On a tué le juge pendant le procès
  • ven, 19/06/2020 - 01:37

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1489|VENDREDI 19 JUIN 2020.

A qui profite le décès du juge?
Horreur ! On le savait... C’est désormais confirmé. On l’a donc éliminé. Un poison, comme l’affirme la famille sur base d’une autopsie, la première? Des coups assénés voire un petit doigt bien appuyé sur une partie de crâne, formule connue de tous les agents de l’ordre, selon le résultat d’une deuxième autopsie dont les résultats ont été révélés mardi 16 juin par un communiqué du Vice-premier ministre en charge de la Justice, le PPRD-FCC Célestin Tunda Ya Kasende?

C’est officiel, le juge Raphaël Yanyi Ovungu n’est donc pas mort de mort naturelle. Il a donc été tué. Il a été assassiné. Un meurtre prémédité. Lundi 25 mai 2020, le magistrat qui paraissait en bonne santé, venait de présider la deuxième audience publique, retransmise en direct, sur des multiples chaînes de radio et de télévision, du procès Kamerhe. Dès les premières secondes de cette audience, le juge tombe son masque à la demande d’un avocat de la défense invoquant une mauvaise audition de sa parole avant que le magistrat n’en mette aussitôt un autre plus encombrant au grand étonnement du public, déposé face à lui par un inconnu dans l’assistance sans que cela ne soulève la moindre protestation des avocats conseils des prévenus.

«Le juge Yanyi est mort principalement à la suite des coups qu’il a reçus, qui ont occasionné un traumatisme crânien. Il y a eu coagulation de sang dans le crâne. C’est cette situation qui a entraîné l’arrêt cardiaque la mort», écrit le communiqué du Vice-premier ministre. En clair, le magistrat est décédé des suites d’une hémorragie intracrânienne.

Mais à quel moment ce coup fatal a été asséné au juge, lui qui est supposé avoir une garde armée en permanence vu la sensibilité du procès qu’il présidait? Pourquoi le juge ne s’était-il pas plaint auprès de sa famille en arrivant chez lui à son domicile dans la commune de Bandalungwa après cette agression? Comment n’avait-il pas accusé un malaise puisqu’aux dires de son épouse, c’est de son domicile que le juge pris de malaise après avoir consommé une banane, a été conduit à l’hôpital, sa peau noircissant minute après minute?

«Des substances toxiques à doses non létales ont été trouvées dans son organisme, substances qui seraient d’origine alimentaire et fortement antérieures», poursuit le communiqué du ministre Tunda que la famille a rejeté expliquant que cette autopsie a été menée en deux étapes, corporelles et au niveau des organes internes et qu’elle a été dirigée par un médecin légiste congolais et un médecin de la Mission des Nations Unies au Congo.

Reste l’horreur! Au Congo désormais, on peut donc désormais mourir en direct à la télé. Le changement de masque a-t-il un lien avec cette mort? Mais à qui profite ce crime, cette mort brutale d’un magistrat à l’écoute des parties au procès? Détenait-il des documents compromettants? Si oui, de quel type pour mériter un tel sort aussi tragique? Avait-il annoncé un penchant pour telle ou telle partie au procès?

Tunda a annoncé l’ouverture d’une enquête criminelle. Dans un communiqué du 17 juin, la famille «doute de la procédure enclenchée par la justice nationale, exige une enquête internationale indépendante pour plus de crédibilité afin de soulager tant soit peu sa douleur». Elle estime la «procédure viciée» vu que «l’annonce des rapports d’autopsie faite par le ministre revêt un caractère politique que judiciaire». «C’est la famille, écrit le communiqué, qui a saisi le Parquet et a formalisé la demande d’autopsie. De sorte que la primeur de l’information devrait lui être réservée à elle plutôt qu’à l’opinion publique. Ce qui viole le secret de l’instruction judiciaire par la médiatisation».

VIOLENTS ECHANGES ET MENACES.
La famille rejette le rapport du ministre, ses conclusions contredisent les deux rapports préliminaires dont la teneur avait été révélée à la famille. La deuxième autopsie l’a été à l’insu de la famille alors que la famille avait réclamé la mise à sa disposition des éléments du premier rapport avant d’enclencher une deuxième autopsie.
La famille se dit «plongée dans une ombre de désolation sévère dès lors que la justice ou mieux l’Etat qui devrait consoler, coopérer et sécuriser la famille, agit curieusement en dehors d’elle et sans elle».

Le juge est mort dans la nuit du 26 au 27 mai, le lendemain de la deuxième audience de ce procès suivi par tout le pays vu son côté historique, le rang du principal accusé qui passait pour le Vice-Président sinon le co-Président de la République.
Le procès avait ouvert lundi 11 mai et le tribunal régulièrement composé avait pu identifier chacune des parties et principalement les trois prévenus, Vital Kamerhe Lwa Kanyinginy Nkingi, le Libanais Samih Jammal et un fonctionnaire de la Présidence de la République en charge d’import/export Jeannot Muhima.

Les avocats conseils des prévenus avaient sollicité une remise à deux semaines, soit le 25 mai, afin de prendre connaissance des pièces versées au dossier et ainsi être en mesure d’assurer la défense des intérêts de leurs clients.
Lundi 25 mai fut donc la deuxième audience avant la troisième annoncée pour le 3 juin au cours de laquelle plusieurs témoins - des ministres anciens et en fonctions - allaient être entendus. Mais le juge Raphaël Yanyi Ovungu ne reprendra pas ce procès.

Le lendemain mardi 26 mai, le juge a rendu l’âme au Centre Nganda où il venait d’être conduit par sa famille après qu’il fit un malaise.
Ce 25 mai à l’ouverture des débats, les questions portaient sur les contrats d’acquisition des maisons préfabriquées, sur la procédure du choix de la société Samibo du Libanais Samih Jammal.
Avocat de lui-même, debout devant des micros, la parole toujours aussi tranchée, le directeur de cabinet du Président de la République clame son innocence, explique qu’il n’avait pas participé à cette procédure. «Je veux d’abord laver l’honneur de mes enfants, de ma famille. A quel moment, moi, Vital Kamerhe, j’ai détourné l’argent à la Banque centrale. A quel moment, j’ai dévalisé une banque», réclamant qu’on lui oppose un document qui prouve sa culpabilité.

«On me reproche des détournements de deniers publics. Je voudrais que le procureur puisse démontrer comment j’ai détourné l’argent payé à Monsieur Jammal. Je voudrais savoir quel jour et par quel document, on m’a remis 57 millions de $US?». Comme à la première audience, il explique n’avoir pas été seul superviseur des 100 jours. Quels éléments avaient concouru au choix de Samibo? Il renvoie la responsabilité de ce choix à Justin Bitakwira Bihona-Hayi, à l’époque ministre du Développement Rural.

Le tribunal demande au principal prévenu comment des millions de $US avaient été versés à la société Samibo alors que l’avenant au contrat des maisons préfabriquées n’avait pas encore été signé. Réponse : c’est au ministre du Budget de répondre à cette question. «Je n’ai jamais payé un dollar à qui que ce soit. Je ne suis qu’un directeur de cabinet», explique-t-il.

Sur proposition de la partie civile et du ministère public, le tribunal annonce l’audition de plusieurs témoins dont des ministres. L’avocat de l’Etat demande au juge d’appeler à la barre l’épouse de Vital Kamerhe, Hamida Shatur et de la fille de celle-ci née d’un précédent mariage, Soraya Mpiana Tshituka. Ce qui donna lieu à des violents échanges ponctués de menaces...
D. DADEI.


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