Le Sénateur Guy Loando distribue des bourses d’études aux élèves de sa Tshuapa
  • ven, 13/12/2019 - 06:32

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES. Le Soft International n°1475|VENDREDI 13 DECEMBRE 2019. Sénateur élu de la Tshuapa - l’une des cinq provinces de l’ex-Grand Equateur démembré (Nord et Sud Ubangi, Equateur, Mongala, Tshuapa), président du Groupe provincial de la Tshuapa à la Chambre haute du Parlement, Me Guy Loando Mboyo fait figure d’un de ces hommes politiques du pays soucieux de sa province d’origine, ayant placé celle-ci au centre de ses préoccupations. Il dispose d’un outil, la Widal Foundation, sans aucun doute la seule à s’être déployée dans une province qui vit la précarité en temps réel. La Tshuapa est dépourvue de tout. Au plan d’accès, elle n’a ni aéroport, ni piste d’atterrissage aux normes, ni le moindre centimètre de route bitumée. Le transport fluvial est aux arrêts, depuis des lustres, ce qui a laissé place à des baleinières de fortune appelées «Ibora» - autres «esprits de mort» - qui circulent dans les différents cours d’eau à la base de noyades et de deuils. L’eau potable n’existe pas et, du coup, le robinet. Quant à la desserte en électricité, elle reste un lointain rêve. Le niveau de l’éducation est des plus bas du pays. Il n’existe ni structure universitaire moderne, ni un quelconque type d’enseignement supérieur aux normes. Autre infrastructure parmi tant d’autres faisant défaut : la prison. Si la Tshuapa dispose des lieux de détention de personnes condamnées par la justice, celles-ci s’entassent dans des baraquements aux conditions déplorables. La charité bien ordonnée commençant par soi-même, le Sénateur Guy Loando Mboyo s’est senti le devoir de voler au secours de sa province. Face à l’immensité des périls auxquels fait face la Tshuapa, s’il faut apporter une réponse, deux questions se posent: comment faire de la manière la plus appropriée et par où commencer, de la manière la plus appropriée. Invité de l’émission Top Presse de Top Congo FM, le Sénateur qui veut «participer à l’émergence de la dignité humaine dans sa province» en contribuant «de manière sensible au changement qualitatif de la vie des Tshuapois et des Tshuapoises, y compris celle des Congolais en général», s’en est longuement expliqué dans ce programme d’une heure diffusé samedi 7, dimanche 8 et lundi 9 décembre. Le Soft International a choisi les meilleurs moments de cette «émission examen» ainsi que son concepteur, l’animateur principal Christian Lusakueno la surnomme. Pour celui qui prône le travail et l’empathie, il s’est agi de mettre en vitrine les actions d’une Asbl qu’il a créée en 2018 avec son épouse Déborah Linda Loando en suscitant de nouveaux partenariats en vue de l’efficacité de l’œuvre entreprise. Que signifie l’acronyme Widal? Pourquoi Widal? W c’est Winnie, le nom de ma fille aînée; I c’est Isaac, le nom de mon fils; DA c’est Davinat, le nom de ma deuxième fille; L c’est Loando, notre nom de famille. Pourquoi migrer vers la politique? Le statut d’avocat ou de président d’Asbl n’était plus tenable? Je suis avocat d’affaires mais dans ce statut, face aux enjeux, le champ d’actions est très limité. Comme avocat, on travaille pour soi-même. On s’auto-sert pour ainsi dire et on ne peut aller au-delà. De même comme président de fondation. Une fondation est une Asbl. La mienne est née d’une grande motivation: affronter les problèmes, leur trouver des solutions pour la Tshuapa et aussi pour d’autres provinces, l’Equateur et Kinshasa par exemple tant qu’il est possible. Mais là aussi, la fondation n’élabore ni les lois, ni le budget de l’Etat. Elle ne prend part à aucun débat politique et ne contrôle pas l’action de l’Exécutif. Là aussi, notre marge de manœuvre est limitée. Or, j’ai une ambition, une vision pour le peuple de la Tshuapa. Du coup, j’ai voulu aller au-delà, œuvrer dans une sphère beaucoup plus élaborée au lieu de me limiter à mon statut d’avocat ou celle de président d’une Asbl. Ma position au Sénat me donne en effet l’opportunité de participer au grand débat national qui porte sur la définition des politiques publiques allant dans le sens de l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens. La seule et l’unique motivation de mon engagement en politique est