A la Chambre haute, le ministre Yav Muland défend l’entrepreunariat congolais

Aussitôt nommé, le ministre des Finances Henri Yav Muland a pris le taureau par les cornes.

Alors qu’il séjournait à Lubumbashi en compagnie de toutes les notabilités de la province reçues à la ferme présidentielle Espoir, le nouvel argentier national a dû mardi 6 janvier 2015 prendre son vol retour à Kinshasa et, depuis l’aéroport N’Djili, s’est rendu droit à la Chambre haute du Parlement pour présenter et défendre le projet de loi portant promotion de l’entrepreneuriat au Congo.
Un texte de loi né du constat dressé par le Président de la République du déséquilibre criant qui caractérise la pratique des affaires dans notre pays depuis moult années, qui s’observe par la quasi-absence d’opérateurs économiques nationaux dans l’ensemble de secteurs vitaux de l’économie congolaise, à savoir les mines, les autres industries extractives, manufacturières et les télécommunications.
Le Chef de l’Etat avait aussi noté l’absence d’une classe moyenne au sein de la population congolaise.
De là est né le Projet de loi visant le développement et la promotion de l’entrepreneuriat (activités de commerce, de l’artisanat, de l’agriculture et des activités civiles non réglementées) en faveur des Congolais, y compris ceux de la diaspora.
Le projet intègre les grandes lignes du projet de loi portant Promotion de l’Exercice du commerce des PMEA, élaboré par le Ministère de l’Industrie.
Le présent projet de loi s’inscrit ainsi dans le cadre des réformes économiques entreprises par le Gouvernement pour répondre au défi du développement d’un entrepreneuriat national et de l’émergence d’une classe moyenne, indispensable pour permettre à la population congolaise d’auto-bénéficier de l’économie du pays et de participer à son essor économique.
Il détermine:
1. Le régime juridique général de l’exercice de l’entrepreneuriat au Congo, dans le strict respect de la réglementation OHADA en la matière.
Le texte:
1. Fixe les principes fondamentaux relatifs à l’exercice du commerce, de l’artisanat, de l’agriculture ou des activités civiles indépendantes non réglementées sur le territoire national.
A ce titre, il:
- établit le principe de la libre entreprise comme fondement de la pratique et de l’exercice de l’entrepreneuriat en RDC, en établissant la responsabilité de l’Etat dans le respect de ce principe;
- apporte un certain nombre de tempéraments à la libre entreprise, lesquels consistent notamment à interdire l’exercice de certaines activités entrepreneuriales qui portent atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs, à faire respecter les activités conférées en monopoles à certaines entreprises publiques ou privées ou à subordonner l’exercice de certaines activités à l’obtention d’une autorisation administrative (Gouvernement Central ou Provincial, selon les cas);
- réglemente l’entrepreneuriat des étrangers sur le territoire national, en leur reconnaissant, sous réserve de la réciprocité dans leur pays d’accueil au profit des Congolais, le droit d’entreprendre en RDC dans les conditions et selon les modalités fixées par la présente loi.
2. Erige en règle générale le principe de la responsabilité sociale des entreprises opérant dans les secteurs stratégiques déterminés par la loi ou par un acte réglementaire postérieur.
- Le dispositif y afférent vise à faire des entreprises concernées des vrais acteurs du développement durable, en les positionnant comme participant, au-delà de la création des biens matériels, à la recherche du bien commun économique, social et environnemental de toutes les personnes intéressées par son activité, surtout les salariés et les populations locales.
3. Fixe les formes juridiques servant de cadre dans lequel doit s’exercer l’entrepreneuriat sur le territoire national, à savoir: l’entreprise individuelle ou l’entreprise sociétaire.
Le présent projet de loi:
- apporte une importante innovation en légiférant sur le statut juridique de l’entrepreneur individuel opérant sous la dénomination d’Entreprenant, ouvert aux nationaux et aux étrangers, dont le régime juridique est fixé par les règles définies à l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit commercial général et dans le présent projet de loi.
- admet la possibilité de cumuler le statut d’entrepreneur individuel avec les activités salariées ou une activité dans la fonction publique, en prévenant les conflits d’intérêts et les prises d’avantages illicites.
- admet que l’entrepreneur peut exercer ses activités dans le cadre d’une société. Celle-ci peut être, selon les cas, soit une société commerciale unipersonnelle (SA et SARL) ou pluripersonnelle (SNC, SCS, SARL, SA), soit un groupement d’intérêt économique, soit une société coopérative, dans les conditions et suivant les modalités définies par les Actes uniformes OHADA y afférents.
