Notre justice est-elle pourrie?
  • lun, 25/01/2016 - 18:20

S’il pouvait parler à chaque sollicitation, Le Soft International aurait tant aimé interroger l’homme en charge de la défense de l’ordre public.

Que de questions taraudent l’esprit piaffant d’impatience de les rencontrer en ce début d’année 2016 de grands défis politiques, économiques, sociaux; défis d’existence et de résilience comme Nation et Nation souveraine! Puisque cela n’arrive pas qu’aux autres, notre pays est-il menacé par la vague jihadiste, cette mouvance qui prolifère dans la bande sahélo-saharienne? Après Dar es-Salaam, Lagos, Mogadiscio, N’Djamena, Yaoundé, Nairobi, Bangui, Bamako, Ouagadougou, pour ne citer que ces capitales proches géographiquement ou culturellement bien que le terrorisme n’ait point de frontière par ces temps de réseaux sociaux dominateurs (Bruxelles, Paris, Tunis, Le Caire, Tripoli bien sûr, etc.), à qui le prochain à être frappé ou détruit? Dakar? Abidjan? Kinshasa?
Nos écoles, nos enfants, nos hôtels, nos lieux publics, nos visiteurs étrangers, sont-ils épargnés et en sécurité? Notre police et notre justice ailleurs sur des dents, sont-elles engagées dans la prévention, les contrôles notamment aux frontières poreuses, renforcés? Si oui, comment même si tout ne doit pas être dit ou révélé bien que nous soyons en démocratie? Existe-t-il un plan de survie nationale - avec quels moyens? - quand le politicien local s’écharpe dans un m’as-tu vu irresponsable?
L’UA, en fin de semaine, va nous en donner des pistes… Il reste bien de questions qui glacent le sang en cette période de rentrée politique, que Le Soft International aurait tant voulu poser à l’homme en charge de la défense de l’ordre public, le Procureur Général de la République Démocratique du Congo, Flory Kabange Numbi.
S’il pouvait parler à chaque sollicitation d’interview, Le Soft International aurait tant aimé interroger l’homme en charge de la défense de l’ordre public, le Procureur Général de la République Démocratique du Congo Flory Kabange Numbi.
Bien de questions taraudent la curiosité professionnelle et l’intérêt du public. Le Président de la Chambre basse du Parlement congolais Aubin Minaku Ndjalandjoku a fait, à l’ultime séance de fin de session budgétaire de septembre 2015, état de la possibilité d’une réquisition d’information sur des élus ayant pris part à la rencontre de l’île Gorée au Sénégal. Ce qui reviendrait à engager la procédure de levée d’immunité. Partage-t-il cet avis? Par ricochet, ce que la justice congolaise aurait à reprocher à des élus et aux participants non parlementaires ayant fait le déplacement de l’île de Gorée? Ou - pourquoi pas? - lorsqu’un élu use d’une autorisation de sortie des soins à l’étranger pour se rendre et prendre part à un Séminaire politique, s’agit-il d’un cas d’abus de confiance?

DES EXCEPTIONS PRIMEES.
S’agissant de ce séminaire de Gorée sous le pont duquel beaucoup d’encre a coulé et continue de couler, la chancellerie en connaît-elle les organisateurs, les financiers, les animateurs, les thèmes abordés? Constitution contre Constitution, puisqu’il y a peu, le Procureur Général de la République a mis en garde, lors d’une sortie peu courante, les Congolais qui invoquent l’art. 64 - à savoir le droit de résister à un pouvoir qu’ils contestent - «tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce par la force en violation des dispositions de la présente Constitution», à cela il répond par l’al. 2 du même article, à savoir «toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la Nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi», en vérité, il fait mouche. Le PGR pourrait-il en dire plus?
Encore tout récemment, le «Monsieur anti-corruption de la République» s’est, à fleurets mouchetés, plaint en expliquant que lui, a fait sa part, à la justice de faire la sienne! La justice congolaise est elle trop lente ou corrompue? En clair, la Justice congolaise est-elle pourrie?
Le Soft International aurait voulu également savoir le pourquoi de demandes de levée d’immunité qui, à ce jour, n’aboutissent pas. En même temps, on aurait bien voulu savoir le sort réservé à la procédure adressée à la Chambre basse en vue d’obtenir la levée des immunités parlementaires des élus poursuivis pour faux et usage de faux?
Et, last but not least, la justice congolaise peinant à affirmer sa crédibilité - tous les procès intentés étant qualifiés de politiques - quelle issue aux dénonciations faites par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement lors d’une visite au Katanga et à Kasumbalesa?
Janvier 2015, boutiques, magasins et autres biens des Compatriotes et étrangers opérant sur notre sol furent pillés, saccagés, brûlés par des manifestants agissant pour compte de politiciens. A ce jour, pas un responsable interpellé par la justice pour réparer le préjudice. Comment expliquer cela? Dans un pays post conflit comme le nôtre, quel rôle joue la justice pour consolider la paix à tous les niveaux?
Ou - pourquoi pas? - face à des crimes économiques ou de tentatives de déstabilisation ou de désacralisation des Dirigeants, comment expliquer la mansuétude de la Justice à agir contrairement au Sénégal, au Congo-Brazzaville pour se limiter à ces deux cas où la justice est plus réactive? Envie de paix? Crainte de critique? Etat de connivence? Etc. Etc.
Hélas! Un PGR, ça ne parle pas tout le temps. Mieux, ça ne parle pas pour ne rien dire... On gardera dans nos tiroirs ces questions pertinentes. Mais au moins a-t-on eu samedi 10 janvier un début de réponse. D’entrée de jeu, il le reconnaît: la justice congolaise a mauvaise réputation. Qui donc le reconnaît?
Le Procureur Général de la République Flory Kabange Numbi lui-même.
Mais c’est pour expliquer aussitôt: cela n’exclut pas des exceptions. Il les appelle une «race» rare sinon rarissime de «combattants de l’honneur et de la dignité; des archétypes de vertu».

