Les diplomates étrangers boycottent le Parlement congolais
  • sam, 26/09/2020 - 12:51

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1500|VENDREDI 25 SEPTEMBRE 2020.

Il y a un boycott qui ne dit pas son nom mais que tout le monde voit : voici des années qu’on n’a plus vu des diplomates accrédités au Congo se bousculer dans les travées des hémicycles de nos assemblées, haute et basse. On l’a encore vécu lundi 15 septembre 2020...

A la chambre haute, ce fut très remarquable. Sur la première rangée, à en croire l’une des photos diffusées dans les réseaux sociaux, on pouvait remarquer le Sénateur à vie, l’ex-président Joseph Kabila Kabange qui foulait, pour la toute première fois depuis qu’il bénéficie de droit de ce statut, la chambre haute du Sénat ainsi que la présidente de la chambre basse Jeanine Mabunda Lioko. Sur d’autres, on a noté le chef du Gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba et des chefs des corps constitués. Aucun visage d’un membre du corps diplomatique connu...

MAIS... NUL AUTRE
DIPLOMATE PRESENT.

Des médias ont fait part de la présence de la cheffe de la Monusco, la mission onusienne au Congo, l’Algérienne Leila Zerrougu qui se serait, à en croire divers commentaires de presse, engagée dans une discrète médiation entre le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et son prédécesseur Kabila.
Le 12 septembre, trois jours avant la rentrée parlementaire, elle avait rendu visite à son domicile du GLM, au centre ville, à l’ex-président.

Une rencontre dite de courtoisie qui aurait cependant traité de la situation générale du pays quand les violences armées persistent dans le Nord-Est, dans les localités d’Irumu et de Beni, dans l’Ituri et le grand Nord.
Aurait-elle obtenu que l’ex-président accepte de poser un acte fort en se rendant à l’hémicycle de la chambre haute dont il est membre à vie, ce qui, du coup, normaliserait son statut et participerait à l’apaisement de la tension politique qui couve dans le pays ?

En dehors de la présence au parlement de la représentante du Secrétaire général des Nations Unies, le Portugais António Guterres, aucun autre visage de diplomate, tout au moins occidental.
Ni l’Américain Mike Hammer, ni la Britannique Emily Maltman, ni le Français François Pujolas, ni le Canadien Nicolas Simard, ni le Belge Johan Indekeu, etc. Que se passe-t-il quand on sait comment, dans une vie précédente, dans ce même pays, dans ces mêmes hémicycles, les diplomates occidentaux se pressaient à chaque rentrée parlementaire?
Nul doute, les Occidentaux ne reconnaissent pas ce Parlement. Le regard de la communauté internationale face aux Institutions congolaises nées des dernières élections est très contrarié.

Si le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo est reçu et salué dans toutes les capitales étrangères où on se félicite d’une alternance pacifique effective, trois personnalités politiques majeures du pays sont et restent sous sanctions internationales, européennes ou américaines : le président de la chambre basse sous la législature passée Aubin Minaku Ndjalanjoku, le président de la Commission électorale nationale indépendante Corneille Nangaa Yobeluo, le président de la Cour constitutionnelle Benoît Lwamba Bindu désormais en exil en Belgique suite aux bons offices du président de la République auprès du Royaume de Belgique.

DES RESULTATS DES
LEGISLATIVES BOUDES.

Si une élection n’est une réussite que lorsqu’elle apporte l’apaisement dans le pays - ce qui est le cas de la Présidentielle de décembre 2018 - ce qui a conduit les Occidentaux à saluer la cérémonie de remise-reprise du vendredi 25 janvier au Palais de la Nation à Kinshasa entre le sortant et l’entrant, il reste qu’ils continuent de bouder sinon de ne pas reconnaître les résultats des Législatives qui ont donné une majorité écrasante aux partisans de l’ancien président Kabila. Il en est des Occidentaux comme des pays de la sous-région principalement ceux de la SADEC, la Communauté de développement d’Afrique australe, Angola, Afrique du Sud, Angola, Botswana, Malawi, Namibie, Zimbabwe, etc., qui ont eu des relations exécrables aux derniers jours de son mandat avec le président Kabila dont ils avaient en août 2018, lors du 38è sommet de la SADC à Windhoek, la capitale de la Namibie, exigé, dans des conditions peu diplomatiques, le départ du pouvoir avant de s’entendre dire par Kabila dans son discours officiel qu’il préfère « ne pas (leur) dire au revoir » mais « à bientôt », expliquant qu’au Congo, la démocratie n’était «pas une réalité mais un processus irréversible ».

