Comment la Majorité pourrait se parer et gagner
  • mar, 11/10/2016 - 18:57

Il est minuit moins... L’heure a sonné pour mettre les bouchées doubles.
Sans perdre une minute... De travailler sur l’image. Celle de la MP. C’est le message subliminal qu’a lancé le Président de la République, Chef de l’Etat au titre d’Autorité Morale au Bureau Politique élargi dimanche 9 octobre dans le faubourg Est de la Capitale, à Kingakati.
En pleine première guerre mondiale africaine, ce fut Jean-Pierre Bemba Gombo et son MLC qui caracolaient des théâtres Afrique-Occident. Contre le RCD-Goma, l’autre rébellion engagée contre le régime de Kinshasa. Résultat: le MLC a tout eu; le RCD-G rien. Bemba et le MLC n’avaient rien inventé.

QUI T’AGRESSE M’AGRESSE!
Ils avaient su se rendre sexy! Mais où est le Chairman? A la Haye - à la Cour Pénale Internationale - depuis près de dix ans pour encore près de dix ans! Le monde n’a pas d’état d’âme. Ainsi tourne la roue. Belle leçon d’humilité!
Que donc Bemba et les siens avaient-ils fait pour se rendre si sexy chez leurs concitoyens et dans le monde?
Ils ont juste trouvé le filon: construire une bonne communication à l’international qui nous met tous en éveil, que tous suivons - faute de mieux? -, mener une diplomatie de combat ou proximité, se faire connaître auprès de ceux dont la parole compte, sceller des partenariats exemplaires, stratégiques avec des pays qui pèsent. Sur le modèle qui t’agresse m’agresse! Ainsi, fonctionne le monde!
Que serait Israël qui se moque de toute résulution du Conseil de Sécurité des Nations Unies sans les Etats-Unis? La Syrie sans la Russie? L’Egypte sans les Etats-Unis?Le Maroc sans les Etats-Unis, la France? Le Mali, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Congo-Brazzaville sans la France? Le Rwanda de Paul Kagame en passe de réussir des paris économiques fous sans «la compréhension», la «bénédiction» - le petit coup de main - de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et..., d’une certaine manière, de la France toujours aussi conciliante quand il s’agit de Paul Kagame mais qui se passe de tous, en se faisant au passage arrogant mais en levant d’un tournemain des millions de dollars, quitte à s’offrir une flotte d’Airbus A330 zéro kilomètre quand le Congo malgré son potentiel peine?
Pourquoi ce qui est permis à d’autres nous est-il refusé?
Alors qu’un Dialogue se tient à Kinshasa, que la classe politique s’étripe pour se doter d’un délai raisonnable pour la tenue de ses scrutins, c’est à une mobilisation générale que l’on assiste dans les principales capitales du monde autrefois amies.
Pourquoi des généraux congolais sont-ils sanctionnés par les Etats-Unis? Tel, par exemple, ce général John Numbi Banza Tambo guère plus en fonction depuis l’affaire Floribert Chebeya, le directeur exécutif de l’ONG La Voix des Sans Voix assassiné à Kinshasa en juin 2010?
John Numbi Banza Tambo aurait menacé de... mort un homme politique congolais candidat à une élection... Une menace? Rien que ça? Et quel homme politique pour que la plus grande puissance du monde s’en émeuve quand il y a tant de tragédies dans le monde? L’a-t-on entendu ce général, avant sa condamnation? La justice congolaise devant laquelle il est justiciable, a-t-elle été saisie? Questions sans réponses!

CONSTRUIRE UNE IMAGE.
Voici que Moïse Katumbi Chapwe triomphe... sur tous les théâtres! Qu’a-t-il d’exceptionnel cet ex-gouverneur - qui vantait il y a peu encore tous les mérites de Kabila - qui vient de réussir le tour de bras de domestiquer le fils, l’épouse et ... le Sphinx Tshisekedi lui-même, eux engagés aux côtés de la Majorité Présidentielle, avaient conclu et signé un accord, le fameux accord de l’avenue Kléber, Paris XVIème, à Raphael Hotel? Et, du coup, à passer pour l’opposant congolais numéro un? Moïse Katumbi Chapwe n’a eu recours qu’à la même recette qui marche: construire l’image internationale, investir l’extérieur dont l’incidence est garantie sur nos perceptions locales.
L’art de la communication emprunte à l’art militaire. Qui veut défendre un site menacé d’être assiégé ne le fait pas en se réfugiant à l’intérieur du site mais en se déployant à l’extérieur. Lorsque les bombes tombent du ciel, ce ne sont pas les mains nues qui pourraient répliquer. Ce sont les hommes postés au guet qui avertiront du danger et pourraient l’anéantiront...
Sur les réseaux sociaux par exemple - Facebook, Twitter, WhattSapp - @moïse_Katumbi (146.000 followers Twitter) multiplie ses armées de combattants, conduites ou animées par l’épouse @carine_katumbi (24.000 followers Twitter) et frappent l’opinion publique.