servir. Je suis et reste un homme sans couleur politique. La politique ne porte pas sur des questions de business ou d’affaires personnelles. La politique débat de l’intérêt général. Comme Sénateur de la République, je me suis positionné pour prendre part à ce débat national. Nul n’a d’obligation légale à aider les gens. Pourquoi l’intérêt général? D’où vient cet élan de solidarité envers les plus faibles qui apparaît dans ces œuvres caritatives de Widal Foundation? Il existe une force intérieure dans chacune des personnes que l’on ne peut expliquer. Mais il est clair que ce n’est pas par l’école que l’on apprend comment aider les gens. Votre éducation, votre parcours, l’environnement dans lequel vous avez vécu, tout cela forge en vous cette personnalité qui va se matérialiser dans votre vie active, à travers vos actions et vos décisions. Je pense donc que l’ensemble de l’éducation que j’ai reçue de mes parents, de mon parcours scolaire, académique, de mes amis, des gens que j’ai fréquentées, de mon environnement, etc., tout cela fait de moi ce que je suis aujourd’hui, avec cette envie de servir les autres. Quelles sont les œuvres que Widal a, à ce jour, réalisées? La Widal Foundation érige à Boende un stade de 10.000 places dont 2.500 places assises. Accompagnée par la Fondation Mutombo Dikembe (de l’ex-basketteur américain d’origine congolaise, ndlr) et par certaines institutions financières, telle la Rawbank, nous travaillons à l’approvisionnement de la province en eau potable. Une commande de machines de la technologie américaine Aquatap a été lancée pour une eau non seulement potable mais moins chère, environ US$3/an. Il avait été prévu que ces installations soient sur site avant fin 2019. Nous construisons et réhabilitons des écoles - tel le groupe scolaire Liziba à Mbandaka où j’ai effectué une partie de mes études - et travaillons à l’octroi des bourses d’études à des jeunes diplômés des examens d’Etat. Je viens de lancer une bourse d’études dénommée Mboyo Loando Pierre (du nom de son père, ndlr) dont la cérémonie a eu lieu à Kinshasa en présence de la notabilité de la province, le gouverneur Bongo Pancrace, des députés et des sénateurs, etc. Nous avons sélectionné les lauréats aux examens d’Etat dans les six territoires de la Tshuapa logés, nourris, tout frais académique pris en charge par la Fondation jusqu’à la fin de leur cursis. Dans le secteur de la santé, la Tshuapa compte 12 hôpitaux généraux de référence dont six datant de l’époque coloniale mais toutes ces infrastructures sont en état de délabrement total. La Tshuapa ne dispose pas de dépôt pharmaceutique moderne. Du coup, pénurie en produits pharmaceutiques. Partant de ce constat, nous avons lancé un projet. Il s’agit, par des acquisitions, non seulement d’appuyer les hôpitaux présents mais aussi de voir comment doter la province des centres de santé modernes. A propos de centres de santé, la Tshuapa en compte 244 dont environ 10 peuvent être considérés en état de viabilité pour une population de 2.500.000 d’habitants. Nous avons acquis des concessions foncières, au total près de 600 ha à Boende et à Bokungu. Nous y créons des villages écologiques. Nous voulons encourager la population à faire de l’agriculture. Jadis, la contrée regorgeait de très grandes plantations d’hévéa, de palmerais et était connue dans la culture du riz. Aujourd’hui, tout est à l’arrêt. Nous voulons redynamiser l’agriculture en encourageant les populations à rentrer dans les champs, à cultiver le maïs, le manioc, etc., afin d’assurer une autosuffisance alimentaire. Tout le monde, de partout, fait la manche, la misère et la pauvreté sont réelles. Mais ces Congolais ont de la force. Certains ont fait des études. Il suffit de leur donner du travail. Le projet de redynamisation de l’agriculture est très ambitieux. Il requiert des professionnels capables d’exécuter cette vision avec efficacité. Donc des études préalables. Parlons financement. Où en trouver pour réaliser autant d’ouvrages philanthropiques? Il existe des banques, des fonds d’investissement sur place et à l’étranger prêts à intervenir. Tout est question de soutenabilité, de transparence des actions menées, de bonne gouvernance. La Fondation Widal dispose de partenaires stratégiques solides au national et à