Le royaume des rumeurs a repris tous ses droits
  • lun, 08/12/2014 - 04:57

Des allocutions présidentielles constitutionnelles en ce mois de décembre fait flamber les paris des bookmakers.

Le pouvoir est un exercice solitaire. On l’a écrit ici même (Le Soft International, 14 mars 2014). On expérimente chaque jour cette vérité. Après avoir écouté les siens et pris conseil auprès des sages, l’homme d’Etat s’isole, se met loin de tout vacarme décide, seul, en âme et conscience.
Quel malin saura prophétiser ce que le Président de la République dira lundi 15 décembre au pays face aux forces vives de la Nation au Palais du Peuple lors de son adresse sur l’état de la Nation alors que l’hémicycle apprêtera à fermer ses portes aux élus pour trois mois de vacances après l’ultime session parlementaire de 2014 et ce qu’il dira à son pays dans son adresse radio-télévisée consacrée aux vœux qu’il prononcera à la veille de la fête de la Saint-Sylvestre mercredi 31 décembre?
Deux adresses à la Nation prévues par la Constitution (art. 77) au cours de ce mois de décembre, deux occasions que le Président de la République ne manquera pas de saisir pour passer des messages, fixer le cap dans un environnement entaché par le débat sur les fins de mandat en Afrique. Voilà que chez les bookmakers, les paris flambent.

QUE DIRA LE PRESIDENT?
Que dira-t-il? Que ne dira-t-il pas? Qu’annoncera-t-il? Qu’annoncera-t-il pas?
Il y a eu Ouagadougou et il y a eu les déclarations françaises, avant le sommet de la Francophonie - et surtout - devant les Chefs d’Etat lors du discours inaugural du président français couvert par des médias du monde.
«Ce qu’a fait le peuple burkinabè doit faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir a la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel. Parce que ce sont les peuples qui décident. Ce sont les élections qui permettent de savoir qui est légitime et qui ne l’est pas». Même si nombre de délégations ont réagi diversement - de Dakar où le mouvement anti-Wade «Y’en a marre», s’émeut, criant à la récup, à Abidjan et surtout à Kigali connu pour son franc-parler - le problème reste posé. Si aucune Constitution nulle part au monde n’est jamais verrouillée, aucun régime n’a jamais fait fi du peuple et donc du consensus.

ECHEC DU MIMETISME.
Ni en Egypte qui a interrompu une expérience électorale et fait emprisonner un président élu, justifiant sa politique par une majorité agissante anti-Frères musulmans. Ni en Syrie où le président Bachar Al-Assad n’a plus désormais rien à craindre même s’il règne sur un champ de ruines. Au fait, à qui la faute? A ceux qui soutiennent «le tyran» - et qui viennent de massivement lui donner un nouveau septennat - ou à ceux qui voulaient faire du mimétisme en important les mouvements des «printemps arabes» en dépit des contextes? C’est vrai que le régime syrien doit son maintien à son partenariat stratégique avec... Moscou qui l’a soutenu envers et contre tout et à certains voisins.
Il y a jusqu’à l’Algérie où le peuple souhaiterait donner un quatrième mandat à son président, même si Abdelaziz Bouteflika est malade, affaibli, se déplace sur un fauteuil roulant.
Même si personne ne le dit, nombreux sont ceux qui souhaitent que le Chef de l’Etat décide - comme un tyran - alors que la Constitution de la République est explicite. Si le Président nomme le Premier ministre, il le choisit «au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci» (art.78). Il met fin aux fonctions du Premier ministre «sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement» (art. cit).
Comment souhaiterait-on qu’un soir, le Chef de l’Etat fasse lire (à 20h00’ ou 22h00’ au jt de Rtnc) une ordonnance congédiant son Gouvernement en passant outre la Constitution? Comment le Président de la République qui dispose d’une majorité parlementaire confortable toujours prête à s’assumer, pourrait-il la mettre en péril en ouvrant son Exécutif plus que nécessaire? Respecter la Constitution - de l’article 1er à l’article 229 - suppose que toute personne désireuse de faire partie de l’Exécutif fasse au préalable acte d’appartenance à la majorité, et cela doit certainement être constaté par... un informateur.
En dehors de l’existence préalable d’une telle fonction et dans une situation de non démission du Chef du Gouvernement, il paraît, sauf coup d’Etat constitutionnel improbable, inimaginable qu’une ordonnance présidentielle vienne surprendre les Congolais un soir au jt de Rtnc. L’attente de la réalisation de la promesse du Chef de l’Etat peut être longue et provoquer des risques d’AVC, cela ne change rien à la situation.

