Privilèges et immunités semblent compliquer le dossier Kamerhe au parquet de Matete
  • mar, 07/04/2020 - 15:27

Invité à se présenter lundi 6 avril 2020 devant un magistrat du Parquet général près la Cour d’Appel de Kinshasa-Matete, le long du boulevard Lumumba dans la commune de Limete, Vital Kamerhe Lwa-Kanyinginyi Nkingi, directeur de cabinet du Chef de l’Etat, n’est pas allé ni à l’heure où il était attendu, 13 heures, ni plus tard dans la journée et aucun de ses avocats ne s’est présenté au parquet, ce qui n’aurait rien réglé s’agissant d’une affaire instruite au pénal.

Peu avant midi, alors que des sites congolais en ligne et des tweets repris par des comptes à l’étranger, annonçaient son arrivée avec escorte au parquet quand d’autres le voyaient en face du magistrat en pleine instruction, d’autres encore ont posté des messages selon lesquels le couple Kamerhe qui se trouvait toujours chez lui dans le quartier huppé de la Gombe après 13 heures, venait de quitter son domicile à bord d’un véhicule tout-terrain et a pris le chemin inverse de Matete : celui conduisant à la Cité de l’Union Africaine où Vital Kamerhe Lwa-Kanyinginyi Nkingi aurait eu un «entretien chaleureux» avec le Président de la République, ce que certains ont démenti.

Selon des milieux proches du parquet, face au refus de l’intéressé de s'y rendre au parquet, le magistrat en charge du dossier a, suivant la procédure, émis une nouvelle invitation pour mercredi 8 avril en veillant cette fois à la bonne retranscription de la date et de l’adresse du domicile du Directeur de cabinet.

Les incohérences observées dans le précédent courrier déposé à une adresse différente de celle reprise sur la lettre, celle-ci datant du 3 avril 2020 pour être exécutée le 6 mars 2020, auraient pu être invoquées comme raison justifiant que le DirCab ait été aux abonnés absents.

Autre raison qu’aurait certainement fait valoir le DirCab pour ne pas se rendre au Parquet général de Matete : précisément son invitation à se présenter devant la Cour d’appel.

Son titre de Directeur de cabinet du Président de la République qui l’aligne au grade de Vice-Premier ministre lui assure privilèges et immunités. Dont le fait que son juge naturel soit la Cour de Cassation.

Mais plusieurs juristes estiment que le privilège de juridiction dont bénéficie le Vice-Premier ministre de la République tout comme les députés et les ministres ou ceux ayant un rang équivalent porte sur les poursuites, non sur l’instruction. Or, dans le cas présent, il ne s’agit que d’une procédure préjuridictionnelle.

Le Directeur de cabinet ayant rang de Vice-Premier ministre de la République est pénalement justiciable devant le Parquet général près la Cour de cassation et le juge de cassation.

Mais c'est suite à un dossier déjà en instruction au Parquet général près la Cour d'appel qui a eu à entendre plusieurs dirigeants d’entreprises publiques et privées portant sur des détournements de plusieurs centaines millions de dollars et sur ordre du Procureur général près la Cour de cassation que le DirCab du Président de la République a été invité à se présenter comme simple renseignant. Il y a donc eu délégation de pouvoir.

En clair, le président de l’UNC ne court, à l’étape présente, aucun danger. Son parquet naturel étant celui près la Cour de cassation, s’il y a risque quelconque, c’est à ce niveau.

«Vu son statut, difficile que l’on voit le Directeur de Cabinet du Président de la République être retenu pour passer une nuit au parquet de Matete, et, impossible qu’il soit conduit à la prison de Makala à ce niveau sauf si le dossier dépend des développements inattendu dans la procédure préjuridictionnelle», explique un expert.

UNE AFFAIRE MEDIATISEE A OUTRANCE ENTRAÎNANT DEPLOIEMENT DES FORCES.
Cette affaire est tellement médiatisée et, du coup, presse, partisans et de curieux ayant accouru sur les lieux, la protection du parquet de Matete s’en est trouvée du coup, lundi 6 avril, renforcée par un déploiement des forces de l’ordre.

La veille dimanche 5 avril, les dirigeants de l’UNC, ministres, conseillers de haut niveau du Président de la République, députés, etc., avaient fait monter la tension de plusieurs crans après avoir participé à une réunion d’urgence convoquée au siège de leur parti à l’issue de laquelle un communiqué au vitriol a été lu à la presse.

Dans ce communiqué de deux pages signé par dix-sept dirigeants de ce parti, membre de la plateforme CACH issue de l’élection de novembre 2018 et participant avec l’UDPS au pouvoir, ces personnalités s’en sont pris vivement à la justice de leur pays, critiquant avec véhémence «sa grave légèreté», n’ayant «pas eu égard au rang» de son Président - «adresse indiquée n’est pas la sienne», «invitation déposée à une adresse autre que celle reprise sur celle-ci», «invitation émise le 03 avril 2020 pour se présenter le 06 mars 2020», s’insurgeait contre «l’acharnement et la campagne de diabolisation» menés depuis plusieurs mois contre leur président Kamerhe, citant «certaines officines en mal de positionnement», qualifiant ces officines «de sans foi ni loi (…) à mettre hors d’état de nuire», expliquant que «l’invitation du parquet est le point culminant de cet acharnement».

Les hauts cadres de l’UNC ont aussi déclaré que «c’est en sa qualité de Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat et au nom de ce dernier que l’Honorable Vital Kamerhe a managé le Programme des 100 jours», le programme d’érection des infrastructures dans la Capitale et dans l’arrière-pays lancé par le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo pour marquer ses 100 premiers jours de pouvoir dont des centaines de millions de dollars ont été détournés.