MONTRE DE COMPETENCE AVEREE.
Lors d’une cérémonie à Kinshasa présidée samedi 10 janvier par le président de l’Assemblée nationale, représentant personnel du Président de la République, Chef de l’Etat - Magistrat suprême du pays - en présence des plus hautes notabilités du pays, lors de la remise des prix aux lauréats magistrats du ministère public et de remise de la prime d’excellence édition 2015, Flory Kabange Numbi explique comment lui a germé cette idée qu’il veut pérenniser, qui consiste à récompenser des «magistrats du parquet parmi les plus méritants qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ont fait montre de compétence remarquable et avérée, d’honneur et de dignité, ainsi que d’abnégation».
En date du 24 octobre 2014, à l’occasion de la clôture des assises de la IXème session de l’Assemblée Générale de l’Association des Procureurs d’Afrique, APA en sigle, une cérémonie de reconnaissance des mérites de certains magistrats, avait été organisée. «L’expérience s’étant avérée concluante et satisfaisante, j’ai pris la résolution de la perpétuer pour en faire une tradition annuelle, en ligne droite de l’idée qui a germé il y a quelques années».
Si les justiciables congolais sont fort critiques face au «mauvais fonctionnement de la justice», reconnaît le PGR, ils occultent «le leadership incontestable de certains magistrats consciencieux».
Flory Kabange Numbi veut «susciter et favoriser une saine émulation dans le corps».
Comment ces modèles de leurs pairs en ce qui concerne la prestation professionnelle ont-ils été désignés?
C’est un «jury anonyme, indépendant et objectif composé notamment des Gouverneurs de Provinces, des Avocats, des membres de la société civile et des services de sécurité» qui s’est prononcé.
On note ainsi des cas épinglés de certains magistrats ayant adopté des comportements - peut-être anodins - mais qui peuvent servir d’exemples à d’autres ou montrent que des magistrats ont aussi à cœur l’esprit patriotique. Le cas de Mme Bodisa Mundi, Procureur Général près la Cour d’appel de Kindu. Appelée au Parquet Général de la République pour être notifiée en qualité de Procureur Général à .Kindu, Maniema, elle n’a formulé aucune protestation ou réserve quand plusieurs dames, même élevées à de hautes fonctions n’acceptent pas de rejoindre leurs postes en province si elles estiment que le lieu d’affectation est un milieu difficile.
Le PGR a «invité d’autres dames à suivre cet exemple d’abnégation et d’oubli de soi».
Le second cas est celui de M. Anicet Ibeka Bokiki, 1er substitut du Procureur de la République du Parquet de Songololo.
Le magistrat avait répondu à son affectation malgré des conditions dures de son ressort et l’insécurité gui y régnait lors du mouvement insurrectionnel de Bundu dia Kongo. Situation qui bien souvent, constitue un prétexte qui fait demeurer d’autres magistrats à Kinshasa ou à Lubumbashi. Là encore, un exemple à suivre. Le troisième cas est celui de Jean-Jacques Muteba Ntambwe, 1er Substitut du Procureur de la République, chef du Parquet de Mambasa. Si le magistrat fut empoisonné, il poursuivit sans rechigner d’exercer ses fonctions dans la même contrée. Vient Willy Witamene Luwene, substitut du Procureur de la République, Chef du parquet de Walikale.
Il exerce ses fonctions dans un ressort devenu répaire de nombre de groupes armés (FDLRI, MAï-Maï Chekai, etc) qui insécurisent régulièrement la contrée. Puis Makada Balembotimbo, chef du Parquet près le Tribunal de paix de Kavumu. Il a géré avec dextérité le Parquet de Idjwi avant de se voir désapprouver injustement par la population sur incitation de personnes mal intentionnées qui croyaient pouvoir retourner aux juridictions coutumières. Le PGR Flory Kabange Numbi se veut explicite explique et n’occulte aucune critique: «De voix fusent régulièrement au sein de notre société, quelque fois même avec bruit, pour dénoncer la corruption, la concussion, la lenteur, le clientélisme, le trafic d’influence, l’instrumentalisation et d’autres maux qui gangrènent le système judiciaire dans notre pays, entravant ainsi la bonne administration de la justice. La population, très exigeante, s’exprime alors avec véhémence et juge avec sévérité l’action de ceux-là que la collectivité et l’Etat ont désigné pour assurer la régulation de la vie sociale. Cette virulence dans la critique trouve son fondement dans l’exacte opinion que se fait notre population de la justice, en tant que dernier rempart de l’Etat et bouclier de la République, dans tout système démocratique».
Puis: «La justice doit se placer à l’avant-garde du processus de progrès de la Nation et ne peut se permettre de clopiner péniblement dans les derniers rangs d’une société qui veut et doit se mouvoir dans le sens de l’émergence d’un nouvel espoir en l’avenir, pour ses membres. Une justice plombée par des scandales à répétition, n’a pas de place ni d’avenir en République Démocratique du Congo, notre cher et beau pays qui a pris l’option du refus catégorique d’être une Nation qui se délite».

