Qui en veut à Gilbert Kankonde Malamba?
  • jeu, 09/01/2020 - 04:38

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1478|JEUDI 9 JANVIER 2020.

Il y a quelqu’un qui n’aime pas beaucoup Gilbert Kankonde Malamba. Voilà qui ne fait l’ombre d’aucun doute... Et, en plus, on lui cherche des poux sur la tête.

Depuis la publication lundi 26 août 2019 du Gouvernement de cohabitation Sylvestre Ilunga Ilunkamba, que de guerres à fleurets mouchetés, que de matchs au sein de l’Exécutif. Dans l’oeil du cyclone, des ministres CACH. Celui des PTNTIC Augustin Kibasa Maliba. Celui des Affaires foncières Aimé Molendo Sakombi. D’autres encore durement jugés. Gilbert Kankonde Malamba est de ceux là.
Depuis le début, que de coups. Il n’est pourtant pas n’importe qui.
Kankonde fait partie, de ce que les médias appellent dans leur jargon, de la garde rapprochée du Président de la République. Son maroquin hautement stratégique - il a été placé dans l’Exécutif national et ce n’est pas un hasard, dans l’ordre protocolaire, après le Premier ministre comme Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, de la Sécurité et des Affaires coutumières. Il est le numéro trois du Gouvernement, a, sous sa tutelle, la police nationale et les services de sécurité du pays et les Exécutifs provinciaux - les gouverneurs - relèvent de son pouvoir. Il est la troisième personnalité après le Président de la République et le Chef du Gouvernement.
Il a un rôle passé auprès du Sphinx qui le rend sinon dans l’opinion, du moins au sein de son parti UDPS, encore plus... vénérable. Choisi par lui-même pour le représenter, cet ancien réfugié de Belgique qui disposa de la citoyenneté belge fut, aux dernières années de vie du Sphinx, de toutes les réunions secrètes PPRD-UDPS qui eurent lieu à l’étranger et engagèrent des pas vers une amorce même si l’opposant historique en ordonna l’arrêt...
Pourtant, que d’actes de déstabilisation, de tentative de désacralisation sinon d’humiliation de cet homme...
Tout commence avec une lettre de gouverneurs dont il est le chef hiérarchique administratif voire politique. Un gouverneur de province relève du ministre de l’Intérieur, ministère dont Kankonde a la charge. Outre cela, CACH Kankonde est VPM. En clair, un homme protocolairement puissant qui dispose d’un véhicule d‘escorte armée.
Pourtant, que d’insultes dans une correspondance officielle signée par le gouverneur de la ville de Kinshasa Gentiny Ngobila Mbaka au nom de ses pairs jamais démentie. Tous les noms d’oiseau y passent. Mais aucune sanction... Et, l’arrivée chahutée à Lubumbashi le 14 novembre 2019 dans la soirée où il n’est ni attendu par le gouverneur de province ou son adjoint, ni ne dispose d’un moyen de transport pour quitter l’aéroport. Il n’aurait-il dépêché aucune équipe d’avance de ses proches pour des dispositions utiles. Il s’y trouve en escale sur le chemin de Lualaba, la province voisine où des réunions avaient été prévues dans le cadre d’une mission officielle à Kolwezi après des manifestations de rue et des contre-manifestations de rue des partisans de l’UDPS et ceux du PPRD... Il semble que le PPRD gouverneur du Haut Katanga Jacques Kyabula se soit trouvé en mission... à Kinshasa quand le puissant ministre arrive dans sa province et, pire, pour la première fois... Alors qu’il reçoit les honneurs et termine le passage des troupes, le ministre ne sait plus où aller, des ministres qui composent sa délégation originaires du Grand Katanga se sont volatilisés abandonnant le VPM qui, confus, n’a aucun choix sinon de retourner dans l’avion qui l’avait amené au Katanga et qui attendait de recharger avant de repartir sur Kinshasa.