Ce communiqué a assuré que l’UNC n’allait pas «courber l’échine», qu’il ne se laisserait pas faire devant ses ennemis et autres opportunistes», appelant les militants de l’UNC à se tenir «en alerte pour le combat politique à venir», ce qui faisait en effet craindre des troubles.

Il faisait état «des combats menés» par l’Union pour la nation congolaise et qui les a fait aboutir en amenant au pouvoir le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

TRYPHON KIN-KIEY MULUMBA «STUPEFAIT» ET «PREOCCUPE».
Depuis la Belgique où il se trouve contraint par le confinement, l’ancien ministre congolais des PTNTIC est la première haute personnalité de la coalition le réunissant au président Félix Tshisekedi et à son directeur de cabinet, Vital Kamerhe.

Tryphon Kin-kiey Mulumba se dit également troublé que le parti du Directeur de cabinet du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi s’insurge contre la justice de notre pays.

«Que l’on s’insurge contre la justice de son pays quand on assume les hautes responsabilités d’Etat et qu’on représente la Nation, cela me parait troublant. Si, à ce niveau de responsabilité d’Etat, nous ne faisons pas confiance à la justice de notre pays, il nous faut sans attendre s’arrêter et la changer et non la laisser en place. L’Etat dispose de ce pouvoir de révocation et de nomination au sein de la magistrature», dit-il.

Kin-kiey dénonce également le fait que le communiqué de l’UNC mentionne la fonction du Président de la République. «Pourquoi mettre la charrue devant le bœuf quand nul ne sait ce que cette invitation à se rendre au Parquet signifie? Et qu’est-ce que le Président de la République, institution suprême protégée par la Constitution et politiquement irresponsable aux termes de l’article 77 de la Constitution, sauf devant le Peuple souverain, vient faire dans un communiqué de parti politique? Que vient faire CACH qui n’existe pas de droit et l’Accord politique de Nairobi qui m’engage moi-même du fait de ma signature?» interroge l’ancien ministre.

Un peu plus tôt dans la journée, deux sources judiciaires rapportent à POLITICO.CD que le directeur du cabinet du Chef de l’Etat, Vital Kamerhe, est convoqué au parquet général près la Cour d’Appel de Kinshasa-Matete, dans le cadre des enquêtes autour du projet de 100 jours du président Félix Tshisekedi.

Le programme de 100 jours du président Félix Tshisekedi est au cœur d’une saga judiciaire, alors que des accusations de détournements de deniers publics fusent. Plusieurs chefs d’entreprises exécutant des ouvrages de ce projet ont été arrêtés. Certains sont toujours en détention. Directeur de cabinet du président Tshisekedi, Vital Kamerhe est le principal gestionnaire du projet. Ce dernier est plusieurs fois accusé, notamment par des ONGs ou encore l’opposition politique, de mégestion autour de ce programme des 100 jours.

ALEKI MBOWO (KIN’S)
THIERRY MFUNDU (POLITICO.CD).

IN-EXTENSO LES DECLARATIONS DU PROFESSEUR TRYPHON KIN-KIEY MULUMBA.
«Je m’adresse à vous, cher ami, depuis la Belgique au titre de deuxième personnalité à qui l’UDPS et le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo ont fait appel avant la réunion de Genève et, dès le lendemain de cette réunion après son échec retentissant, à se désister et à rejoindre le Candidat Nr 20 Fatshi dans la course pour la Présidence de la République, et qui a signé publiquement et solennellement, fin novembre 2018, cet accord politique de CACH, peu avant le début de la campagne électorale, au siège de l’UDPS, devant le Candidat Fatshi, devant le candidat désisté Kamerhe, devant tous les dirigeants de l’UDPS et de l’UNC, devant nos militants respectifs, pour faire part de ma stupéfaction et, du coup, de ma préoccupation face aux termes du communiqué de l’UNC signé ce dimanche 5 avril 2020 par des ministres du Gouvernement de la République et des conseillers de haut niveau du Chef de l’Etat, membres de l’UNC.
Que l’on s’insurge contre la justice de son pays quand on assume les hautes responsabilités d’Etat et qu’on représente la Nation, cela me parait troublant. Si, à ce niveau de responsabilité d’Etat, nous ne faisons pas confiance à la justice de notre pays, il nous faut sans attendre s’arrêter et la changer et non la laisser en place. L’Etat dispose de ce pouvoir de révocation et de nomination au sein de la magistrature.
L’UNC au pouvoir n’aurait-elle pas été mieux inspirée en laissant la justice faire son travail, quitte à dénoncer de droit ses décisions après que celles-ci auraient été éventuellement mal prises? Pourquoi mettre la charrue devant le bœuf quand nul ne sait ce que cette invitation à se rendre au Parquet signifie?
 Et qu’est-ce que le Président de la République, institution suprême protégée par la Constitution et politiquement irresponsable aux termes de l’article 77 de la Constitution, sauf devant le Peuple souverain, vient faire dans un communiqué de parti politique? Que vient faire CACH qui n’existe pas de droit et l’Accord politique de Nairobi qui m’engage moi-même du fait de ma signature? Il y a, me semble-t-il trop d’enjeux qui se dressent face à notre pays. 
L’homme d’Etat doit se mettre à niveau de ses obligations mais cette nouvelle montée de tension dans le pays quand nos compatriotes meurent du coronavirus alors que le pays est à la peine, me parait regrettable».

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