MOMENT FORT DE HAUT TEMOIGNAGE.
Puis: «Dans la perspective d’une justice définitivement acquise au changement et susceptible de dissiper tous les doutes qui persistent au sein de la population quant à sa capacité de répondre à ses attentes légitimes, la République peut fort heureusement compter sur bien de magistrats qui, malgré les conditions de vie et de travail difficiles, s’emploient au quotidien, à remplir les devoir de leur état dans la correction totale et dans le strict respect de leur serment statutaire». «Ceux de nos collègues (primés) appartiennent à cette race de combattants de l’honneur et de la dignité. Ce sont des archétypes de vertu.
Je martèle que la magistrature est et doit demeurer un corps d’élite, c’est-à-dire un vivier où sont formés des personnes spéciales, sortant de l’ordinaire, s’extirpant des sentiers battus et des lieux communs; des agents de développement et de progrès tendus résolument vers un idéal de perfection. Le magistrat à vocation d’être une lumière et une référence dans la société. Il a une valeur mystique dans la collectivité et y joue un rôle catalyseur. Les faiblesses qui peuvent paraître humaines et donc acceptables et justifiables pour les autres, ne sont tolérées d’aucune manière lorsqu’il s’agit du magistrat». Puis: «Ceci traduit à suffisance la place qu’il occupe dans la société, et qu’il doit s’employer à maintenir pour sa propre crédibilité mais aussi et surtout pour l’institution qu’il représente et incarne».
Pour le PGR Flory Kabange Numbi, la remise des prix aux lauréats est «un moment fort de haut témoignage et de reconnaissance de la République pour le travail bien fait».
«Lorsqu’ils recevront leur récompense, chacun d’eux vivra cet événement comme un instant de fierté absolue qui restera à jamais gravé dans son cursus professionnel. Ce sera l’occasion d’une prise de conscience de leur nouveau statut de leaders pour conduire et entraîner les autres mais aussi les éclairer par rapport à leur position de luminosité». Aux magistrats reconnus, le PGR a expliqué qu’ils doivent saisir cette opportunité pour continuer sur cette voie et même de faire d’avantage afin que les espoirs qu’ils ont suscités ne soient jamais déçus. «Soyez fiers de la reconnaissance de toute une nation. Vous avez assurément mérité de la patrie. Demeurez donc résolument engagés à maintenir le cap. En effet, la vertu est un combat de tous les jours et un engagement de tous les instants. Prenez conscience de la hauteur de vos responsabilités, par le statut qui vous est conféré et reconnu aujourd’hui pour votre plein épanouissement, pour le bonheur de vos familles et proches et également pour le prestige et la sécurité de l’Etat et du peuple Congolais».
Puis: «Cette distinction exige que vous puissiez davantage œuvrer pour le mériter encore à l’avenir, en recherchant toujours le meilleur. Soyez ces mobilisateurs honnêtes, dignes et crédibles, pleins d’amour qui mettent en œuvre les principes appris pour une justice impartiale et équitable afin que vous puissiez vous-mêmes grandir et aider les autres, c’est-à-dire vos collègues, à croître aussi dans le même élan d’intégrité et de dignité sur fond de sagesse. Que ce moment soit vécu par les autres collègues comme un appel à redoubler d’efforts car la soif de l’excellence grandit l’homme tandis que la complaisance dans la médiocrité l’avilit. Il va de soi que l’échantillon de lauréats retenus a été constitué à titre indicatif. Certains autres méritent d’avoir leur place au soleil. Ils le savent et je ne l’ignore pas. A ceux-là, je voudrais tout simplement leur dire que les âmes bien nées ne se relâchent jamais dans leur travail».
T. MATOTU.


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