Quand les Chinois éteignent la Miba
  • lun, 03/04/2023 - 13:54

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1579|LUNDI 3 AVRIL 2023.

Le quarantième congrès mondial du diamant s'est ouvert le 28 mars à Tel-Aviv, en Israël. Le Congo relégué à la 4e place des producteurs mondiaux du diamant brut en volume y était représenté par une forte délégation conduite par la ministre des Mines, Antoinette N’Samba Kalambayi.
Notre pays ne dispose plus des statistiques fiables de production de diamant qui s’est répandu presque partout sur le territoire. Pour l’exercice 2023, d’après la Direction des Mines et le Centre d’expertise, d’évaluation et de certification des substances minérales, précieuses et semi-précieuses, CEEC, la production artisanale du diamant devrait s’établir, en 2023, à 6.463.868 carats devant rapporter 325.621.490.600 CDF soit un peu plus de 161 millions de $US. Côté industriel, sur la Minière de Bakwanga, MIBA, ras. Point de dividendes attendues pour l’État, actionnaire majoritaire (80% des parts) quand les opérateurs artisanaux devraient verser au service des douanes (DGDA) pour la sortie des gemmes, au moins 1,6 million de $US, les états financiers de la MIBA sont au rouge, selon le dernier Rapport thématique sur le renforcement des divulgations des entreprises publiques du secteur extractif.
Alors qu’à Kinshasa, il est fait état des subventions faramineuses au profit de la Minière, les livres de la MIBA sur la période ne font pas mention d’existence de subvention reçue de l’État. Toutefois, la revue des comptes des capitaux propres, fait apparaître, une subvention d’investissement pour laquelle aucune explication n’a été fournie au service de l’ITIE/RDC. Le montant de cette subvention ne s’élève qu’à 196.207 de $US et 189.825 de $US respectivement en fin 2019 et fin 2020. On est donc trop loin de 10, 20 millions annoncés par le gouvernement depuis les années Kabila. La Minière a obtenu de la Gécamines un emprunt de 5 millions de $US. Mais l’argent n’a jamais atterri dans les caisses de la Minière. Mwana Africa, actionnaire minoritaire qui avait racheté à 55 millions de $US, les 20% des parts des Belges de Sibeka, a été racheté par des intérêts chinois au terme d’une OPA hostile, et son patron, Kalaa Mpinga évincé. Pourtant, il avait l’idée de faire coter la MIBA en bourse en vue d’y ramener les capitaux.

