- dim, 26/10/2025 - 17:25
Sur les pistes aéroportuaires détruites et spoliées du Kwilu
(PHOTO PAGE 11 Le Soft N°1647).
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
LE SOFT INTERNATIONAL N°1647 | VENDREDI 24 OCTOBRE 2025.
Aura-t-elle lieu ou pas ? Si oui, où aura-t-elle lieu ?
Le grand événement de gouvernance publique - la XIIIème Conférence des Gouverneurs - annoncé par le président de la République à l’issue de la XIIème Conférence des Gouverneurs tenue le 10 juin 2025 à Kolwezi, province du Lualaba, dans l’espace Grand Katanga, projeté pour se dérouler fin décembre 2025, dans la province du Kwilu, aura lieu ou pas ?
À commencer par la question de lieu : si cette rencontre doit se tenir en décembre, c'est-à-dire dans deux mois, dans quelle ville aura-t-elle lieu ? À Bandundu Ville, la capitale de la province du Kwilu ou, à Kikwit, la grande ville de l'espace Grand Bandundu ?
Poser cette question revient à s'interroger sur les infrastructures d'accueil. La province du Kwilu est-elle aujourd'hui en capacité d'accueillir un événement d’importance nationale voire internationale dès lors que cette conférence ne verra pas seulement arriver les personnalités congolaises, elle verra aussi arriver des personnalités étrangères ? Du coup, quelle ville en l’espèce pourrait recevoir plus dignement cette conférence ? Sur papier, aucun doute n’existe : c'est Bandundu, le siège des institutions provinciales. Cela reviendrait naturellement à lui reconnaître sa place sur l'échiquier administratif et politique provincial et, du coup, national.
Mais la ville, située au nord de la province, entre Kwamouth, Mushie et Semendwa, n'est malheureusement pourvue d'aucune infrastructure susceptible d'accueillir un événement qui drainerait des centaines de personnalités. Elle ne dispose ni d'un immeuble pouvant recevoir cet événement, ni d'hôtels ou des maisons qui pourraient loger des centaines d’invités.
VOLONTÉ ET DÉTERMINATION.
Dans une autre vie, sous la présidence de Joseph Kabila, c'est Kikwit, plus au sud de la province, qui avait déjà abrité, dans l'espace Grand Bandundu, une conférence des gouverneurs. En partant de Kinshasa, sur la route nationale n°1, on glisse jusqu'à Kikwit après sept heures de route en passant par Kenge, la capitale du Kwango, l'une des trois provinces de l'ex-Bandundu, et Masimanimba, le chef-lieu de l'un des cinq territoires de la province du Kwilu, avec Bagata, Bulungu, Gungu et Idiofa. Cette RN n°1 reste nul doute l'une des plus belles avenues du pays qui vient d’être par ailleurs réfectionnée par l’Office des Routes.
Rejoindre par la voie terrestre, la ville de Bandundu, située au confluent des rivières Kwilu, Kwango et Kasaï, n'est possible qu'en passant par une rivière dans un sens ou dans l'autre, qu'il faut traverser par un bac tiré par bateau, à la suite d'absence de ponts.
Quand il s'agit d'un événement qui draine des centaines de personnalités du monde politique mais aussi économique, l'exercice devient difficile voire impossible sur des pistes aussi poussiéreuses et infranchissables qui ne figurent sur aucune carte géographique, qui deviennent inaccessibles pendant la saison des pluies comme c'est le cas aujourd'hui.
Outre cela, l'axe routier le plus facile est la RN 17 Mongata-Masiambio-Bandundu ville dont les accès sont aujourd'hui périlleux suite aux attaques que ne cesse de commettre la milice Mobondo qui a fait, depuis 2022, plus de 1.000 morts, selon un bilan provisoire dressé par les FARDC, les Forces armées congolaises.
« S’il faut faire un bilan partiel des opérations de traque des miliciens Mobondo dans les opérations Ngemba, sur l'axe Kwamouth-Bagata, nous remarquons sur terrain des scènes d’horreur dignes d’un film d’Hollywood et qui font froid au dos. Depuis l’année 2022 jusqu’à ce jour, nous avons enregistré plus de 1.000 personnes tuées du coté civil, sans compter les agents de l’ordre tombés sur le champ de bataille », a déclaré début mars, à Kikwit, le capitaine Antony Mwalushayi, le porte-parole des Opérations « Ngemba » de la XIème région militaire du Grand Bandundu. Dans ces conditions, qui irait s'aventurer sur cette voie ?
