Il s’agit des mises en demeure n°CAB/MIN/PTNTIC/TKKM/PKM/jsn/404/2012 du 4 septembre 2012 et n°CAB/MIN/PTNTIC/TKKM/PKM/jsn/405/2012 du 4 septembre 2012.
Pour faire plus complet, je vous donne lecture de l’une d’elles adressée à l’opérateur Airtel:
«Monsieur le Directeur Général,
«A la suite des plaintes massives émanant des consommateurs des produits de la téléphonie mobile portant sur la dégradation de la qualité des services offerts, je vous mets en demeure du respect des obligations telles qu’elles découlent des textes légaux et réglementaires qui régissent le Secteur des Télécommunications, ainsi que des conditions contenues dans le cahier des charges qu’accompagne votre licence».
«En effet, les relevés provisoires de l’Autorité de Régulation des Postes et des Télécommunications du Congo, ARPTC en sigle, attestent que les abonnés AIRTEL qui téléchargent les crédits peinent à les utiliser. Par ailleurs, plusieurs autres applications demeurent insatisfaites».
«De ce fait, sous peine des servitudes pénales générales, je vous somme à vous conformer dans le délai légal, aux dispositions de la loi-cadre sur les Télécommunications et aux conditions fixées dans le cahier des charges».
«Vous êtes tenu d’améliorer et de stabiliser le signal de votre réseau pour un service performant et de qualité digne de l’ère des Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
«A toutes fins utiles, je vous communique ma déclaration au public faite ce jour».
«Veuillez agréer, etc…».
Fin de citation.
Cette même mise en demeure fut adressée en des termes identiques à l’autre opérateur, Vodacom Congo.
Ces mises en demeure ont fini par donner du résultat, ces deux opérateurs s’y sont conformés - la peur du gendarme aidant notamment à la suite de réunions marathon tenues en mon cabinet et des mesures prises par le Ministère grâce à l’apport du satellite, à la veille du XIVème Sommet de la Francophonie, pour lequel la participation du Secteur des Télécommunications et des NTIC était cruciale, cela a créé des conditions optimales d’une bonne couverture en temps réel du Sommet par la presse internationale et nos hôtes de marque n’ont pas eu à se plaindre.

Hon. Président,
La détérioration actuelle de nos réseaux est connue de tous:
1. des connexions qui aboutissent péniblement;
2. des répondeurs automatiques qui vous envoient des messages sans pertinence;
3. des connexions qui s’interrompent ou sont inaudibles.
Soit, rien de bien nouveau, hélas!
Et, je puis dire à la Représentation Nationale, que cette question est naturellement prise très au sérieux au niveau le plus élevé de l’Etat et du Gouvernement.
Je souhaite assurer la Représentation Nationale qu’en l’espèce, je prendrai toutes les mesures dissuasives requises aussitôt que je serai dûment saisi par le Régulateur dont, je rappelle, c’est le métier, à savoir: assurer la surveillance du marché et le contrôle de qualité de service aussi bien que des infrastructures.
Il est vrai qu’à ce jour - et de l’avis des opérateurs eux-mêmes -, jamais ce Secteur n’a été aussi pris en compte par l’Etat. Il y en a qui disent que jamais - avant ce Gouvernement - ils n’avaient reçu la visite d’un membre du Gouvernement, inspectant leurs équipements. Nous l’avons fait et avons visité tous ces opérateurs pour nous enquérir de ces investissements et jamais, ils n’avaient eu autant de réunions avec le Ministre de tutelle…
Nous l’avons fait et avons visité tous ces opérateurs pour nous enquérir de leurs investissements réels.
Venons-en maintenant et enfin aux actions menées par le Ministère des PTNTIC en vue de placer le Secteur en cohérence avec son environnement en mutation vertigineuse.
En vue de corriger les imperfections de la Loi 2002 et mettre le Secteur à niveau d’un environnement technologique en constante accélération, mon Ministère, accompagné, cette fois encore par la Banque Mondiale que je souhaite qu’elle trouve ici mes plus sincères remerciements, vient d’élaborer un nouveau Cadre légal.