l’international. La Rawbank, la Fondation Mutombo, l’INPP (Institut national de préparation professionnelle, ndlr), etc., sont au nombre de ces partenaires qui nous font confiance et nous accompagnent. A son lancement, la fondation avait pris soin de s’équiper d’outils nécessaires et efficaces de gestion. Ce qui pousse les personnes et les organismes désireux d’investir dans la philanthropie de nous soutenir en signant des partenariats stratégiques avec nous. La Rawbank a accepté le programme d’octroi de crédits à nos membres. L’INPP assure la filière de formation professionnelle de nos membres. Mais pour des raisons de transparence, nous avons diligenté un audit de nos actions. Il faut de la traçabilité dans tout ce que nous entreprenons. Pour cela, nous travaillons avec des cabinets d’audit locaux. Nous n’improvisons rien. Tout découle d’une planification. En fin d’année, pour ces raisons de transparence, la Widal va publier un rapport annuel 2019 et projettera les détails de nos actions en 2020. Quand vous faites montre de sérieux, les partenaires financiers et techniques suivent car vous rassurez vos partenaires. Construire un stade, est-ce la priorité? Dès qu’il est terminé et homologué, le stade va apporter du tourisme et le tourisme va ouvrir la province à l’extérieur, ce qui va booster le secteur d’hôtellerie. Du coup, on va assister au désenclavement de la province. Réhabiliter le siège de l’Assemblée provinciale, cela intéresse-t-il la population? Dans ce cas, il s’est agi de compléter l’action de l’Exécutif. Nous ne nous substituons nullement au gouvernement. Il a fallu pour la Fondation réhabiliter un édifice public selon ses ambitions et selon son planning. Nous avons, dans le cadre d’infrastructures publiques, plusieurs autres soucis. C’est le cas de l’élargissement de la piste aérienne de Boende, la piste actuelle ne pouvant accueillir des avions gros tonnage et cette situation n’aide pas au développement de la contrée. Mêmement pour le dépôt pharmaceutique. Il faut travailler à en construire un. Tant qu’il est possible, il nous faut appuyer l’action de l’Exécutif. Qui trop embrasse mal étreint. Plutôt que d’identifier un secteur, se focaliser sur ce secteur, en assurer le suivi, pourquoi vouloir s’éparpiller? Nous ne nous éparpillons pas. Nous sommes bien organisés. Nous avons des équipes. Je ne suis que le Président. Ces équipes sont très efficaces dans la gestion des projets. Nous avons un plan d’actions précis. Nous avons pu identifier les besoins de chaque coin et nous y apportons tant soit peu des solutions en complétant l’action gouvernementale. A Kinshasa par exemple, on trouve des routes; à la Tshuapa, il n’en existe aucune. À Kinshasa, il y a des écoles; à la Tshuapa, il n’en existe, à proprement parler, aucune au vrai sens du mot. Sur les 3700 écoles recensées, à peine dix peuvent être appelées écoles. La construction du stade est liée au divertissement. Un stade apporte du tourisme et, je l’ai dit, aide à faire décoller la contrée. A Kinshasa, par exemple, nous comptons plus de 37.000 membres qui suivent effectivement une formation à l’INPP. Mais environ 5000 membres sont identifiés et disposent d’une carte de membre. Nous voulons faire de ces personnes formées une main d’œuvre de la Widal Foundation par un système de mutualisation. Aussitôt que la formation a pris fin, les bénéficiaires deviennent des partenaires de la fondation Widal, des bailleurs de fonds de la fondation qui vont commencer à cotiser en donnant ainsi les moyens à la fondation. Il en va de même pour ceux qui bénéficient du crédit bancaire de la Rawbank. Aussitôt qu’ils ont eu ce pouvoir d’achat, ils se mettent à produire et, du coup, à cotiser à la fondation Widal. Nous voulons responsabiliser ces hommes et ces femmes. Depuis janvier 2019, la fondation a créé un total de 425 emplois temporaires et permanents dont 105 directs et près de 300 indirects. Avec la construction du stade de la Tshuapa, nous avons créé des emplois temporaires (le personnel pour l’entretien de l’ouvrage, la brigade de surveillance, etc.). Quant aux emplois permanents au niveau de la province, il faut noter le recrutement des enseignants. Outre les soins de santé, la protection de l’enfant, la résorbassions de la pauvreté, la Widal Foundation encadre