Le Congo, cet allié éternel des ETATS-UNIS.
  • lun, 20/04/2015 - 00:42

Comment la guerre fut gagnée et comment notre pays perdit la victoire.

Une branche de l’élite congolaise le sait certainement puisque l’ayant appris sur les bancs de l’école dans des manuels d’histoire: c’est l’uranium congolais de Shinkolobwe à quelques encablures de la frontière de l’ancienne Rhodésie du Nord (l’actuelle Zambie) alors britannique où on entonnait «God save the Queen» (Que Dieu sauve la Reine) de 1911 à 1953 voire jusqu’aux années 60 qui permit à l’armée américaine - donc aux alliés - de fabriquer la bombe atomique qui mit fin à la deuxième guerre mondiale (1939-1945) en mettant à genoux le Japon combattant et invincible.
Alors gouverneur du Congo belge pendant toute cette guerre, Pierre Ryckmans fut l’organisateur de l’effort économique du Congo en faveur des Alliés qui se traduisit par la campagne victorieuse de la Force publique en Ethiopie mais aussi et surtout par une intensification des productions de caoutchouc (le caoutchouc rouge de Léopold II, le roi bâtisseur à la recherche d’une colonie pour son royaume, qui est alors la principale production de l’Etat Indépendant du Congo, destiné aux industries automobiles naissantes (Rover, Ford, Mercedes, etc.) ou textiles, et dont l’exploitation entraîne des mauvais traitements, affaire des «mains coupées»), de céréales et de minerais (cuivre, étain, zinc et uranium).

En 1915, le géologue anglais Robert Sharp, employé de l’Union Minière, à la recherche du cuivre, fait une découverte dans le sud du Katanga. Sur une colline près de ce qui se nommait Elisabethville (Lubumbashi), il découvre une terre multicolore, à forte dominante jaune, révélatrice de présence d’uranium. Le géologue sait que les villageois utilisent de la boue colorée pour décolorer leur corps. On lui traduisait le mot Shinkolobwe qui signifie «le fruit qui ébouillante»…
Sharp expédie les roches à l’analyse et…, surprise: elles contenaient de l’uranium à 80%, record mondial! Une publication de l’Institut Royal Colonial Belge s’intéresse à ce gisement. L’usage originel de ce minerai était de servir comme agent de teinture pour l’industrie de la céramique. Ce minerai produisait en effet les couleurs jaune citron, orange et vert en fonction de la concentration du minerai. Pierre et Marie Curie démontrèrent que le radium pouvait être utilisé dans le traitement du cancer, ce qui leur valut le Nobel de Physique en 1903 et la médaille Davy, distinction scientifique décernée annuellement par la Royal Society qui récompense des scientifiques pour des travaux exceptionnels. La découverte de Pierre et Marie Curie créa un marché pour l’uranium dont la radium est un sous-produit.

