Comment plus de 8 milliards de $US échappaient chaque année au circuit financier congolais
  • mer, 24/04/2024 - 18:18

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1602|LUNDI 5 JANVIER 2024.

Les autorités congolaises effectuent depuis septembre des enquêtes dans tout le pays pour vérifier si la loi sur la sous-traitance est respectée par les investisseurs étrangers dont les entreprises sont actives dans le pays.
C’est l’Autorité de Régulation de la Sous-Traitance dans le Secteur Privé, ARSP, à qui le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a confié cette mission. Les premières conclusions de ces enquêtes révèlent que plusieurs entreprises ne respectent pas la loi de la sous-traitance congolaise. Cette loi qui date de 2017 vise à « rendre obligatoire la sous-traitance des activités annexes des entreprises tels que le transport des produits, la restauration ou les soins de santé du personnel et autres et réserver ces services à des entreprises à capitaux majoritairement congolais ».

« 51% des parts dans les sociétés de sous-traitance doivent être réservés aux Congolais, contre 49% aux expatriés, mais beaucoup échappent à cette loi par des mécanismes de « fraude», constate Miguel Kashal Katemb, Directeur Général de l’ARSP dans une enquête. Les résultats de cette enquête révèlent que le Congo perd chaque année 8,5 milliards de $US. « Les autorités du pays ont indiqué vouloir capter cette somme perdue dans le secteur de la sous-traitance dont elles veulent faire un des piliers de l'économie du pays, encore dépendante des mines.

Bien plus, permettre aux Congolais d’accéder au marché de la sous-traitance et à la chaîne de valeurs », poursuit Kashal Katemb. « L’argent perdu constitue un manque à gagner dû à la fraude et à un système de prête-noms utilisé dans le secteur de la sous-traitance », explique aux médias le Directeur Général de l'ARSP. Deux actionnaires congolais de la société Congo Engineering Contracting SAS avaient accusé leur partenaire chinois, un nommé Fu, d’utiliser des prête-noms. Ce Chinois aurait fait passer son chauffeur comme quatrième associé de l’entreprise dans le but de cacher certaines opérations et de gérer les contrats signés avec des sous-traitants étrangers, selon l’ARSP. Après investigations, l’ARSP a révélé que sur un montant de 27 millions déjà payé à la société, seuls 600.000 CDF soit un peu plus de 200 $US, ont été cédés à la partie congolaise.

GLENCORE DANS LE COLLIMATEUR.
Katzako Toussaint, l’un des actionnaires de Congo Engineering Contracting SAS, déplore cette situation. « Nous, actionnaires nationaux, nous avons demandé aux Chinois de tenir une assemblée générale pour parler des états financiers, et de leur affectation. C’est de là que les problèmes ont commencé, parce que les Chinois ne voulaient pas. Ils voulaient peut-être utiliser des prête-noms pour dire que c’est l’entreprise ce Congolais et nous, nous ne sommes que des Congolais et que nous ne pouvions pas avoir ce que nous désirons ».
Pour Ferozi Guillaume, Directeur de l’inspection et contrôle de l’ARSP explique que cette entreprise chinoise était accusée d’abus de confiance, de faux en écriture et usage de faux ainsi que de blanchiment de capitaux dans un dossier de prête-noms.

Le dossier avait été transféré à la justice congolaise. M. Fu avait été détenu pendant une dizaine de jours à la Prison Centrale de Makala avant d’être libéré après paiement des amendes transactionnelles. Un compromis avait finalement été trouvé à l’amiable entre les deux parties. Le Directeur Général de l’ARSP a servi de médiateur en présence du patronat congolais ainsi que deux sociétés Tenge Fungurume Mining et Kisamfu, qui ont accordé des marchés de plus de 60 millions de $US. M. Fu a accepté de signer conjointement un acte transactionnel pour mettre fin à ce litige et remettre les Congolais dans leur droit tel que la loi de la sous-traitance le prévoit. « Ces Congolais qui jadis étaient des associés figurants, viennent aujourd’hui d’avoir 51 % des parts dans une société qui a un chiffre d’affaires de 60 millions de $US.