également ses membres sur le changement de mentalités en les initiant à la moralisation. Tout le monde fait ce qui est énoncé. Le résultat n’est pas toujours au rendez-vous. La pauvreté reste présente. Quelle particularité a Widal en vue de l’atteinte de ses objectifs? S’il y a cette politique de mutualisation et, en accordant du pouvoir d’achat à nos membres et grâce à la formation et grâce à nos points focaux, la personne ne disparaît pas dans la nature. Donc, politique d’encadrement, d’accompagnement, de moralisation, voilà qui permet d’atteindre du résultat en résorbant le chômage, donc la pauvreté. Nous pensons que par cette politique, Widal apporte une originalité propre. N’y a-t-il pas une ambition cachée derrière cette envie de la Widal Foundation? Mon ambition cachée est de concourir ensemble avec les gouvernants à ce grand débat politique qui consiste à changer le destin de la population congolaise. Il s’agit de changer le destin de la population congolaise. Il n’en existe pas d’autres. Au Congo, tout commence par une ONG et cela débouche sur un parti politique. Widal Foundation a-t-elle le même destin que toutes les autres Asbl ou ONG? Je vous laisse la latitude d’affirmer ce que vous voulez. Le passage du privé au politique porte forcément des ambitions. Cette trajectoire est évolutive. Hier j’étais parmi les avocats. Aujourd’hui, je suis au Sénat... Quand une Asbl réunit 37.000 membres dont 5.000 encartés, comme c’est le cas de Widal, cela donne une base politique importante et tentante... Au départ, quand on a créé la fondation ce n’était pas pour la politique. Ce fut pour l’entrepreunariat, les questions de santé, de sécurité alimentaire, etc. Comme fondation, nous nous focalisions sur ces secteurs. En ce moment, comme je viens de le dire, j’évolue dans un environnement hautement politique qui n’a rien à voir avec la Fondation. Je dirais, tout est dynamique dans la vie. Sur les lois actuelles portant sur les Asbl. S’agit-il des lois liberticides, comme on a eu à entendre? Qu’en pense l’avocat, le philanthrope? Il faut que chacun fasse son travail. Nous comme Widal, nous constatons et nous agissons. Nous ne sommes pas là pour insulter les gouvernants. Il faut dire que très souvent, le fait précède le droit. Quand on amène la prospérité dans une province, cela ne gène-t-il pas l’autorité locale, ne crée-t-il pas des frustrations, donc des problèmes... Au contraire, les autorités locales et tous les hommes politiques locaux sont au contraire heureux de nos actions. Que chacun de nous fasse ce qu’il peut... Que penser du budget 2020 de US$ 10 milliards? Réaliste, utopique? Ce n’est pas une question de 10 ou 20 milliards de dollars. C’est une question de réformes, de vraies réformes, appuyées par une vraie volonté politique à mettre en œuvre. Derrière ce budget, existe-t-il une volonté politique qui permette de lever les fonds sur les marchés extérieurs? Votre question porte sur la soutenabilité, la crédibilité des politiques. Que pense le parlementaire des dépassements des crédits affectés, de ces institutions budgétivores? C’est une question de transparence, de bonne gouvernance, une meilleure affectation. Je n’ai pas d’autres commentaires à faire. Comment et pourquoi expliquer l’apolitisme? Pourquoi ne pas s’engager derrière un groupe? Je suis au Sénat avec ceux qui n’ont qu’un seul souci: résorber le chômage, combattre la pauvreté, améliorer les conditions de vie des populations. Je suis avec ceux qui, jour et nuit, travaillent à l’amélioration des conditions de vie des Congolais. La vraie majorité c’est celle qui se préoccupe des besoins réels de la population. C’est mon cheval de bataille. Que penser du débat opposant la coalition au pouvoir, FCC et CACH? Du choc des idées jaillit la lumière. J’apprécie ce débat puisqu’il est démocratique. Toutes les nations du monde vivent ce débat. Tant que cela se déroule dans un cadre républicain, j’applaudis. Je déteste néanmoins des attaques individuelles. Est-ce le Sénateur qui influe sur le président de Widal ou le contraire? C’est le président de Widal qui influe sur le Sénateur. C’est le président de Widal qui a produit le Sénateur. Le Sénat chapeaute tout mon être. Retranscrit par DEBORAH MANGILI.


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