MENSONGES EN RESEAUX.
Quand François Hollande s’apprête à se rendre à Kinshasa pour le sommet de l’OIF, ce sont les réseaux sociaux qui l’effraient, avec leurs montages.
Dimanche 21 février 2016, la Bolivie s’est prononcée dans un référendum sur la Constitution de façon à permettre la réélection du président Evo Morales en 2019. Résultats inattendus: 51,3% de Non, 48,7% de Oui. Le président indigène qui avait remporté élection après élection durant une décennie et rêvait de diriger le pays jusqu’en 2025, n’a pas d’autres explications à sa défaite historique.
«Je crois que nous n’avons pas été experts sur le thème des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux, avec leurs mensonges, nous ont fait du mal. Nous en sommes convaincus. Durant cette campagne, il n’y a pas eu de débat idéologique, ni programmatique, encore moins éthique. Nous n’avons jamais pardonné et nous ne pardonnerons jamais la corruption. Les informations, les enquêtes, sont les bienvenues. Mais avec des documents, avec la vérité, et non pas comme sur les réseaux sociaux, avec des mensonges et des mensonges», soupire-t-il. Dans aucun pays du Continent, il n’y a plus désormais une élection sans un regard porté sur les réseaux sociaux.
Que fait donc la MP? Fort tardivement, des partisans y affluent et apportent la riposte. Depuis que Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi (@VitalKamerhe1) et son UNC sont au Dialogue et négocient à genoux le poste de Premier ministre - en font une question de vie ou de mort - leurs ouailles hier virulentes à l’égard des «caciques» de la MP ont baissé pavillon, elles-mêmes prises en tenailles par des Tshisekedistes outrés que par des Katumbistes remontés.
En réalité, la communication n’a jamais été le point fort de la MP qui n’a jamais su s’en donner les moyens.
Si Kamerhe révendique le poste de Premier ministre et conditionne la signature de l’accord négocié avec le facilitateur Edem Kodjo à l’obtention de ce poste, il oublie qu’à l’origine, il n’avait jamais voulu de ce Dialogue, ne s’était jamais rendu aux consultations du Palais du Peuple - à l’initiative du Président de la République - prétextant d’un Dialogue incluant des jeunes et des syndicats dont ce n’était pas la place.

L’AFFRONT A L’ASSEMBLEE.
Il n’en a pas moins cherché à faire venir plus tard des jeunes de la Lucha et... même ceux plus radicaux de Filimbi! S’il s’est rendu finalement au Dialogue c’est, avait-il expliqué, avec la même conviction, pour «sauver la République, interdire à Kabila le troisième mandat, le sortir du Palais de la Nation, assurer l’alternance démocratique». Jamais Kamerhe ne voulut se rendre au Dialogue pour le partage du pouvoir. «Jamais», assurait-il!
Depuis, le discours a muté. Kamerhe réclame la Primature. Toute la Primature. Rien que la Primature. Comment la MP feindrait-elle d’oublier l’affront de 2009 lorsqu’un certain 21 janvier, alors président de l’Assemblée nationale, il vînt à critiquer publiquement des décisions du Haut-Commandement de l’Armée sur des opérations conjointes délicates entre les FARDC et l’armée rwandaise au Nord-Kivu, prétextant n’en avoir jamais été informé, ce qui était inexact, invoquant un article de la Constitution?
Si le PPRD dont il fut à l’époque membre prééminent après en avoir été le secrétaire général, lui retira sa confiance par une lettre du nouveau secrétaire général Evariste Boshab Mabudj, la majorité avait dû venir à la rescousse tant le du PPRD littéralement épuisé des mois durant n’avait pu rien faire. Alors que la bataille était perdue, c’est fin mars 2009 que Kamerhe résolut de lâcher le marteau. «Voici un homme que nous avons mis sous l’eau - la théorie de l’immersion - et que l’eau nous rend, mort, abîmé et à qui non seulement nous redonnerions vie, mais qui serait en passe de nous gouverner, nous de la majorité, donc de nous dominer», se surprend un élu MP. D’ajouter: «Qui serions-nous? La plus bête des Majorités au monde...».
Certes, il existe un précédent. Mobutu avait remis en place un Jean Nguz a Karl-i-Bond, le remit à la tête de la diplomatie (pour l’en punir avec pour mission de retourner en Occident, en Belgique battre campagne pour le régime où il lui fit pourrir la vie avec l’opposition formée par des dissidents dont Daniel Monguya Mbenge et Cléphas Kamitatu Massamba).