Quelles chances restent au Kwilu d'accueillir dans deux mois cette conférence ? À croire tous les techniciens, très peu ! Sauf à booster la voie aérienne, la seule aujourd'hui qui relie la ville de Bandundu avec l'extérieur. À condition cependant de réhabiliter l’aéroport de Basoko, l’aéroport de la ville de Bandundu, qui est actuellement desservi par trois ou quatre compagnies aériennes par des « avions de brousse ». Sauf que le délai, pour l'exécution des travaux, d'ici le mois de décembre, devient chaque jour qui passe, difficile à tenir.
Dans une correspondance officielle du Directeur général de l'Office des Routes, le professeur Jeanneau Kikangala Ngoy, datée du 13 octobre 2025, adressée aux plus hautes personnalités du pays, avec ampliation au Président de la République, dont Le Soft International a pris connaissance, les questions qui se posent pour la tenue en décembre de cette conférence paraissent pour l’instant insurmontables à moins d'une volonté et d'une détermination au plus haut niveau du pays.
Une convention signée fin juillet 2025 entre la Régie des Voies Aériennes-SA, société de l’État actionnaire unique, qui gère une cinquantaine d'aéroports du pays et l'Office des Routes pour des travaux de réhabilitation des chaussées aéronautiques de l'aéroport national de Bandundu fait face à de nombreux défis. En premier, l'absence de bitume sur le marché, mais aussi l'absence dans l'espace Grand Bandundu des carrières des concassés recommandés pour le béton bitumineux outre l'absence des matériaux pour l'asphaltage et le concassage. Si une commande de 40 tonnes de bitume a pu être faite à Kinshasa par l'Office des Routes qui a déjà perçu une partie de la somme réclamée à la Régie des Voies Aériennes-SA (près de 1 million cinq cent mille $US pour les aéroports de Bandundu et de Kikwit), la question reste de savoir comment ces tonnes de bitume seront livrées à Bandundu ville et à quel moment dès lors que, s'agissant de la piste aérienne de Basoko, elles doivent emprunter la voie fluviale.
Pour l'aéroport de Kikwit, appelé aussi l'Aéroport de Nzinda, le début des travaux fait face aux mêmes problèmes, à en croire le Directeur général Jeanneau Kikangala Ngoy. Soit, rupture des concassés, rareté de bitume, absence d'engin finisseur pour la pose d'enrobés, etc. Face à ces difficultés, le professeur Jeanneau Kikangala Ngoy appelle à « l'implication du Gouvernement central pour toute solution urgente pour l'exécution totale si possible des travaux sur l'aéroport national de Bandundu avant la tenue de la conférence des Gouverneurs ».
Il propose de ramener et d’installer à Bandundu ville l'usine d'asphaltage présentement à Kikwit en vue de poursuivre le renforcement de la piste après la tenue de cette conférence. L'Office des Routes appelle le Gouvernement central à financer le transport et l'installation des usines d'asphaltage et de concassage acquises depuis 2010.
Le président du Conseil d'Administration de la Régie des Voies Aériennes-SA, RVA-SA, le professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba qui a débarqué, le 4 octobre dernier, sur l’aéroport de Basoko, pour la troisième fois en un an, en mission d'inspection des plateformes aéroportuaires, avant de se rendre par la route, de Bandundu ville à Kikwit, où il inspectait l'Aéroport de Nzinda pour la deuxième fois, a fait le même constat. Il pense qu’en dehors d'une « volonté ferme et déterminée du pouvoir central », le rendez-vous de décembre pourrait ne pas avoir lieu. Il s’est engagé d’informer les plus hautes autorités du pays de cette situation.
Certes, si l’absence d’infrastructures à Bandundu ville et à Kikwit ne peuvent être un problème pour un homme politique appelé constamment à aller voir et vivre les réalités des populations de l'arrière-pays, la question majeure, pour le président du Conseil d'Administration de la RVA-SA, reste d'atteindre le site. Bandundu ville ou Kikwit ? Aucune des pistes de ces deux aéroports ne saurait accueillir l'avion présidentiel dans certaines conditions de sécurité et de sûreté et certainement pas le nombre d'aéronefs qui seraient appelés à se poser pour cet événement. À Kikwit, par exemple, outre qu'elle est abîmée et prise d'assaut par des riverains, deux têtes d'érosion menacent la piste aérienne.