EN BON PERE DE FAMILLE.
En 1938, Edgar Sengier, ingénieur civil des mines (1903), directeur de la Société Générale et directeur général de l’Union Minière du Haut-Katanga, filiale de l’Union Minière, société du groupe de la Société Générale de Belgique, apprend de scientifiques britanniques les possibilités futures de l’uranium découvert au Katanga, zone qualifiée de «scandale géologique» par le géologue belge Jules Cornet qui y avait effectué des prospections, découvrant la multiplicité et la richesse des minerais qu’on y trouve.
Les Britanniques avaient averti le Belge en ces termes: «Soyez prudent et n’oubliez jamais que le matériau en votre possession pourrait signifier une catastrophe pour votre pays s’il tombait entre des mains ennemies». Une menace à peine voilée non à sa modeste personne mais à son pays qui pouvait courir le risque d’une catastrophe cataclysmique. En fait, les Britanniques expliquèrent très clairement que la Belgique pouvait être effacée de la carte du monde par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne si jamais ce minerai tombait entre les mains de l’Allemagne nazie en guerre ou... se retrouvait au Japon.
Pris de peur en comprenant parfaitement que ce sous-produit, jusque là stocké sans servir à aucun usage, pourrait devenir vital en temps de guerre, il ordonna en 1939 que la moitié du stock de cet uranium, soit un millier de tonnes, soit mise en lieu sûr. Rien de plus sécurisant que de l’expédier en secret à New York…
La guerre éclatée, Sengier lui-même se mit à l’abri dans la grande ville américaine. Il fit mettre son pactole (2007 fûts de minerai d’uranium radioactif secrètement débarqué d’un bateau en provenance du Congo), dans un entrepôt de Staten Island, à New York au 2377-2387 Richmond Terrace. Il n’informe aucun responsable politique, ni qui d’autre) à Staten Island.
En septembre 1942, le colonel (devenu depuis général) Kenneth Nichols, est chargé par le patron du projet Manhattan, le général Leslie Groves, de trouver de l’uranium. Il rendit visite à Sengier à son bureau de New York. L’officier demanda à Sengier si l’Union Minière pouvait fournir de l’uranium, précisant qu’il comprenait que cette demande serait peut-être difficile à satisfaire rapidement.
La réponse de Sengier est entrée dans l’histoire: «Vous pouvez avoir le minerai maintenant. Il est à New York, 1.000 tonnes. J’attendais votre visite».
Sengier établit immédiatement un contrat de vente et le minerai de Staten Island fut transféré à l’armée américaine qui obtenait en même temps une option sur les 1.000 tonnes encore stockées à Shinkolobwe.
Depuis 1939, la mine de Shinkolobwe était désaffectée, et était sous eau. L’armée américaine y expédia un contingent de son corps du Génie pour la remettre en activité, étendre les aérodromes de Léopoldville (Kinshasa) et Élisabethville, et établir des installations portuaires à Matadi, sur le fleuve Congo. L’exploitation de Shinkolobwe put alors reprendre et on estime qu’entre 1942 et 1944, 30.000 tonnes de minerai furent vendues à l’armée américaine.
Les Américains tenaient à obtenir l’exclusivité du minerai de Shinkolobwe, ce que Sengier leur refusait. Les Américains firent cependant entrer les différents gouvernements belges dans le jeu des discussions et, avec l’appui du gouvernement britannique, acquirent le droit exclusif sur l’uranium de Shinkolobwe dans le cadre de négociations qui impliquèrent le gouvernement belge en exil à Londres (même si seul Sengier fut apparemment au moins partiellement mis dans la confidence du projet Manhattan).
Ces accords particuliers, signés entre les États-Unis, le Royaume-Uni et la Belgique, avaient une durée de 10 ans et perdurèrent après la fin de la guerre. Ils expliquent notamment la facilité avec laquelle la Belgique a pu se relever des conséquences de la guerre, contrairement à la France, n’ayant contracté aucune dette importante à l’égard des grandes puissances financières.
Cependant, certains parlementaires belges et des journalistes contribuèrent à alerter l’opinion publique belge quant à la teneur de l’accord belgo-américain qu’ils considéraient comme guère favorable à la Belgique. Le résultat fut une renégociation de 1955 particulièrement bien menée par Pierre Ryckmans, ancien gouverneur du Congo belge pendant toute la guerre et organisateur de l’effort de guerre économique du Congo en faveur des alliés. Au terme de cette négociation, la Belgique n’obtint pas seulement une substantielle rallonge de payement mais aussi un accès aux brevets américains secrets dont les chercheurs et ingénieurs du centre de Mol et de toutes les centrales nucléaires belges ont su tirer partie dans les décennies suivantes. La Belgique a, en effet, bâti, à la fin du xxe siècle, une industrie nucléaire performante produisant 60% de l’électricité du pays, en plus, entre autres résultats, de la production d’isotopes pour la médecine et des procédés de recyclage de déchets des centrales pour en faire un combustible réutilisable, le mox, et des travaux en vue de l’ensevelissement dans des couches argileuses stables des déchets non recyclables. En 1946, Sengier retourna aux États-Unis où il reçut des mains du général Groves la Médaille du mérite pour sa contribution à la victoire alliée. Il était le premier citoyen non américain à recevoir cette distinction créée en 1945 par un décret présidentiel. À l’époque, les restrictions sur l’information du temps de guerre n’étaient pas totalement levées, et si la citation mentionnait les «services rendus dans le cadre de la fourniture de matériau», elle ne détaillait pas à quel point les initiatives de Sengier avaient permis de modifier le cours le l’histoire.
Sengier fut également fait Chevalier commandeur honoraire1 de l’Ordre de l’Empire britannique (KBE, 1956), Commandeur de la Légion d’honneur française, et Officier de l’Ordre de Léopold et de l’Ordre de la Couronne par le gouvernement belge.
En 1948, Sengier fut honoré par la communauté scientifique lorsque son nom fut donné à un nouveau minerai radioactif découvert au Congo, la «sengierite».
L’homme resta directeur de la Société générale de Belgique et de l’Union minière jusqu’en 1949. Jusqu’en 1960, à l’indépendance du Congo, le Belge fit partie du conseil d’administration de la Société générale de Belgique et de l’Union minière et se retira à Cannes, où il mourut en 1963.

