- mar, 23/12/2025 - 13:50
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1652|MARDI 23 DÉCEMBRE 2025.
Les États-Unis passent à la phase supérieure dans le projet du corridor ferroviaire conduisant au port en eau profonde de Lobito (reliant Ndola en Zambie, traversant l'ex-province congolaise du Katanga par Kolwezi, puis l'Angola, débouchant sur le port de Lobito, à la côte atlantique).
L’Agence américaine de financement du développement (DFC, Development Finance Corporation) vient d'accorder un prêt de 553 millions de $US à l’opérateur Lobito Atlantic Railway, complété par un prêt de 200 millions de $US de la Banque de développement sud-africaine, pour moderniser cette voie stratégique d’exportation des minerais congolais. Au total, Lobito Atlantic Railway reçoit 753 millions de $US pour financer la rénovation de la voie ferrée angolaise, l’achat de matériel de signalisation et l’acquisition de nouvelles locomotives.
Depuis sa concession en 2022, Lobito Atlantic Railway, contrôlé par un consortium d’entreprises européennes (Trafigura, Mota Engil et Vecturis), qui doit assurer une liaison entre l’océan Atlantique et les régions minières (produisant les minerais très recherchés, critiques ou stratégiques comme le cobalt, le cuivre, le lithium de la Zambie et du Congo), ambitionne de porter les capacités de transport de la ligne à près de 5 millions de tonnes, reliant le port de Lobito à Luau, près de la frontière congolaise.
L’opérateur vise également une baisse de 30 % du coût du transport.
Ce projet ferroviaire qui traverse le Congo, la Zambie et l'Angola sur 1.700 kms, reflète surtout les ambitions des États-Unis et de l'Union européenne en Afrique, face à la présence de la Chine.
Depuis plusieurs années, les États-Unis promeuvent et soutiennent la mise en place de ce couloir.
Le développement de l'axe, aussi financé par l'Union européenne et des institutions multilatérales africaines, est l’un des projets d'infrastructures les plus ambitieux sur le continent. Le projet doit permettre la conduite des minerais jusqu'au port de Lobito en une semaine seulement, contre plus d'un mois actuellement, selon le site de la Commission européenne.
Les infrastructures logistiques font l'objet d'une lutte d'influence dans cette région d'Afrique.
GÉOSTRATEGIE.
L'Union européenne et les États-Unis cherchent à développer leur présence sur le continent pour assurer leur accès à des minerais essentiels pour la transition énergétique.
Le cuivre et le cobalt représentent des minerais clés pour les nouvelles technologies et la construction de batteries nécessaires aux voitures électriques, aux téléphones... Faciliter l'accès et le transport de ces minerais permettrait aux Américains et aux Européens de réduire leur dépendance à la Chine qui contrôle de nombreuses chaînes d’approvisionnement.
D'après le quotidien économique La Tribune, qui cite les données de la Direction générale des entreprises sous tutelle du ministère français de l’Économie, des Finances et de l'Industrie, les importations de batteries dans l’UE atteignaient 27 milliards d'euros en 2023.
«87 % de ces achats provenaient de la Chine, contre moins de 30% en 2015».
Avec ce projet, l'UE cherche aussi à tourner la page d'une histoire difficile avec cette région de l'Afrique et à renforcer ses liens avec l'Angola, qui accomplit le 50e anniversaire de son indépendance vis-à-vis du Portugal. Au cours de sa visite en Zambie du 10 au 12 novembre, le commissaire européen chargé des Partenariats internationaux, Jozef Síkela, a signé un accord d'investissement de 116 millions d'euros pour le chantier du corridor de Lobito.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré dans un discours, vouloir «construire ensemble des chaînes de valeur résilientes. Avec des infrastructures locales, mais aussi des emplois locaux, des compétences locales et des industries locales».
Le projet du corridor de Lobito se heurte pourtant à des critiques virulentes. Les occidentaux sont accusés d'avoir placé leurs intérêts en priorité, au détriment du développement de l'Afrique. Les efforts de Bruxelles et de Washington pour s'impliquer dans la région sont directement confrontés à l'influence de Pékin qui développe sa présence et ses financements en Afrique depuis des années.
Ces derniers sont d'ailleurs les principaux fournisseurs de minerais de Pékin, selon le média politique américain Politico, qui s'est assuré l'accès à de nombreuses richesses naturelles et qui est désormais le premier transformateur mondial.
Les investissements européens et américains sur le corridor de Lobito sont considérés comme une réponse à l’influence chinoise sur les infrastructures régionales.
Pékin a signé un financement de 1,4 milliard de $US pour la modernisation du chemin de fer Tazara (Tanzania-Zambia Railway), qui relie la Zambie au port de Dar es Salam en Tanzanie. La route construite dans les années 1970 sera totalement réhabilitée en trois ans avec ponts et tunnels ainsi que la fourniture de nouveaux matériels roulants.
Elle constituerait alors une voie stratégique pour les exportations minières jusqu’à l'Océan indien, a déclaré un représentant de la China Railway Corporation. Ils doivent permettre d'augmenter les volumes de fret à 2,4 millions de tonnes par an, a ajouté l'officiel.
«Nous ne voyons pas le Tazara comme une simple ligne ferroviaire», mais «comme un corridor économique», a déclaré le président zambien Hakainde Hichilema, lors de la cérémonie de pose de la première pierre en Zambie, en présence du Premier ministre chinois Li Qiang Principale créancière de la Zambie et actionnaire de son secteur minier, et plus généralement premier partenaire commercial de l'Afrique, la Chine cherche à exploiter les ressources naturelles du continent, notamment le cuivre, l'or, le lithium et les terres rares.
En pleine course géoéconomique, les États-Unis ont conclu d’autres collaborations avec la région, notamment sur le renforcement des infrastructures numériques et de la cybersécurité en Angola, le développement en Sierra Leone du premier terminal de GNL d'Afrique de l'Ouest destiné au transport de GNL américain, et une participation américaine dans un projet hydroélectrique concernant le Rwanda et le Congo.
«L'administration Trump considère ce moment comme une opportunité d'approfondir notre engagement dans le paysage économique africain», a déclaré Massad Boulos, conseiller principal du président américain pour l'Afrique, lors d’un sommet économique réunissant des dirigeants africains et des représentants du gouvernement américain et du secteur privé à Luanda, en juin dernier. «Nous pensons que les entreprises et le commerce, et non l'aide, sont les moteurs d'une croissance durable à long terme», a-t-il ajouté.
avec AGENCES.