3.3. Le Nouveau cadre légal.
Composé de cinq projets, ce nouveau cadre légal se décline comme suit:
1. Projet de loi sur les transactions électroniques en République Démocratique du Congo;
2. Projet de loi sur la protection des données à caractère personnel;
3. Projet de loi sur la cybersécurité et la cybercrimininalité en République Démocratique du Congo;
4. Projet de loi sur l’Autorité de Régulation des Postes, Télécommunications et Technologies de l’Information et de la Communication de la République Démocratique du Congo;
5. Et enfin Projet de loi sur les Télécommunications et les Technologies de l’Information et de la Communication en République Démocratique du Congo.
Ces cinq projets de lois, déjà adopté en Commission ECOFIRE (Economie, Finances et Reconstruction) sont présentement sous examen en Commission Lois et Textes réglementaires avant de poursuivre leur course à d’autres étages du Gouvernement et de l’Etat. Aussitôt promulgué par le Président de la République, ce nouveau cadre légal qui a notamment vocation de résoudre la question de la plateforme d’interconnexion, créera un environnement propice à l’amélioration de la qualité des services de la téléphonie mobile dans notre pays.

Hon. Président,
La problématique des équipements de nos entreprises de la téléphonie numérique, la modicité des investissements, l’origine de ces investissements, etc., voilà qui fait que notre pays - l’un des plus vastes, l’un des plus peuplés du Continent - n’est malheureusement couvert que sur un infime espace.
Chez certains, des investissements annoncés se font attendre, chez d’autres, ils ont été gelés à la suite de querelles entre actionnaires qui plombent la poursuite de l’activité dans notre pays, réduite à se contenter des succédanés. Du coup, malgré les affaires réalisées, nombre de ces opérateurs continuent à être locataires voire sous-locataires et aucun n’est propriétaire d’aucun immeuble le long de nos boulevards. Ce qui pose le problème de leur pérennité dans notre pays…
La couverture nationale de la téléphonie ne touche que 22% de notre population, soit une télé-densité des plus basses du Continent.
Comme on le voit, les solutions apportées par l’industrie numérique ne sont pas à la hauteur ni du rôle, ni de la place que le Congo - au cœur et au centre du Continent - occupe dans le développement de l’Afrique.
Le cahier des charges impose aux 6 opérateurs un déploiement sur toute l’étendue du pays, la communication - la faculté de passer des appels de qualité et d’être joint par des proches -, la connectivité - par un débit de qualité, le haut débit, le très haut débit, l’ultra haut débit, l’accès à la société mondiale de l’information, l’Internet, par un ordinateur fixe, par une tablette ou par la téléphonie mobile - étant un élément majeur de croissance économique et un indice de développement humain. Mieux - pour tout être - un droit de l’homme, à l’instar du manger, du boire, et… de l’éducation.
Mais ces entreprises cotées en Bourse, recherchent le profit et, du coup, invoquent les difficultés réelles d’accès du pays profond, difficultés de ravitaillement en carburant et de maintenance des équipements.
D’où, leur cantonnement dans des villes de l’Ouest (Kinshasa-Matadi), du Sud (Lubumbashi-Kolwezi-Likasi) et de l’Est du pays (Goma-Bukavu), délaissant la Province Orientale, les Kasaï, le Bandundu et l’Equateur sauf par une présence anecdotique.
Un opérateur avait ainsi désactivé 200 sites en province avant de se raviser aussitôt annoncés la manne de la bancarisation et le boosting du mobile banking par le paiement des salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat!
Il est clair que la trop faible densité et le faible niveau du pouvoir d’achat ajoutent au tableau.
Naturellement, c’est à l’Etat qu’il revient de rechercher des solutions idoines afin de faire face à ses responsabilités d’Etat qui consistent à donner communication et connectivité permanentes à tous ses citoyens d’autant que 70% de notre population vit dans l’arrière-pays.
D’où ce projet qui vise les zones rurales enclavées, dépourvues d’infrastructures, qui éprouvent précisément le besoin de désenclavement, le besoin de sécurité que seul permet un système de communication adéquat!
Pensez comment la communication nous sécurise tous, peut sauver et sauve des vies… On comprend la masse de demandes de désenclavement par la téléphonie mobile que mon Ministère enregistre jour après jour des opérateurs politiques que nous sommes tous et auxquelles il saura désormais apporter des réponses.

