Dans l’Enfer du train de Kasangulu
  • jeu, 28/11/2019 - 03:50

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1473|JEUDI 28 NOVEMBRE 2019.

Depuis la remise en marche, le 14 août, du transport inter-urbain reliant la cité de Kasangulu au Kongo Central à la Gare centrale dans la Capitale, le service SNCC se veut chaque jour au rendez-vous. De lundi à vendredi, les riverains de la ligne de chemin de fer qui passe par les communes de Kisenso, Matete, Limete, Lemba, Mont Ngafula, sont servis à foison...
A 7 heures quand le train siffle son arrivée en gare, tous ceux des communes avoisinantes sont en alerte. Il y a ceux qui s’éloignent du chemin de fer voulant se mettre hors de portée de tout déraillement et ceux attendant le train, le temps de ses deux minutes d’arrêt pour y «prendre place».

REPAS DU SOIR ASSURE...
Sacs en bandoulière, tenues «kata-fumbwa» (accoutrement au pantalon troué), des milliers de jeunes se dressent le long du rail.
Dans les 10 minutes qui suivent le sifflement, le train arrive en gare. Arrêt de deux minutes, pas plus, le temps de laisser descendre ceux qui en descendent. Quand le train referme ses portes et se lance en direction de sa gare terminus, ceux qui n’ont pas réussi à vider les wagons n’ont pas de choix - sauter - quand ceux qui n’ont pu prendre place à bord, se scotchent à qui mieux mieux aux parois, parcourent le chemin suspendus jusqu’à l’arrivée en gare ou lâchent en route quand ils atteignent leur destination. Ils sont ainsi des centaines à quitter le train à l’arrêt Kingabwa Uzam, quartier où le petit commerce fleurit...
A bord, il n’y a guère place à l’agent de l’ordre. S’il est aperçu, nul ne lui donne la moindre importance quand lui, ne paraît vouloir se mêler de rien...
Ce train qui rend service a pourtant pour nom l’Enfer. A bord, chacun y fait sa loi. Un petit marché informel de vente d’alcools frelatés a pris place. La drogue fumée à gogo à la chaîne. Gare à celui qui refuse de se passer une petite fumée. Infiltré, il est exposé à l’opprobre publique. Il n’est pas d’ici...
En chemin, ces milliers de passagers qui, bientôt, vont se déverser en ville, entonnent des cantiques couverts d’insanités quand tout riverain se laisse. Vrai casse-tête pour ces riverains contraire de subir un martyre de lundi à samedi, une semaine durant, entre 7h, heure du passage du train vers la gare centrale et 17h, heure du retour vers Kasangulu.
Si, partir de Kasangulu à Kimwenza revient à CDF 500, la Société Nationale des Chemins de fer du Congo réclame CDF 1000 de Kasangulu à Kinshasa. Une somme dérisoire. Mais qui de ces curieux passagers paierait le parcours? Pas du doute: ici, la SNCC fait, sans le vouloir, du service social...
L’arrivée en gare sonne la surchauffe du centre-ville. Ces corps des métiers - cireur de chaussures, vendeur de cigarettes ou d’eau en sacs plastiques, de biscuits de fabrication inconnue - qui se jettent hors du train tête en l’air, se répandent le long du 30 juin se constituant en mendiants ou en escrocs ou s’évaporent dans les rues et ruelles cahotées des sites infâmes de la vieille ville nauséabonde. Une journée qui permet à chacun de quitter le lieu peu avant le sifflement du train, à 17.00’. CDF 2000 ou 3000 en poche, chacun aura assuré le soir un repas à sa famille avant de revenir le lendemain en chants et danses à bord du train de Kasangulu quand sous l’emprise de l’alcool frelaté, injure aux passants et riverains ont repris.
EMMANUEL LUYATU.


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