2. Le statut de l’entrepreneur national destiné à promouvoir la création d’une véritable classe moyenne auprès de la population congolaise.
A ce sujet le texte:
1. Définit les critères d’éligibilité au statut d’entrepreneur national qui est exclusivement réservé aux personnes physiques de nationalité congolaise ou aux entreprises sociétaires contrôlées par des Congolais, et fixe le régime juridique y applicable; les sociétés ayant ce statut sont celles à statut particulier et donc, soumises à dualité de règles.
2. Détermine les avantages attachés au statut de l’entrepreneur national, notamment:
- des facilités d’accès au capital des entreprises stratégiques grâce à la consécration du principe d’association qui rend obligatoire la participation de personnes ci-dessus visées au capital de ces sociétés, dans les proportions allant de 5% à 20% sur 10 ans.
- des réelles opportunités d’affaires conférées aux entrepreneurs nationaux susceptibles de les intégrer dans le concert des opérateurs économiques et de les associer à la maîtrise de l’économie du pays, notamment l’exclusivité de certaines activités entrepreneuriales, le monopole de la sous-traitance dans les différents secteurs d’activités économiques, des quotas minima dans de marchés publics (10 % marchés de fournitures et 15% marchés de services et d’études);
- des faveurs dans le marché de l’emploi et dans le traitement de la main d’œuvre et de l’expertise locale;
- de nombreuses mesures incitatives, de nature fiscale, douanière et parafiscale, notamment dans le domaine de l’import-export.
3. Institue des mesures d’encadrement, de soutien financier et de garantie des entrepreneurs nationaux, en particulier les jeunes et les femmes entrepreneurs. Divers fonds d’accompagnement créés par ce Projet sont destinés à encourager et à promouvoir le démarrage de nouvelles entreprises, le développement des entreprises existantes, la transmission ou la reprise de celles qui sont en difficultés mais avec des vraies perspectives de redressement.
4. Crée de structures comme le «Fonds d’accompagnement de l’entrepreneur national», FACEN en sigle, destinées à accompagner l’entreprenariat national sur le plan de la professionnalisation et de l’appui financier pour la réalisation de projets d’investissements. Un «Comité consultatif sur la modernisation de l’entrepreneuriat national» est aussi envisagé en vue de la mise en œuvre effective de cette réforme.
En intégralité ci-après:

EXPOSE DES MOTIFS.
Le programme de modernisation et de promotion de l’entrepreneuriat en République Démocratique du Congo, particulièrement à l’attention des nationaux, s’inscrit dans le contexte des réformes économiques entreprises par l’Etat pour répondre au défi du développement d’un entrepreneuriat national et de l’émergence d’une classe moyenne, indispensable pour permettre à la population d’auto bénéficier de l’économie du pays et de participer à son essor économique.
En effet, l’Etat congolais s’est préoccupé du déséquilibre criant qui caractérise la pratique des affaires en RDC depuis de nombreuses années et dont le signe révélateur est la quasi absence d’opérateurs économiques nationaux dans l’ensemble de secteurs vitaux de l’économie congolaise. Ceci est perceptible surtout dans les grands secteurs de l’industrie minière et extractive, des hydrocarbures, des bois, de l’électricité, du traitement des déchets, de l’immobilier, des marchés publics, de technologie, des bâtiments, de l’agro¬alimentaire et de la protection de l’environnement.
Ce déséquilibre se manifeste également en matière de traitement de l’expertise nationale, notamment lors des passations des marchés de service et de prestations intellectuelles passés par le pouvoir Central, les provinces, les entités territoriales décentralisées, les entreprises publiques et les établissements publics ainsi que dans le marché de l’emploi.
Cette situation empêche souvent les nationaux à jouer un rôle significatif et donc à auto bénéficier de l’économie du pays. Pareil déséquilibre constitue en réalité et de façon latente un des facteurs aggravants de déstabilisation du pays dans la mesure où il compromet dangereusement un partage équitable et pacifique des richesses entre différents groupes sociaux aux intérêts divergents. Il finit par faire du pouvoir politique la seule voie d’accès à la richesse et le seul chemin menant au pouvoir et aux richesses de l’élite dirigeante, qui peut exercer une prédation rentière sur cette richesse, prédation qui s’est le plus souvent faite par des pratiques peu recommandables.
Dès lors, la redistribution des actifs stables, comme les mines et les banques, des actifs en pleine croissance notamment les télécommunications et la haute technologie, et des opportunités économiques ne peut plus échappée aux nationaux et doit leur être profitable. Cette redistribution n’est plus une option, mais plutôt une nécessité comme l’illustrent les statistiques qui montrent notamment que le poids des capitaux détenus par des congolais dans l’ensemble des capitaux des entreprises se situe entre a et 3 %.
