Du plomb dans l’aile
  • mar, 26/05/2015 - 04:26

Quand une opposition a les yeux braqués sur l’extérieur, elle ne peut assumer son destin national.

Il n’est pas facile d’être le Congo. On le savait! Mais chaque jour qui passe apporte son lot de preuves supplémentaires à cette vérité. Ce qui est permis à d’autres ne pourrait donc l’être au Congo...
Que veulent les opposants «radicaux» congolais? Unanimement, ils avaient exigé un calendrier électoral global, à la suite des chancelleries occidentales, rejetant le calendrier partiel. Ils l’ont eu mais le rejettent en bloc. Les FAC (Forces acquises au Changement) ne déposeront aucune candidature tant que la CENI n’aura pas répondu favorablement à la demande de report des élections locales pour donner la priorité à la présidentielle et aux législatives.

VINT LE DIALOGUE.
Ils avaient exigé le limogeage du président de la Centrale électorale nationale indépendante, ils ont fini par reconnaître l’abbé Apollinaire Malumalu Muholongu mais regrettent son absence «prolongée» à l’étranger pour cause de maladie, laissant sa place à son Vice-président membre du pouvoir! Est-ce le Vice-président - membre de la majorité au pouvoir - qui a fait hospitaliser son président?
Ils avaient annoncé le retrait de leurs délégués de la Centrale électorale qu’ils avaient librement désignés afin de se libérer du processus électoral «miné» par la majorité présidentielle et les avaient appelés à s’en aller, ils ont fini par se libérer de cette exigence... Que veulent les opposants «radicaux» congolais?
Longtemps, ils se disaient coupés de tout dialogue avec le pouvoir en dépit des contacts suivis discrets, la majorité régnant sans tenir compte de leurs avis. Le Président de la République n’avait eu de cesse d’envoyer des messages dès sa prestation de serment le 20 décembre 2011 à l’esplanade de la Cité de l’Union Africaine, à Kinshasa, se déclarant prêt à travailler avec tous les Congolais qui avaient la «passion du Congo». Il en prendra deux dans l’équipe Matata I, formée au lendemain de sa prise de fonctions. L’un nommé à l’Economie et Commerce participant du coup au Kern congolais - la réunion de la troïka stratégique de tous les lundis matin autour du Premier Ministre qui se charge de prendre des décisions stratégiques de gestion. L’autre se faisant remettre le maroquin de l’Industrie, Petites et Moyennes Entreprises. A l’heure du bilan - un remaniement les a rattrapés -, le premier a regagné son groupe parlementaire d’opposition dont nul ne peut apaiser la fureur, le ressentiment, la violence anti-Kabila, l’autre dépourvu de mandat électif, a retrouvé sa tendre famille. Quant au Président de la République, il n’a fait bougé aucune ligne au sein de l’opposition.
Infatigable néanmoins, le 13 mai - un jour de semaine comme il lui arrive rarement -, Kabila a réuni à sa ferme dans l’hinterland kinois, à Kingakati, ses proches collaborateurs du Bureau Politique de la Majorité Présidentielle et officialisé le dialogue que l’opposition réclamait sans cesse.
But ultime: la cohésion nationale. «Il nous faut préserver l’essentiel» qui n’est possible que par la paix à consolider, la stabilité à asseoir, la quiétude à délivrer à la population - il n’y a pas de stabilité économique sans la paix, ni de croissance sans la paix - mais aussi la tenue d’élections annoncées à organiser en dehors d’émotion et agitation, explique-t-il dans un message qui ne dépasse pas six minutes.
Une cohésion nationale qui n’avait jamais été au rendez-vous. Ni au lendemain de la formation de l’équipe Matata I, ni au lendemain de la formation de Matata II. Si le premier exécutif a vu l’entrée de deux membres étiquetés opposition, le second verra une dizaine d’entre eux faire irruption. Et, pourtant, rien! Toujours aucune cohésion.