PAS UN CENTIME DE DIVIDENDE.
Depuis, c’est le régime de capharnaüm à la MIBA, l’État y change des mandataires, pratiquement tous les six mois ! Les Chinois de Mwana Africa ont visiblement décidé de fermer les yeux et de ne pas mettre la main à la poche. Une stratégie qui profite bien à la firme concurrente SACIM, Société Anhui Congo d’investissement minier. Voilà dix ans dont six avec un régime d’exonération totale, que SACIM opère au Kasaï Oriental, à Tshibwe, dans le territoire de Miabi, à 45 km à l’Ouest de Mbuji-Mayi, sur l’une de plus riches réserves de la MIBA. Son capital social est de 8.400.000 de $US composé de 1000 actions réparties à parts égales entre l’État congolais et le partenaire chinois AFECC. Pour l’exercice 2023, le ministère du Portefeuille n’espère percevoir comme dividendes qu’environ 1,5 million de $US. Ridicule. Vu qu’il n’y a photo entre les miettes que SACIM verse à l’État après six ans de régime d’exonération et ses activités sur terrain. SACIM réalise, en effet, tant pour elle-même que pour compte des tiers les opérations d’études, de prospection, de recherche et d’exploitation minière du diamant, du cuivre, de cobalt, de l’étain et de toutes substances minérales concessibles et valorisables ainsi que toutes les opérations de concentration et de traitement métallurgique et chimique, de transformation, de commercialisation, d’exportation de ces substances et de leurs dérivés, l’ingénierie minière et toutes opérations de nature à favoriser la réalisation de son objet social. Selon un récent rapport du Secrétariat exécutif de l’ITIE/RDC, SACIM n’a pas de site web. Ce qui prouve à suffisance que l’entreprise sino-congolaise de diamants ne veut rien communiquer.
Et si elle veut communiquer sur la Toile, SACIM ne fait aucunement mention de ses états financiers. Les rares données disponibles sur la société d’économie mixte est le fruit des fouilles du Secrétariat exécutif de l’ITIE/RDC. SACIM a ainsi réalisé un chiffre d’affaires, en 2019, de 67,21 millions de $US et en 2020, de 43,26 millions de $US. Son total bilan 2019 se chiffre à 111,49 millions de $US contre 211,14 millions de $US en 2020. Et le résultat net 2019 est de 8,72 millions de $US, et en 2020, de 3,78 millions de $US.
Sur les deux exercices, l’État réduit en sleeping partner comme dans la tristement célèbre Joint-venture Sicomines, n’a perçu aucun centime en termes de dividende.
Éric Ngalula, député national du Kasaï Oriental, avait sollicité du Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, de réévaluer le partenariat SACIM qui s’illustre notamment dans les dols fiscaux.
Pourtant, en vertu de la loi n°08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques et de la loi n°08/008 du 07 portant dispositions générales relatives au désengagement de l’État des entreprises de portefeuille, la SACIM est une société soumise en matière des transferts financiers avec l’État, aux règles de droit commun en matière fiscale, c’est-à-dire qu’elle verse à l’État en tant que contribuable ou redevable des impôts, taxes et autres droits dus et du code minier et aux règles prévues par l’acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. Hélas ! Concernant le bénéfice, il est prévu un prélèvement de 5% au moins destinés à la formation du fonds de réserve. Ce prélèvement cessera d’être obligatoire lorsque la réserve aura atteint le dixième du capital social. Mais, quoique SACIM a fourni des états financiers non détaillés, l’ITIE/RDC a noté que tous les bénéfices de 2019 et 2020 ont été partagés.
À la SACIM, la gestion quotidienne est exercée par le collège des gérants qui rend compte à l’Assemblée générale des associés. Outre une indemnité fixe à imputer aux frais généraux, ce collège des gérants est autorisé à s’accorder des indemnités spéciales., et la rémunération de ses membres était de 12.580 $US en 2020. Alors que la DGRAD atteste que l’État n’a rien perçu comme dividendes en 2018, SACIM a rapporté que la totalité du bénéfice soit 5.147.864 de $US a été distribuée entre partenaires. Le Secrétariat exécutif de l’ITIE/RDC a alors demandé les procès-verbaux des Assemblées générales relatives à cette distribution de la totalité du bénéfice de 2018 soit 5.147.864 $US. «Selon la réponse apportée par la SACIM, nous comprenons que faute de tenue des Assemblées Générales, la Direction de SACIM, par ses lettres n°117/2020 et 248/2021 avait sollicité et obtenu l’accord du ministre du Portefeuille, de l’affectation des résultats des exercices 2019 et 2020. Ces affectations ont été confirmées par l’Assemblée générale tenue à Maputo le 26 novembre 2022. Des analystes trouvent curieux et soupçonneux qu’une entreprise dans laquelle l’État dispose de 50% des parts, opérant et ayant son siège en RDC, préfère plutôt tenir son Assemblée générale au Mozambique ! Déjà côté production, SACIM souffle le chaud et le froid. À Tshibwe, à quelques encablures de Mbuji-Mayi où SACIM, le député Éric Ngalula s’est fait dire que la société a juste produit moins de 400.000 carats de diamants mais au Secrétariat général de l’ITIE/RDC, SACIM a annoncé une production 3.965.179 carats, soit 132% de réalisation par rapport aux prévisions. Et la production réalisée en 2020 est de 4.400.212 carats du diamant, soit une hausse de 11% par rapport à l’année 2019. Le carat - équivalent à 20 cg - du diamant se négociait entre 22 et 25 dollars. Alors que la production de SACIM va crescendo, tout dégringole à la MIBA. Le dernier passage du chef de l’État au Kasaï devrait être l’occasion de remettre la MIBA dans ses droits et en finir avec la SACIM avec des Chinois n’en faisant qu’à leur tête. L’idée d’une mise à sac de la «Sicomines du Kasaï» hantait déjà les esprits.

POLD LEVI.

 

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