Le procès du siècle
  • mar, 12/05/2020 - 05:51

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1485|MARDI 12 MAI 2020.

Comment ne pas être fier d’être Congolais? Hier, un mot suffisait et l’on était enfermé entre quatre murs. Aujourd’hui, cela passe par un juge indépendant qui donne la parole à la défense, à la République représentée par le ministère public, dans un procès public, retransmis sur des télés en live et sur la chaîne nationale Rtnc. Un juge de la République qui écoute tout le monde, prend son temps pour cela, se fait même harponner par un prévenu sans une réprimande. La première audience foraine, lundi 11 mai 2020 à la prison centrale de Makala CRPK, du procès Kamerhe qui passe pour le procès du siècle tant qu’un homme à ce niveau de responsabilité politique n’avait jamais connu une telle descente aux Enfers, administre une leçon aux vivants. «Il y a aussi peu de chemin du dérisoire à l’essentiel que de la Roche Tarpéienne au Capitole». Voici «le Vice-Président» de la République qui, il y a un mois, arpentait les couloirs dorés de la République, descendu dans le sous-sol, qui nie publiquement ceux qu’il a connus, ceux qu’il a fréquentés, ceux qu’il accueillis dans le salon de sa demeure connue de tous et avec qui, pour conclure des marchés de gré à gré qui le conduisent aujourd’hui à ce niveau de déchéance, dans une tenue de couleur bleue jaune de détenu, après leur avoir offert tous les cadeaux qu’un homme puisse offrir, après un procès portant sur la corruption, le détournement des deniers publics, le conflit d’intérêt.

En clair, le pire qui puisse arriver à un homme politique...
C’est clair : l’Etat de droit s’installe peu à peu dans le pays.
Les partisans du DirCab réclamaient un procès public, ils l’ont eu. A tue-tête, ils réclamaient des télés, ils les ont. Ils réclamaient des retransmissions en direct. Ils les ont...
A eux de juger cette première audience qui en annonce d’autres et des pires, à partir du 25 mai.
Kamerhe comparaît à ce tribunal de la Gombe déployé au Centre pénitentiaire et de rééducation de Makala avec en poche son titre de Directeur de cabinet du Président de la République.

QUAND LES PREUVES LE DEMONTENT.
Ce titre, il le voulait tellement. Devant la cour, il l’a dit et répété à haute et intelligible voix. Le Président de la République le lui a laissé...
Sauf qu’assister à des réunions au titre de DirCab du Président de la République et, donc, en son nom, n’autorise pas des opérations de prévarication, des manquements au devoir de la charge.
Qui ne sait que le DirCab avait, par courrier, fait bloquer tous les comptes de l’Etat, s’instituant en seul et unique donneur d’ordre...
Le peuple congolais qu’il a invoqué a bien compris que «le programme des 100 Jours du Président de la République n’est pas le fruit de M. Kamerhe. Il a été approuvé par le Président de la République et que lui, Kamerhe, n’a fait que l’exécuter».

Puis : «Je n’étais pas le seul superviseur. Il y avait toute une équipe de 9 personnes au total».
«Je suis intervenu au nom du Président de la République, pour répondre aux besoins pressants de la population». On a compris. VK «n’était qu’un simple exécutant». Qui pourrait croire, lui qui déclarait, il y a peu, sur des médias, «ne pas être qu’un simple DirCab mais plus que cela : le partenaire du Président de la République».
La suite du procès nous en dira plus...
Connaît-il le responsable import et export de la Présidence? «Je le connaissais que de nom. C’est aujourd’hui que je viens de le voir» mais comment lui a-t-il fait remettre plus d’un million de $ en espèces sans l’avoir jamais vu?
Le Libanais Jammal Samih, le connaît-il? «Je vais connaître Jammal Sammih à quel titre? J’ai rencontré des milliers de personnes dans ma vie. Je ne m’en souviens pas». VK se démonte, s’enfonce, se décrédibilise quand les preuves s’accumulent. Lui, VK, dans son salon connu, avec le Libanais Jammal Sammih...
Alder Gisula Betika Yeye, ce procureur général près la Cour d’Appel de Kinshasa-Matete qui a instruit le dossier est certainement le Antonio Di Pietro congolais. Il mérite de la République.
Comme le magistrat figure de proue de l’opération anti-corruption Mani Pulite (Mains propres) qui, il y a trois décennies, a décapité la classe politique italienne, va marquer l’Histoire du pays.
Comme cette opération italienne débutée un certain 17 février 1992, il a fallu au Congo de la volonté et du courage pour lancer des enquêtes piège avec leurs pot-de-vin versés dans la chaîne pour gagner des marchés des travaux publics, de fournitures d’équipements passés à des sociétés créées la veille ou disposant des filiales dans des paradis fiscaux ou d’obtention d’un financement de projets pour les PME.

ROMPRE LE PACTE D’OMERTA.
Il fallait trouver le moyen de rompre le silence, ce pacte d’omerta que l’on a observé lors de cette première audience de ce procès avec des co-accusés qui déclarent ne pas se connaître et se reconnaître quand tout d’un coup, un neveu se volatilise alors que la veille, dans son appartement, il faisait bercer par son bébé un mur de billets de $ sans qu’il n’ait rien vendu de légal et qu’un autre cousin ou frère brandit un parc automobile avec des limousines d’un luxe insultant.
Il n’est pas acceptable qu’un homme d’affaires poursuivi pour avoir transféré au moins 10 millions de $ dans son pays d’origine sans passer par le système bancaire ou avec l’aval d’une banque devenue plate forme de blanchiment d’argent, joue à l’acharnement.

Il n’est pas possible que des banquiers blanchissent des millions de $ de pots-de vin dans des parcs automobiles avec des McLaren, des Aston Martin, des Ferrari ou des Porsches...
Quoi qu’il en soit, c’est cette volonté de changement qui marquera à jamais l’Histoire et qui permettra au Congo de changer. Il n’est pas acceptable que des entreprises brandissent des faux bilans sans que ceux-ci ne soient documentés et qu’un homme arrivé la veille, mains nues, se retrouve le lendemain, grâce à des connexions, à la tête d’une fortune sans qu’un magistrat l’en interroge.

Des partis politiques prolifèrent mais avec de l’argent public détourné et des hommes politiques populaires mais en distribuant de l’argent détourné. Voilà un phénomène à bannir. C’est parce que la justice ne joue pas son rôle que l’on observe cet amour envers des partis politiques et cette combativité bestiale de certains partisans vis-à-vis des hommes sans base sociologique. Le sentiment d’impunité et d’impuissance doit disparaître. Le «si tout le monde vole, je volerai moi aussi», doit se conjuguer au passé.
Il faut encourager la justice à aller fouiner dans tous les dossiers même ceux d’il y a vingt ans et interroger sur l’origine de nombre de fortunes détenues aussi bien par les expatriés que par les Congolais.
D. DADEI.


Related Posts

About author

Portrait de D. DADEI