3.4. Le projet de téléphonie rurale.
Cela sera possible par ce projet de téléphonie rurale, adopté mardi 22 avril en Conseil des Ministres, présidé par SEM le Président de la République, Chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange, qui, grâce à une technologie flexible, un déploiement facile, fonctionnant à l’énergie solaire, va permettre à nos Concitoyens, de passer des appels-voix - comme leurs compatriotes des villes - et de basculer dans la société de l’information et du savoir en se connectant à l’Internet, et du coup, prétendre enfin être Citoyens du monde.
Il faut très clairement souligner que les solutions aux problèmes de communication et de connectivité passent par la maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication: l’implantation de la fibre optique à l’interne - notre Backbone national - et les connexions aux réseaux à fibre optique internationale à nos neuf frontières terrestres, mais où nous avons à offrir un total de onze connexions.
C’est un engagement d’intégration sous régionale pris par la République pris vis-à-vis des Etats d’Afrique Centrale, avec l’accompagnement de la Banque Mondiale, de la CEEAC et de la CEMAC.
Contrairement au satellite trop cher, soumis à des perturbations atmosphériques, la fibre optique est le transport le moins onéreux connu à ce jour, le plus fiable, qui permet des connexions à haut débit voire à très haut débit, transportant informations et dossiers les plus lourds, sous forme de lumière à la vitesse lumière.
Pour cela, il a fallu construire, achever le Point d’atterrage de Muanda, payer les fournisseurs et le consortium WACS.
A la satisfaction générale, le Gouvernement a conduit cette opération à bon port.
Le Point d’atterrage de Muanda à l’embouchure du fleuve est une merveille technologique qui montre ce que le Congo sait et peut faire, quand il a la volonté.
Il a fallu terminer la phase 1 de la ligne fibre optique Muanda-Kinshasa - environ 800 km. Une infrastructure mutualisée à fibre optique (le ring métropolitain) est réalisée dans la Capitale grâce aux opérateurs privés Airtel, Tigo, Orange, Vodacom.
Kinshasa et des villes du Sud et de l’Est noient sous la technologie de 3ème Génération, la 3G.
Nous avons entrepris la construction de la phase 2 de la fibre optique, longue de 3.000 kms Kinshasa-Kasumbelasa, en passant par le Bandundu et les deux Kasaï. Environ 2.000 kms de cet ouvrage ont été réalisés avec des branchements. Une redondance aérienne financée par la Banque Mondiale a été construite partant du site d’Inga à la province du Katanga. Une bretelle part de Kasumbalesa pour abreuver la province du Katanga et connecter le pays aux pays de la SADEC. Elle est l’œuvre d’un opérateur britannique, Liquid Telecoms.
Il nous faut garantir la continuité des services et qu’une panne sur un axe ne vienne pas anéantir l’offre de service. Le Gouvernement a l’ambition de faire du Congo au centre et au cœur du Continent ce qu’il est naturellement: un hub, un échangeur, une passerelle de communication sous régionale avec différentes voies d’accès sous-marines conduisant à l’Océan indien et à l’Océan Atlantique.
Une phase ultime est en voie d’être lancée, qui va couvrir le reste du pays. Au total: 14.000 kms de câble de fibre optique.
A ce propos, nous avons très bon espoir. Le marché congolais est un marché d’avenir…
Avec l’appui sans réserve de SEM le Président de la République, Joseph Kabila Kabange et de S.EM le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Augustin Matata Ponyo, j’ai lancé des consultations pour la vente de la technologie de 4ème Génération qui permettra l’ultra haut débit.
Dans le monde du numérique, le Congo se place ainsi dans le premier lot des pays à offrir la 4G, la technologie qui connecte à la vitesse lumière. La modernisation est en marche…
C’est dire que s’il y a des problèmes dans le Secteur, dus à l’origine étrangère des investissements, le Secteur peut se vanter d’être sous bonne garde, l’Etat et la Nation - comme le prouvent cette séance et d’autres dans le passé - veillent à leurs intérêts vitaux, ainsi qu’à ceux des consommateurs.
Le but ultime est de faire du Congo - grâce à la Société de l’Information - un pays intelligent où communiquer via un smartphone et pianoter sur une tablette - ou une phablette, le téléphone associé à la tablette - sera un acte banal pour nos populations aussi bien des villes que de l’arrière-pays, pour les adultes mais aussi pour les enfants, dès l’âge de maternel.
C’est à quoi s’attelle le projet Fibre optique dans lequel s’investit l’Etat congolais.

Honorable Président,
Honorables Membres du Bureau de l’Assemblée Nationale,
Honorables Députés,
Telles sont les réponses aux préoccupations pertinentes exprimées par l’Hon. Député national Baudouin Mayo Mambeke, dans sa Question Orale avec débat, que j’espère avoir rencontrées et, lui réitérant mes plus vifs remerciements, je me tiens à sa pleine et entière disposition ainsi qu’à celle de l’Auguste Assemblée pour un complément éventuel d’informations qu’ils souhaiteraient avoir. Ce dont je souhaite vous remercier plus particulièrement.

Kinshasa, 29 avril 2014.
Prof. Tryphon KIN-KIEY MULUMBA,
Ministre des Postes, des Télécommunications et des NTIC.

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