Dans une interview à l’agence mondiale américaine Associated Press et sept autres médias internationaux, alors sur le départ, le président Kabila avait ces mots, en décembre 2018 : «Pourquoi ne pas attendre 2023? En politique comme dans la vie, on ne devrait rien exclure, parce que tout est possible. La question est de savoir quel sera le tableau d’ensemble».

Sont-ce les suspicions d’un «arrangement» avec la Commission électorale nationale indépendante pour un retour au pouvoir à la date constitutionnelle échue ou, après une crise majeure, qui explique cette absence d’enthousiasme du corps diplomatique dans la composition actuelle du parlement congolais et les différents messages sans équivoque que continuent d’envoyer de hauts représentants de la Maison Blanche au Congo?

On sait comment l’ancien envoyé spécial des Etats-Unis pour la Région des Grands Lacs J. Peter Pham aujourd’hui déployé dans la Région du Sahel s’était comporté face au Congo, tout comme le Monsieur Afrique de l’administration républicaine, le sous-secrétaire américain chargé de l’Afrique Peter Tibor Nagy voire l’ambassadeur en poste à Kinshasa Michael A. Hammer toujours prompts à encourager le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo dans tous ses actes de lutte contre les anti-valeurs qui empêchent le pays d’avancer.

«Y COMPRIS
LES SANCTIONS».

Lors de sa rencontre à Kinshasa le 15 mars 2019 avec le président congolais, Tibor Nagy avait eu des mots explicites : «Le 30 décembre, le peuple congolais a voté pour le changement. Ce changement de leadership historique et pacifique offre l’occasion aux Etats-Unis de travailler avec la nouvelle Administration Tshisekedi afin d’apporter une large prospérité sociale et économique à la RDC. Lors de ma rencontre avec le Président Tshisekedi, je l’ai félicité pour son investiture et j’ai souligné la volonté des Etats-Unis de travailler en partenariat avec son gouvernement au moment où il poursuit son engagement à faire progresser les valeurs démocratiques, à lutter contre la corruption, à respecter les droits de l’homme, à restaurer la sécurité et à promouvoir la prospérité».

Puis : « Nous avons hâte de soutenir son programme économique pour accroître les investissements, l’emploi, la croissance et améliorer les liens commerciaux bilatéraux responsables entre les Etats-Unis et la RDC. Nous souhaitons voir plus d’entreprises américaines en RDC, mais pour ce faire, il doit y a avoir des règles du jeu équitables et transparentes». «Nous reconnaissons que la route menant à la prospérité sera longue et parfois cahoteuse. Les Etats-Unis continueront d’utiliser tous les outils à leur disposition, y compris les sanctions, pour faire en sorte que ceux qui menacent les droits de l’homme, le processus démocratique et la prospérité du Congo soient tenus pour responsables».

«Je l’ai dit à maintes reprises auparavant, mais je suis persuadé que, pour la RDC, nous devons tous regarder ensemble à travers le pare-brise, et non à travers le rétroviseur. Et, alors que je regarde en avant, je suis un optimiste et les Etats-Unis sont prêts à travailler en partenariat avec le Président Tshisekedi au moment où il œuvre à la réalisation du plein potentiel du Congo».

Une «immixtion occidentale» dans les affaires congolaises que n’apprécient pas toujours certains élus congolais. Ainsi, mi-août, un groupe de sénateurs congolais ont répondu à la lettre datée du 17 août 2020 de neuf de leurs homologues américains qui ont demandé au Trésor américain plus d’appui à la «lutte du président Tshisekedi contre la corruption et le système kleptocrate du régime de Kabila». Sept des sénateurs membres de la Commission des relations extérieures ont «exigé», dans une réponse à la commission correspondante du Sénat américain, que les Etats-Unis s’interdisent de s’occuper des affaires internes d’autres pays.

«Dans l’intérêt bien compris de nos deux nations, nous en appelons à un partenariat franc et constructif fondé sur le respect strict des conventions diplomatiques. Pour ce faire, autant, nous nous interdisons d’interférer dans les affaires intérieures d’autres pays, en particulier des Etats-Unis, autant nous sommes en droit d’attendre de ces pays un comportement réciproque», avaient-ils écrit.

La lettre des sénateurs américains avait été suivie des réactions de soutien du secrétaire d’Etat Mike Pompeo et de son adjoint Tibor Nagy. Les sénateurs congolais ont dit souhaiter un rapprochement plus étroit entre Kinshasa et Washington tout comme ils appuient le gouvernement congolais dans la lutte contre la corruption. Une lutte qui, ont-ils précisé, avait débuté durant la présidence de Joseph Kabila.
ALUNGA MBUWA.


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