LA STRATEGIE DE L’OPOSSUM.
Dans l’intervalle, constatons comment le Chef de l’Etat a su mettre en échec toutes les annonces et rumeurs de ces derniers mois exprimées sous forme de pression politique. Kabila dont nul ne sait prédire faits et gestes, aura à la perfection eu recours à la stratégie de l’opossum (stratégie du marsupial) qui consiste à se protéger face à la prédation ambiante que le tennisman Roger Federer a su fin novembre appliquer.
Quand on le croyant souffrant d’un mal de dos, que ses adversaires le voyaient fini, le multi champion de tennis, multi n°1 mondial a, au contraire, installé encore un peu plus haut sa légende en remportant la Coupe Davis achevant de convaincre les plus sceptiques sur le sujet. Rien n’est venu entraver sa quête du Graal et ruiner son projet.
Il est, parmi d’autres, une stratégie de survie très efficace et parfaitement archaïque que nous adoptons parfois, avec ou sans conscience, pour échapper au danger et qui consiste à s’immobiliser et/ou à simuler le mort.
Que l’on soit un animal face à son prédateur ou un homme moderne confronté à une situation inextricable, plusieurs stratégies sont possibles:
- la fuite pour échapper au danger ou fuir une situation que l’on ne peut surmonter. A noter que fuir est bien souvent une preuve d’intelligence et non pas de lâcheté.
- l’affrontement quand on a de bonnes chances de l’emporter ou pour faire face si on est acculé. Bien sûr, notre biologie est toujours prête à nous y aider, par exemple en augmentant notre glycémie, en nous faisant prendre du poids, etc.
- la dissuasion pour dire à l’ennemi que l’on est dangereux. La diversité des armes de dissuasion est infinie: la taille de l’éléphant, la force du taureau, les piquants du hérisson, le venin du serpent, la toxicité de certaines créatures, etc. Quant à l’humain, il a même inventé la force de dissuasion nucléaire. Mais cela peut aussi nous valoir quelques maladies quand notre biologie s’en mêle.
- l’évitement, une stratégie qui prend diverses formes, le mimétisme par exemple pour se rendre invisible. Mais elle consiste souvent à s’immobiliser pour ne pas être repéré par le prédateur et même à faire le mort dans certaines circonstances.

Faire le mort.
Cette stratégie a déjà sauvé d’innombrables créatures depuis la nuit des temps. Mais elle peut aussi nous valoir quelques sérieux blocages existentiels ou des symptômes très handicapants, voire dangereux.
Les animaux usent de ce stratagème pour sauver leur peau. Peut-être l’avez-vous observé un jour où votre chat vous a fièrement rapporté une souris supposée morte qui a profité d’un instant d’inattention du minet pour se carapater. À noter qu’un carnivore ne s’acharne jamais à tuer sa proie s’il la pense déjà morte afin d’éviter que l’odeur du sang n’attire la concurrence. La meilleure façon d’échapper au prédateur est de s’immobiliser pour qu’il ne nous détecte pas. Et si par malheur on se retrouve dans sa gueule, l’idéal est de lui faire croire qu’on est déjà mort. On se fait flasque, on ne bouge pas et on attend une éventuelle opportunité pour s’éclipser. Car bien souvent, le prédateur ne dévore pas immédiatement sa proie: il l’emporte dans un coin tranquille et peut même l’y laisser sans surveillance pour la manger plus tard.