IL N’A PAS DE PAROLE.
Sauf que Karl-i-Bond fut un homme de parole. Or, Kamerhe n’a pas de parole. Ami de tout le monde - en politique c’est tout sauf une qualité - l’auteur d’une plaquette «Pourquoi j’ai choisi Kabila» présentée mi-mars 2006 devant un parterre de diplomates au lieu dit piscine de l’Hôtel Invest, adapte sa parole en fonction de son auditoire. «J’ai découvert que Joseph Kabila Kabange, humain comme vous et moi, possède une qualité essentielle: le sens du devoir, l’oubli de soi, la patience, l’humilité, l’abnégation et la sagesse face aux épreuves que la vie lui impose. C’est pour cela que je le considère comme une des meilleures opportunités qui est donnée au pays d’expérimenter», témoigne-t-il dans sa plaquette.
Extrait d’un article MMC, daté 11 mars 2006: «Le livre vient d’être porté sur les fonts baptismaux à l’occasion de sa présentation publique par une cérémonie particulièrement brillante organisée vendredi à la terrasse piscine de l’Hôtel Invest de Kinshasa devant une nombreuse et présenté par M. Tryphon Kin-kiey Mulumba (...). En fait de surprise, l’auteur et le présentateur du livre ont brillamment répondu à l’attente du public dans l’exercice qu’ils se sont donnés d’expliquer et de justifier l’opportunité de la sortie de l’œuvre en vedette». Puis: «M. Vital Kamerhe a écrit son livre pour rendre témoignage sur les mérites du président de la République dont il est l’un des plus proches collaborateurs. Il révèle un Joseph Kabila manifestement mal connu du public, comme il le reconnaît, en se chargeant du devoir de le faire découvrir, pour démentir le mauvais visage que la rumeur fait courir».
Certes, quelques années plus tard, il publie un livre mea culpa, fit amende honorable. Le livre commandé carte de visite au titre séducteur pour l’Occident - «les fondements de la politique transatlantique de la RDC» - se charge de corriger des errements idéologiques. De faire sexy. Présenté cette fois à l’étranger.
Kamerhe a-t-il jamais été un opposant? Nombre de ses camarades dans l’opposition doutent de tout. A sa décharge, on pourrait dire que seuls les imbéciles ne changent.Reste le verrou constitutionnel. Ainsi, la Constitution du 18 février 2006 dispose que le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire (art. 79). Kamerhe rallierait-il la Majorité? Cela ne semblait pas lui poser un problème, aux dires de ses proches.
Traité de «Kamerhéon» dans la presse étrangère, qu’adviendrait-il de son ancrage idéologique UNC? Appliquerait-il la vision Kabila? Rien n’est moins sûr...
Or, le régime du 18 février 2006 confie des pouvoirs énormes au Premier ministre. S’il est nommé par le Président de la République, celui-ci ne saurait le démettre. Seule possibilité de le dégager: le recours à une motion de censure (art. 146). Trop laborieuse! Quel Premier ministre en effet n’userait pas d’artifices pour se maintenir même s’il n’a pas accès, par impossible, au Trésor public à la suite d’une présence de personnalités fortes et, dans ce cas, comment assurer le nécessaire fonctionnement régulier des Institutions de la République?
«Un Kamerhe Premier ministre ferait de la Constitution sa Bible. Chef du Gouvernement (art. 90), il donnerait du fil à retordre au Chef de l’Etat, refuserait le contreseing aux ordonnances présidentielles, viderait la majorité de sa substance, s’approprierait l’administration publique, les forces armées, les services de sécurité. Ce serait la fin des carottes pour la Majorité», grommelle, sur le chemin de Kingakati, un autre élu MP. «Ce serait un boulevard ouvert pour le Palais de la Nation».
«Certes, nombre de personnalités clament leur loyauté. Ceux qui ont créé le G-7 n’avaient-ils rien clamé? La Majorité a une histoire. Le Bureau politique aussi. Une histoire à préserver, à sauvegarder, à pérenniser», poursuit l’homme. «La MP n’a rien à avoir avec ces gens. La MP doit gagner seule. Elle en a les moyens...».
Puis, de jeter un coup d’œil dans la brume de la plaine verdoyante de cette contrée: «En septembre 2011, nous étions combien ici qui avons désigné Kabila, notre candidat? Nous avons fait une photo de famille. Nous avons pérennisé ce moment. Combien sommes-nous aujourd’hui?»
T. MATOTU.


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