C’est le combat du Président de la République et la matérialisation de sa vision », explique Miguel Kashal Katemb après la signature de cet accord. Des actionnaires chinois d’une société de sous-traitance ont été pris la main dans le sac. Ils ont utilisé leur chauffeur comme 4ème actionnaire en brandissant de faux documents pour couvrir leurs opérations dans le cadre d’un contrat de partenariat signé avec et Kisanfu.

L’ARSP poursuit son contrôle dans les entreprises étrangères présentes au Congo. Elle a tenu des discussions avec les responsables de Glencore, le géant suisse du négoce des matières premières.
Miguel Kashal Katemb a fait un constat selon lequel, « les marchés de la sous-traitance étaient fermés aux investisseurs congolais, tandis que des étrangers se partageaient leurs bénéfices », parfois en dehors de la RDC. «Il faut ouvrir ce secteur aux Congolais», insiste le Directeur Général de l'ARSP.

« Nous sommes conformes avec la loi sur la sous-traitance et Glencore emploie en République Démocratique du Congo environ 4.000 sous-traitants et près de 7.000 employés », réagi Marie-Chantal Kaninda, représentante de Glencore.
L'année dernière, la société minière avait « payé plus d'1,2 millions de $US d'impôts, ce qui fait de Glencore l'un des plus grands contributeurs au Trésor public en RDC », poursuit Marie-chantal Kaninda.
Les discussions entre les deux parties se poursuivent.

Menacée de fermeture à cause des cas de fraude liés à la sous-traitance dans sa filiale Kibali Gold Mine au Congo, le géant minier sud-africain Barrick choisit de résilier son contrat avec une société de sous-traitance belgo-indienne avec laquelle elle travaille depuis plusieurs années.
Selon les autorités congolaises, le n° 2 mondial de l’or avait confié 90 % de ses contrats de sous-traitance à une entreprise dénommée Trade Corp Freight forward, TCFF, spécialisée dans le domaine de transport et d’approvisionnement et partenaire de Kibali Gold Mine, qui, à son tour, exigeait des commissions aux entreprises congolaises sous-traitantes.

Le Directeur Général a déclaré que Kibali Gold Mining ne s’est non seulement pas rendu coupable de sous-traiter ses activités à des sociétés non éligibles à la sous-traitance, mais bien plus, elle a recruté une société belgo-indienne dénommée TCFF qui gère à elle seule 90 % des marchés.
Le cas de cette firme est la partie visible de la réalité, elle pourrait générer à elle seule, un peu de 2 milliards de $US au profit des finances congolaises. Des millions de $US s’échappaient ainsi du circuit financier du pays. Pour Miguel Kashal Katemb, c’est une hémorragie qui vient d’être stoppée. Après des heures de réunion au quartier général de l’ARSP, la multinationale s’est donc engagée à augmenter le volume des marchés au profit des sociétés à capitaux majoritairement congolais. Mais pour se séparer de son prestataire désormais indésirable, Nicolas Marques, l’un des hauts dirigeants de Barrick en charge de l’approvisionnement, demande une courte période de transition.

« Ce sont des faits graves. Nous avons demandé à la société Kibali Gold Mining de radier cette société et les 90% des marchés de Kibali Gold qui étaient centralisés par cette société étrangère viennent aujourd’hui d’être libérés au profit des entrepreneurs congolais. C’est le combat du Président de la République. La société TCFF avait déjà centralisé tous les marchés et les paiements s’effectuaient à l’étranger ; ici, chez nous, au niveau de l’ARSP, nous allons dissoudre l’attestation.

Ce qui fait que cette société ne sera plus du tout éligible sur toute l’étendue du territoire national », a déclaré le Directeur Général de l’ARSP. Le Congo compte un peu plus de 15.000 sociétés de sous-traitance et les autorités visent, en 2024, à atteindre le chiffre de 50 à 60.000.
PAMELA AMUNAZO.
BBC Afrique.


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