Le Premier ministre Matata Ponyo a décidé de nettoyer Kinshasa de fond.
Géant coup de balai
  • mer, 30/05/2012 - 07:03

Le Premier ministre Matata muscle ses décisions. On ne va peut-être plus blaguer...
Ce ne sera pas le «Karcher», mais cela pourrait y ressembler. Avec la même détermination qu’avait en son temps affichée Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, pour débarrasser les banlieues en feu de ce qu’il avait appelé «racaille», Matata Ponyo a décidé de nettoyer Kinshasa de fond en comble pour lui donner sa plus belle robe.
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1170 DATE 30 MAI 2012
C’est un engagement qu’il a pris dès le lendemain de la validation de la feuille de route du gouvernement, lors du Conseil des ministres extraordinaire du 21 mai. C’est aussi un impératif diplomatique: la capitale doit accueillir, au mois d’octobre prochain, le XIVè sommet de la Francophonie.
Plus que trois mois nous séparent de cette date. Il va falloir faire vite et bien, pressent les observateurs. Cela ne sera évidemment pas facile. Mais ce n’est pas la difficulté qui rebute Matata Ponyo et son équipe. Dès le lendemain du conseil des ministres, le Premier Ministre réunissait d’urgence l’autorité urbaine ainsi que les bourgmestres des 24 communes de la capitale pour ce qui pouvait passer pour un véritable conseil de guerre. Tout y a été dit. La grève des transporteurs qui venait de paralyser Kinshasa, avec à la clé le traitement de choc annoncé par le Premier Ministre lui-même relayé par le titulaire des Transports et Voies de communication. Plus de 200 autobus de grande capacité seront commandés par le gouvernement qui a choisi, en même temps, de faire un clin d’œil aux transporteurs réellement soucieux d’épauler l’Etat. Ainsi, les autobus neufs de plus de vingt places seront désormais défiscalisés.
Ce n’est pas tout. En passant, la capitale devait également être nettoyée de ces engins de la mort qu’on appelle, avec cette sorte d’humour macabre propre aux Kinois, «Esprit de mort». Il s’agit de ces taxi-bus de marque Mercedes 207 qui sèment mort et désolation sur nos routes. Un contrôle technique a été annoncé pour confirmer le nettoyage. Mais aussi l’assainissement du circuit de délivrance du permis de conduire, désormais biométrique. Objectif: exclure de nos routes tous les enfants de rue transformés par le miracle du laisser-aller et de la mauvaise gouvernance en conducteurs. Avec tout ce que cela implique en termes de dégâts…

NETTOYAGE A SEC.

Autre front tout aussi important, celui de la délinquance. Il s’agit d’éradiquer ce fléau qu’on appelle «Kuluna». Vrais et faux enfants de la rue devenus des bandits qui agressent, violent, extorquent, blessent et tuent à la machette sur le mode de ces bandes «starisées par la télévision» squattant Harlem, la banlieue parisienne ou d’autres quartiers mal famés. Des bandes qui ont transformé les rues de la capitale rd-congolaise en véritables traquenards. L’année dernière, Luzolo Bambi Lassa alors Ministre de la Justice et Droits humains avait tenté de frapper dans le tas. Plusieurs prisons disséminées sur l’ensemble du territoire national avaient accueilli certains de ces délinquants. Aucune action d’envergure n’avait cependant suivi, ni pour étouffer définitivement le mal dans l’œuf, ni pour mettre en place des programmes de réinsertion. Résultat: le phénomène a repris de plus belle, comme si rien n’avait jamais été tenté, assignant du coup une nouvelle priorité au Gouvernement Matata.
Enfin, last but not least, c’est sur le chantier de la salubrité que le Premier Ministre a décidé de frapper fort et tout de suite. Kinshasa doit être une ville où il fait bon vivre, débarrassée des immondices qui polluent l’atmosphère, de ces garages pirates qui encombrent la chaussée et se transforment, la nuit venue, en repaires de bandits et en maisons de passe de fortune; mais également de ces marchés à la sauvette devenus les nids de toutes sortes de maladies des mains sales.
Le Premier Ministre qu’on a vu sur le terrain, inspectant différents chantiers de la capitale, sait que cette bataille là, il doit absolument la gagner pour gagner en crédibilité et en respectabilité face à des Kinois qui en ont vu d’autres et dont le scepticisme est plus que légendaire.
La Police nationale est passée à l’action, évidemment sans parfois prendre le temps même d’une petite économie des dérapages évitables. Reste, et cela est vrai, que les premiers résultats sont là, indiscutables. Kintambo-Magasins a été débarrassé de tous les kiosques, garages et épaves qui encombraient la vue. Bandal est plus que jamais «clean» sur son point chaud de Kimbondo. Il en est de même de l’avenue Nguma, sur les hauteurs du quartier chic de Macampagne, ainsi que de son prolongement, Route de Matadi, jusqu’à Binza-UPN. Le résultat inespéré est un air de plus en plus respirable et - véritable miracle - de moins en moins d’embouteillage et une circulation plus fluide. Dans la partie Est, le long de l’impressionnant chantier du Boulevard Lumumba, kiosques et vendeurs à la sauvette ont évacué les abords de la route au départ du Marché de la liberté. Mais il faut encore plus, ce qui n’est pas toujours évident. Entre le souci de donner à la Capitale sa plus belle robe, les excès évitables de certains éléments de la police et la cohérence dans la durée qui exige moyens et volonté politique, les arbitrages deviennent délicats et le cap souvent difficile à tenir. Mais ce n’est pas cela qui arrêtera Matata Ponyo, martèle son entourage, qui souligne la détermination du chef du gouvernement à changer les vieilles habitudes qui ont enfoncé Kinshasa dans la crasse.
Raison pour laquelle, ajoute-t-on de même source, le Premier Ministre ne cesse de mettre sinon de monter la pression sur l’autorité urbaine et la hiérarchie de la police afin que rien ne soit laissé au hasard.
Dès sa première rencontre avec les bourgmestres, il avait donné le ton et passé le mot d’ordre: réussir ou dégager. Samedi dernier, il maintenait la pression en réunissant son Ministre de l’Intérieur, le Gouverneur de la Ville ainsi que l’Inspecteur Général de la PNC. Le programme annoncé par le gouvernement provincial doit être maintenu et amplifié, a instruit le Premier Ministre. Avant de préciser: dans le plus strict respect des droits humains. Et pour qu’aucun doute ne puisse subsister sur la détermination du Chef du Gouvernement, les premières têtes sont aussitôt tombées: le Général Bonaventure Monga Sata de la PNC, rapportent les journaux parus lundi dans la capitale, a été suspendu de ses fonctions! Jamais, à ce jour, aucun gouvernement n’avait frappé tant…
La lettre datée du 22 mai 2012 est signée Richard Muyej Mangeze, Ministre de l’Intérieur, Décentralisation et Affaires Coutumières en personne. Ce dernier a chargé l’Inspecteur Général de la Police Nationale de l’exécution de la lettre et de lui en faire rapport par retour de courrier. «Il m’a été donné de constater votre indolence dans la gestion des mouvements de grève des transporteurs automobiles déclenchés ces lundi 21 et mardi 22 mai 2012 dans la Ville de Kinshasa», écrit le Ministre, très remonté. Le ton était évidemment donné. Il n’y aura ni excuses, ni tergiversations. Tous les intervenants de l’opération « Kin Propre » sont avertis. Ils ont plus que jamais l’obligation du résultat. Le Premier Ministre l’a personnellement rappelé à tous ses interlocuteurs : c’est bien lui-même et personne d’autre qui supervisera l’évolution de l’opération.


TTB

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