C’est la raison d’être de la présente loi qui a vocation à réponse aux objectifs ainsi fixés.
Pour ce faire, la présente loi prise conformément aux dispositions des articles 35 et 122 point 8 de la Constitution, consacre un régime juridique général régissant la pratique de l’entrepreneuriat en République Démocratique du Congo.
Ce régime est conforme à la réglementation du droit des affaires issue de l’organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), en particulier l’article 10 du Traité OHADA ainsi que certains Actes uniformes, notamment celui du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général qui fixe le statut de certains acteurs de la vie commerciale (commerçant, entreprenant, intermédiaire de commerce), celui du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique qui détermine les règles de constitution, de fonctionnement et de disparition des sociétés commerciales ainsi que celui du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives.
La présente loi définit ainsi son champ d’application qui est limité aux entrepreneurs, personnes physiques ou morales, société unipersonnelle ou pluripersonnelle, du secteur public ou privé, exploitant une activité commerciale, artisanale, agricole ou encore une activité civile non réglementée.
A cet effet, la présente loi commence par instituer le principe de la libre entreprise comme fondement de l’exercice de l’entrepreneuriat en République Démocratique du Congo, peu importe la nationalité des acteurs, en prenant soin de fixer les conditions et [es limites dans l’exercice des activités entrepreneuriales.
Ensuite, elle établit les différents cadres structurels à choisir par tout entrepreneur pour exercer les activités professionnelles précitées sur le territoire national tant pour les individus, les sociétés commerciales que pour les coopératives.
Le premier cadre est celui de l’entrepreneur individuel qui n’est pas commerçant, même en exerçant les activités commerciales, mais opère plutôt sous le régime de l’entreprenant tel que prévu dans l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, lequel est ouvert aux nationaux comme aux étrangers. A ce niveau, la présente loi a le mérite de fixer les avantages et obligations de l’entrepreneur individuel, principalement en matière fiscale.
Elle prévoit la possibilité de cumuler le statut d’entrepreneur individuel avec les activités salariales ou une activité dans la fonction publique ou de mandat politique. La présente loi réglemente l’incidence de l’activité d’entrepreneur individuel sur le régime matrimoniale et la situation du conjoint. Elle précise que le bénéfice de ce statut est limité aux seuils de chiffres d’affaires prévus par le législateur OHADA pour l’entreprenant.
Le second cadre est celui des sociétés commerciales qui peuvent être des sociétés unipersonnelles ou celles pluripersonnelles. Celles-ci opèrent selon les conditions et modalités définies par l’Acte uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d’intérêt économique ainsi elles régissant les sociétés commerciales à statut particulier.
Le troisième cadre est celui des sociétés coopératives qui se créent et fonctionnent dans les conditions et suivant les modalités définies dans l’Acte uniforme sur les coopératives à statut particulier.
Pour répondre à l’objectif d’offrir aux entrepreneurs nationaux des réelles opportunités d’affaires susceptibles de les intégrer dans le concert des opérateurs économiques et de ce fait de les associer à la maîtrise de l’économie du pays, la présente loi fixe un régime particulier de l’entrepreneur national. Celui-ci peut être aussi bien une entreprise individuelle qu’une entreprise sociétaire.
Pour ce faire, la présente loi définit l’entrepreneur national et fixe les conditions d’application de ce régime spécifique. Elle pose des règles visant à faire accéder les entrepreneurs nationaux dans le capital d’une certaine catégorie d’entreprises, en fixant le principe d’association susceptible de faire participer les nationaux aux actifs stables notamment miniers et ceux en croissance actuellement sous le contrôle capitalistique quasi monopolistique des étrangers.
Cette loi détermine également des opportunités d’affaires au profit des entrepreneurs, personnes physiques ou morales, particulièrement lors de l’attribution des marchés publics et en matière de sous-traitance. Certaines dispositions de la loi visent à valoriser l’expertise nationale et la main d’œuvre locale.
La présente loi fixe également des mesures incitatives destinées à encourager les entrepreneurs nationaux à s’investir dans l’entrepreneuriat individuel ou sociétaire. Elle institue de mesures d’encadrement, de soutien financier et de garantie des entrepreneurs nationaux, en particulier les jeunes et les femmes pour la création d’entreprises. A cet effet, divers fonds destinés à encourager et à promouvoir l’ entrepreneuriat national sont institués.
Telle est l’économie générale de la présente loi composée de 153 articles subdivisés en quatre titres.


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Portrait de PATIENCE KIMVULA