RETOUR DU BALANCIER?
Alerté de cet incident majeur, le Premier ministre originaire du Katanga trouve une parade et sauve la face... Or, le 5 décembre, c’est le Premier ministre lui-même qui adresse une sévère mise en garde et une demande d’explication au VPM dans le dossier Atou Matubuana Nkuluki. Sans se référer au Chef du Gouvernement, se référant à l’ordonnance n°17/024 du 10 juillet 2017 portant organisation et fonctionnement du gouvernement, modalités de collaboration entre le Président de la République et le gouvernement ainsi qu’entre les membres du gouvernement, il reproche à son second d’avoir levé la mesure de suspension pesant sur le gouverneur PPRD-FCC cité dans un dossier de sextape.
Certes, le ministre est chef de son département mais ce n’est là que de la théorie quand l’action gouvernementale est coordonnée par le Chef du Gouvernement. Dans l’entendement de la Constitution congolaise, si le Chef suprême de l’Exécutif national est le Président de la République qui convoque et préside le Conseil des ministres (art. 79) dont il fixe l’ordre du jour, c’est chacun des membres de l’Exécutif, le Premier ministre en tête, et non le Chef de l’Etat, qui est responsable de ses actes devant l’Assemblée nationale et qui peuvent être destitués voire déférés devant la justice par la Chambre basse. D’où le principe de cohésion de l’action gouvernementale qui fonde l’Exécutif et dans tous les cas, c’est le principe de rigueur dans le régime politique congolais. Si «le ministre est responsable de son département, il applique le programme gouvernemental dans son ministère, sous la direction et la coordination du Premier ministre» (art. 93).
Il n’existe pas de ministre sans l’accord du Premier ministre et du Président de la République. Un ministre n’a jamais fait de mal à personne. «Un ministre ça se soumet ou ça s’en va», l’expression tant connue de Jean-Pierre Chevènement, un ancien ministre français de l’Intérieur.
Après la mise en garde du Premier ministre FCC, arrivée au lendemain d’une agression du VPM le 4 décembre, en plein hémicycle au Palais du Peuple, de la Chambre basse en plénière en direct devant les télés et les réseaux sociaux par deux députés opposés à sa décision de réhabiliter le gouverneur Atout, on craignait le pire. Le FCC-PPRD en avait fait une affaire emblématique dès le début, posé des actes systématiques, retiré sa confiance à son membre, fait monter en puissance son candidat, le député Antoine Ghonda Mangilibi conseiller privé de Kabila.
Les jours de Kankonde étaient-ils comptés? La chute du VPM ne pouvait être l’œuvre du seul Premier ministre. Technocrate avéré et racé, Ilunga n’est pas un nouveau venu dans l’Exécutif. Il ne pouvait affronter le Président de la République et ouvrir un conflit trop risquant...
Le séminaire de Zongo, au Kongo Central, auquel d’ex-Premiers ministres ont animé des séances allait-il conduire à la compréhension générale, donc à l’apaisement comme l’avait souhaité le Président de la République?
Voici que sur ce dossier du gouverneur du Kongo Central destitué par les députés provinciaux mais qui serait soutenu par le chef religieux kimbanguiste de Nkamba et des gouverneurs de l’Ituri Jean Bamanisa Saida, du Haut-Lomami Marcel Lenge Masangu Mpoyo et du Sankuru Joseph Stéphane Mukumadi, le Premier ministre opte pour en confier la gestion non au ministre CACH-UDPS qui en a les attributions et donc la tutelle mais à celui PPRD-FCC de la Justice et Garde des Sceaux Célestin Tunda Yakasende qui, au titre de Vice-Premier ministre, vient à la quatrième personne au sein de l’Exécutif et après son homologue Kankonde. Une commission ministérielle est mise en place composée de huit membres du Gouvernement. Le VPM Kankonde y siège. Célestin Tunda Yakasende a déjà pris ses marques et convoqué dans la Capitale outre les destitués, leurs Vice-gouverneurs et les présidents des assemblées provinciales concernés.
Le Premier ministre aurait-il pris cette décision à la base d’un lever de boucliers à l’UDPS sans se référer au Président de la République dans un dossier aussi sensible et au cœur des préoccupations du Chef de l’Etat? Retiré du dossier, humilié, le président a.i de l’UDPS, Marc Kabund-A-Kabund par ailleurs 1er Vice-président de l’Assemblée nationale est rouge de colère au point d’en dédier un tweet ravageur: «Dépouiller le VPM de l’Intérieur de ses attributions au profit du VPM de la Justice est une provocation de trop pour le parti cher à étienne Tshisekedi. L’UDPS s’insurge contre la monarchie majoritaire instaurée par ses partenaires et se réserve le droit d’y donner une réponse appropriée».Une nouvelle crise à l’horizon? Ou, sont-ce encore, comme l’a déclaré, vendredi 13 décembre 2019, le Président de la République lors de son discours sur l’état de la Nation, devant les deux Chambres parlementaires réunies en Congrès, «des soubresauts inhérents à toute nouvelle expérience humaine»?
Deux points éclairent ce dossier. Ce portefeuille stratégique de l’Intérieur avait été au départ du blocage des négociations FCC-CACH et nombre de gouverneurs destitués sont des PPRD réfractaires. S’agit-il d’un retour du balancier?
D. DADEI.


Related Posts

About author

Portrait de D. DADEI