Dans une présentation faite le 6 octobre au président du Conseil d'Administration de la RVA-SA, le chef d'aérodrome de Kikwit, Michel Esungi Bakanyaka a été explicite. Il a insisté sur « le dossier préoccupant de spoliation de l’emprise aéroportuaire» avec « des occupations anarchiques installées aux abords voire à l’intérieur de la zone aéroportuaire», ce qui « entraîne une présence incontrôlée de personnes et la divagation d’animaux (chèvres, porcs, vaches, chiens, volailles etc..) sur la piste, particulièrement lors des phases d’atterrissage et de décollage ». Michel Esungi Bakanyaka a déclaré que « cette spoliation et cet envahissement du site aéroportuaire ont atteint des proportions inquiétantes avec comme conséquences la menace de la destruction de la piste d’envol par les eaux de pluie provenant des toitures des maisons des spoliateurs. Ce ruissellement des eaux entraîne sable et déchet sur la piste et crée déjà une érosion qui avance à pas de géant vers la piste. Ces maisons construites dans le site aéroportuaire perturbent la propagation des ondes radioélectriques, constituent une entrave à la circulation aérienne et expose la population environnante à un risque majeur pour la sécurité aérienne et compromet la conformité de notre aéroport aux normes de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, OACI ».
LES QUESTIONS DU PERSONNEL.
Michel Esungi Bakanyaka a sollicité « un appui ferme pour la sécurisation de l’emprise aéroportuaire, le dégagement de la zone de sécurité, ainsi que la poursuite effective des travaux de réhabilitation de la piste».
De poursuivre : « Nous faisons face à plusieurs autres défis matériels: le salon d’honneur se trouve dans un état de vétusté avancé, nécessitant une rénovation urgente pour offrir un cadre d’accueil digne aux autorités et aux passagers VIP. Nous manquons cruellement de matériels de lutte contre l’incendie (extincteurs, tenues et équipements de première intervention), indispensables pour la sécurité opérationnelle. L’aérodrome dont la piste a une longueur de 1.570 m et une largeur de 30 m ne dispose pas d’un véhicule de service pour assurer les inspections régulières de la piste et suivi des activités techniques surtout en période de pluie, La police aéroportuaire manque de tenues et de moyens logistiques adéquats pour accomplir efficacement ses missions de sécurité et d’ordre ».
Puis : « Depuis l’année 2020, à la suite de la pandémie de COVID-19, la compagnie aérienne KinAvia, qui desservait régulièrement Kikwit a suspendu ses activités. Cette interruption a fortement affecté la dynamique de notre aéroport, tant sur le plan opérationnel que financier. Nous ne recevons que des Vols Non Réguliers, VNR, pour des affrètements. Nous saluons les efforts constants de l’Administration centrale de la RVA-SA, notamment pour les salaires et l’approvisionnement en carburant du groupe électrogène alimentant la station VSAT. Toutefois, la quantité allouée mérite d’être revue à la hausse, car les équipements photovoltaïques arrivés depuis 2020 ne sont toujours pas installés. Leur activation allégerait considérablement la charge énergétique et améliorerait la continuité de nos services ».
Et les questions sociales ne sauraient être ignorées. Elles ont été exposées au président du Conseil d’Administration par le chef d'aérodrome de Kikwit. « Sur le plan social, la situation demeure préoccupante : nous attendons encore le salaire du mois de septembre 2024, ainsi que les frais scolaires des années 2022, 2023 et 2025 sans compter les arriérés de 40 mois antérieurs additionnés aux 08 mois de mai à décembre 2020 sont toujours impayés. Les gratifications des années 2013 à 2020 et 2022 ne sont jamais payées. Malgré des contraintes, le personnel continue d’accomplir sa mission avec courage et sens du devoir. Notre effectif, hélas, est en baisse constante à cause des départs à la retraite. Trois agents supplémentaires quitteront le service cette année, ne laissant qu’un total de six agents actifs pour assurer l’ensemble des activités de l’aéroport».
Mêmes propos entendus de la part du Représentant des Travailleurs, Emmanuel Ntesa Banudjika, qui a insisté sur les frais scolaires (« à ce jour, aucun versement n’a été effectué par l’Administration centrale, alors même que la rentrée scolaire 2025 est déjà effective »), sur les vivres frais (« ils ne sont pas toujours perçus ; les travailleurs sont privés d’un appui pourtant essentiel dans ce contexte de vie difficile surtout lors des festivités de fin d'année »).
Mêmes doléances formulées à l'Aéroport de Basoko. Le commandant Makolo Muza qui a expliqué par exemple qu’« un aéroport national devrait avoir 38 Agents et Cadres mais celui de Bandundu ville ne dispose que de 16 agents et cadres dont 11 temporaires avec un contrat à durée déterminée, CDD, et 5 agents et cadres actifs. Pire encore parmi les 5 actifs, 2 iront en retraite au cours de cette année ».
Il a demandé au président du Conseil d'Administration de la RVA-SA d’appeler la direction générale de l'entreprise de faire signer un contrat définitif à ces agents CDD « qui ont servi la RVA-SA pendant 10 ans ».
D. DADEI.