L’opossum.
Le meilleur à ce petit jeu est sûrement l’opossum, un mammifère marsupial d’Amérique de la taille d’un gros chat. Il est insectivore ou frugivore selon l’espèce. Il vit en forêt et sa particularité est de remarquablement savoir faire le mort.
S’il se retrouve dans la gueule du prédateur, l’opossum simule la mort avec un réalisme incroyable. Il se met en léthargie afin de ralentir son rythme cardiaque et le mouvement respiratoire pour se faire discret; il se raidit pour simuler la rigidité cadavérique; il se fait l’œil vitreux et laisse pendre sa langue.
Aussi, il possède une glande qui, en situation de danger, sécrète une substance nauséabonde imitant l’odeur de la putréfaction. Il a ainsi une chance de plus d’échapper au prédateur, ce dernier le croyant impropre à la consommation. Cette spécificité est à classer dans les stratégies de dissuasion. Enfin, l’opossum a ceci de remarquable qu’il n’a pas systématiquement le réflexe de fuite devant le danger: il se couche sur place et met en œuvre tous ces stratagèmes afin que le prédateur passe son chemin, dégoûté par l’aspect et surtout l’odeur de l’opossum: la nature est géniale!

Conséquences.
Dans certaines situations humaines que nous avons le sentiment profond de ne pouvoir ni fuir ni affronter, notre cerveau archaïque peut nous croire en très mauvaise posture, devant le prédateur ou même dans sa gueule, du fait de l’intensité de notre stress et surtout de la spécificité de notre ressenti viscéral. Et bien sûr, parfois, il peut réagir en conséquence. Au plus simple, au niveau psychique et comportemental, il peut nous faire adopter une attitude d’immobilisme, d’apathie, d’aréaction, comme pour nous empêcher de gigoter face au danger. Cela explique pourquoi on peut rester figé dans certaines situations. Mais il peut aussi choisir de mettre en œuvre des solutions plus concrètes. Ainsi par exemple, beaucoup d’évanouissements survenant en cas de stress ont cette utilité. Malheureusement, notre «ange gardien» choisit parfois des solutions beaucoup plus radicales et même mortelles à long terme. Ainsi beaucoup d’hypoglycémies, d’hypothyroïdies ou d’hypotensions ont cette origine conflictuelle (beaucoup ne voulant pas dire toutes), de nombreux cas de fibromyalgies, de neuropathies (scléroses en plaques, syndromes parkinsoniens, etc.), certains symptômes surrénaliens, etc. C’est du moins ce que j’ai constaté. Quant à cette stratégie consistant à émettre une odeur pestilentielle pour dissuader le prédateur, je crois notre biologie capable de la mettre en œuvre dans certains cas. Ainsi, des personnes dégagent une odeur corporelle insoutenable malgré une hygiène parfaite. Dans ce cas, on peut envisager que ces personnes cherchent, au plus profond d’elles, à dissuader un prédateur.

Le prédateur.
Il peut prendre de nombreuses formes. Ce peut être un parent violent, un instit menaçant, un patron tyrannique, un collègue malveillant, un voisin patibulaire, un adversaire politique, etc. Mais il peut aussi être conceptuel: la délinquance, le terrorisme, la concupiscence de l’homme, la maladie, la crise économique ou politique, etc. Mais c’est aussi un mari. Beaucoup de femmes ont viscéralement peur de leur conjoint, à tort ou à raison, avec ou sans conscience. Il est souvent celui qu’on ne peut pas fuir à cause des enfants ou si le divorce est jugé impossible; et celui qu’on ne peut pas affronter à cause de sa force ou de sa violence, potentielle ou effective.
LAURENT DAILLIE.


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