A LA RECHERCHE DU GRAAL.
Qu’importe! Kabila doit remettre les couverts. La cohésion nationale est comme le Graal, toujours à sa recherche. Cette fois, le Président ne désigne pas un politique classique, il désigne un haut fonctionnaire de l’Etat - le patron des Services spéciaux Kalev Mutond, «les hommes politiques ne se faisant pas confiance», constate le Chef de l’Etat.
Le rapport mi-parcours du démineur est «prometteur». Reçu devant ses collaborateurs, l’un des opposants est en extase. «C’est une excellente idée, je suis partant. Pourquoi n’y avoir pas pensé avant». Avant de changer d’avis - sans transition - peu après. Qu’est-ce qui s’est passé? S’il était exclu qu’un deuxième groupe - celui de JPB - réponde affirmativement à l’appel du dialogue, nul ne connaît jamais ce que le MLC veut, car tout est du ressort du «Chairman» et du «Chairman» seul, qui règne sans partage, qui a toujours juré: «Si ce n’est pas moi à ce poste, alors que cela reste ainsi». Traduisez: que la vacance dure et perdure. C’est la question du porte-parole de l’opposition qui peine, des années après, à trouver solution. Quiconque lorgne vers ce poste qui fait de celui qui le détient l’interlocuteur «l’autre Président de la République», est démonétisé par des tireurs d’élite du parti bembiste.
Quant à l’UDPS, la maladie, le grand âge, l’hypothèse de fin de vie de son vieux leader ouvrent toutes vannes. Le fils - Félix Tshisekedi Tshilombo - se prend à rêver mais pourrait hériter d’une coquille vide. Le Sphinx parti, plus personne et plus rien ne restera à l’UDPS.

EN REALITE, ILS NE SAVENT..
Autant ne pas perdre de temps: il faut se laisser investir tant qu’il a encore le souffle... Mama Marthe est à la manœuvre! L’UDPS - aile biologique, à en croire Valentin Mubake, conseiller en papier du Sphinx - répond oui à l’appel. Trop seule cette Union (pour la démocratie et le progrès social) qui n’en est plus une...
Annoncé pour la semaine dernière, le dialogue a-t-il du plomb dans l’aile? Il est certain que si le Chef de l’Etat décide de l’ouvrir, il aura devant lui des personnes avec qui parler. Mais si tous ne sont pas au rendez-vous, la cohésion ne sera pas au rendez-vous...
Que veulent les opposants «radicaux» congolais? En réalité, ils ne savent...
Dépourvus de tradition de combat nationaliste et idéologique qui a fait des pays comme Cuba, le Zimbabwe, les pays arabes, etc., nos pays sous développés disposent d’une classe politique fragile intellectuellement, culturellement, matériellement. Qui a les yeux continuellement braqués vers l’extérieur (chancelleries, dirigeants occidentaux, grands moyens de communication). Il suffit qu’un diplomate, un homme politique étranger ou un média important dise un mot pour que cela détermine des postures locales! Quand une opposition a les yeux braqués vers l’extérieur, elle ne peut assumer son destin national.
Faut-il bypasser les acteurs locaux - ou faire semblant - pour traiter directement avec ceux qui les guident ou «arment» leur mental? Si dialogue il y a, pourquoi ne pas traiter «en direct»?
Kabila l’a compris. Il veut parler avec ses compatriotes. Il a également annoncé qu’il allait reprendre langue avec les Occidentaux via leurs chancelleries. En clair, ceux qui dirigent le monde, les Américains, les Britanniques, les Allemands. Eux qui donnent des thèmes aux grands médias qui façonnent l’opinion. Le Congo, par son sous-sol - trésor de l’Humanité - est voué à être aux côtés des Grands au risque d’être réduit à néant.
Il n’a pas le choix - «Mumemi Maki abundaka te». Le Congo est le partenaire incontournable des Puissants. Il est condamné. Il a été du bon côté de l’Histoire, son sous-sol par son uranium de Shinkolobwe a permis à l’Occident de gagner la IIème Guerre Mondiale.
D. DADEI.


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