LE GACHIS DE LA CLASSE POLITIQUE.
Il est clair que notre pays a été du bon côté de l’Histoire. Il fortement participé à l’effort de guerre: par ses mains et par son sous-sol dont l’apport a été capital, mettant fin à la guerre. Mais c’est la Belgique - la puissance tutélaire - qui en tire profit. Mais la Belgique est du bon côté, ce qui refrène les appétits des Grandes puissances qui ne peuvent lui faire la guerre tant qu’elle garde en bon père de famille le trésor de l’Humanité… Mais voilà qu’en 1960, avec le mouvement des indépendances, tout se précipite. L’élite congolaise veut l’indépendance. La Belgique hésite, et offre un plan de trente ans (Plan Jef van Bilsen, docteur en droit, professeur à l’Université de Louvain et Commissaire du Roi à la Coopération au développement, de 1964 à 1965, qui veut que l’élite congolaise soit préparée avant d’accéder à l’indépendance). Impossible, l’élite est pressée de reprendre les rênes du pouvoir d’Etat, quoi qu’il en coûte. Un contre-manifeste veut l’indépendance «immédiatement» et la Belgique accède à la demande «dans la plus totale improvisation». C’est la «crise congolaise»…
Patrice Lumumba, un ancien des comptes chèques postaux de Kisangani (Stanleyville), où il a été condamné à un emprisonnement d’un an accusé de détournement de fonds, travaille dans une mine au Sud-Kivu, puis dans une brasserie à Léopoldville, devient journaliste qui joue, avec Joseph Kasa-Vubu, les premiers rôles des luttes pour l’indépendance.
Wikipedia: «Le 30 juin, lors de la cérémonie d’accession à l’indépendance du pays, Lumumba - qui a définitivement largué les libéraux et qui s’est entouré de conseillers étrangers de gauche - prononce un discours virulent dénonçant les abus de la politique coloniale belge depuis 1885. Durci par l’expérience de son arrestation, et, face à la surenchère anti belge d’une partie de la presse internationale, il prend le contrepied de la politique modérée de ses débuts telle qu’on peut la découvrir dans son livre (publié après sa mort). Au lieu de s’adresser au roi des Belges présent à la cérémonie, et qui venait de prononcer un discours paternaliste convenu avec le président Kasavubu, Lumumba commence son allocution par une salutation «aux Congolais et Congolaises, aux combattants de l’indépendance». Son discours, qui doit lui permettre de l’emporter sur Kasavubu dans l’opinion des Congolais politisés, proclame vivement que l’indépendance marque la fin de l’exploitation et de la discrimination et le début d’une ère nouvelle de paix, de justice sociale et de libertés. Le roi des Belges se sent offensé alors qu’il se considère comme le père de l’indépendance congolaise ayant été l’auteur, en janvier 1959, d’un discours radiophonique par lequel il est le premier Belge à annoncer officiellement qu’il fallait mener le Congo Belge à l’indépendance «sans vaine précipitation et sans atermoiement funeste». Baudouin veut se retirer et regagner Bruxelles, le premier ministre belge Gaston Eyskens parvient à l’en dissuader et, le soir même, lors d’un banquet réunissant hommes politiques congolais et belges, Patrice Lumumba s’efforce de rectifier le mal que ses paroles ont pu provoquer en prononçant un discours qui se veut lénifiant dans lequel il évoque un avenir de coopération belgo-congolaise. Le mal est fait». On connaît la suite: Moïse Kapenda Tshombé, l’indépendance du Katanga, 11.000 soldats belges acheminés au Congo en dix jours, précédés par les troupes spéciales des Paras-commandos. Cette intervention militaire surprend à l’étranger, et encore plus en Afrique, par l’ampleur des moyens mis en œuvre et par la rapidité de ce déploiement militaire. Puis le coup d’Etat (soutenu par la CIA). L’ancien journaliste dans la presse congolaise pro-belge Joseph Désiré Mobutu a pris le pouvoir.
LE SOFT INTL.


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