Tshimbombo Mukuna condamne les propositions osées de Minaku
  • lun, 13/07/2020 - 02:47

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1492|LUNDI 13 JUILLET 2020.

Tshimbombo Mukuna condamne les propositions osées de Minaku qualifiées de «positionnement partisan»

Il a tenu à apporter sa partition au débat qui captive ces dernières semaines la classe politique et les populations congolaises.
Sénateur honoraire, cet homme de référence dans notre pays, depuis les années Mobutu, l’un des auteurs de la Constitution du 18 février 2006, a donc pris le 6 juillet 2020 son stylo pour partager des convictions en rapport avec les propositions de lois présentées par Aubin Minaku Ndjalandjoko et Gary Sakata, tous deux députés proclamés sur les listes de l’ex-province de Bandundu.

D’entrée de jeu, Jacques Tshimbombo Mukuna, très remonté, qualifie les propositions de lois conduites par Minaku d’anticonstitutionnelles allant dans le sens de la colère qui se déploie dans les rues du pays comme à l’étranger, «arbitraires, inopportunes et contraires à l’ordre public et, par conséquent, elles doivent être retirées».
«Les initiateurs de ces propositions des lois ont, de manière manifeste, violé la Constitution de la République Démocratique du Congo, au point qu’il est impérieux de les retirer purement et simplement au lieu de différer leur examen à la session parlementaire de septembre prochain», écrit le sénateur honoraire.

Pour qui, «les représentants du peuple doivent plutôt chercher à prendre des lois de protection du peuple et dans l’intérêt de celui-ci, et non des lois d’intérêt de positionnement partisan, taillées sur mesure», cogne-t-il avec toute sa force. Il souligne des propos du Président de la République et s’interroge «si ses propos sont ceux d’un diviseur ou d’un militant combatif et belliqueux?» Evoquant le rôle du Président de la République, Jacques Tshimbombo Mukuna écrit que son de gardien de la Constitution, est de rappeler quiconque à l’ordre et «c’est ce que le Président de la République fait et continuera de faire». Texte ci-après en intégralité.

De leur inconstitutionnalité.
Les initiateurs de ces propositions des lois ont, de manière manifeste, violé la Constitution de la République Démocratique du Congo, au point qu’il est impérieux de les retirer purement et simplement au lieu de différer leur examen à la session parlementaire de septembre prochain.

Déjà, dans le préambule de la Constitution de la République Démocratique du Congo, le constituant a affirmé la volonté de notre peuple de bâtir, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit. Il a considéré que l’injustice avec ses corollaires, l’impunité, le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, le clanisme et le clientélisme, par leurs multiples vicissitudes sont à l’origine de l’inversion générale des valeurs et de la ruine du pays.

Il a consacré la séparation des trois pouvoirs traditionnels (exécutif, législatif et judiciaire) et, en même temps, consacré l’indépendance du pouvoir judiciaire qu’il avait verrouillé à l’article 220 alinéa 1 et 2 de la Constitution ainsi libellé: «la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle». Si l’interdiction est faite par le constituant de réviser la Constitution sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, toute loi visant à la réduire est inconstitutionnelle.

De la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Il ressort des dispositions de l’article 149 de la Constitution, tel que modifié par l’article 1er de la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif (al.1). Ce pouvoir judiciaire est dévolu aux cours et tribunaux…. (al. 2) Si, à l’article 151 de la Constitution, le constituant a expressément disposé que le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice, cela s’entend de ce que, à l’article 70 de la loi organique no 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, le législateur a reconnu au Ministère public un pouvoir d’injonction sur le ministère public en des termes non équivoques.

En effet, cette disposition est libellée comme suit : «les Officiers du Ministère public sont placés sous l’autorité du Ministre ayant la justice dans ses attributions». Celui-ci dispose d’un pouvoir d’injonction sur le parquet. Il l’exerce en saisissant le procureur général près la Cour de cassation ou le procureur général près la Cour d’appel selon le cas, sans à avoir à interférer dans la conduite de l’action publique.

De là, analyser la mise du parquet sous l’autorité du Ministre de la Justice, pour caporalisation des magistrats du Ministère public en vue de leur donner des ordres en dehors du cadre susvisé, notamment demander des dossiers en communication, chercher à décider ou non de la poursuite ou mise en mouvement de l’action publique, recevoir rapport des magistrats du parquet, est une flagrante violation de la Constitution. Car le cadre légal du pouvoir d’injonction se limite au pouvoir lui reconnu de donner injonction au parquet uniquement pour la mise en mouvement de l’action publique. Toute autre considération énerve la Constitution dans ses dispositions susvisées.

En effet, le magistrat du parquet fait partie du pouvoir judiciaire et est régi par la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la loi organique no 15/014 du 1er août 2015 tant pour sa carrière que pour le régime disciplinaire lui applicable, lesquels relèvent des attributions reconnues au Conseil supérieur de la magistrature, organe de gestion du pouvoir judiciaire dont la composition est déterminée par l’article 152 de la Constitution, dans laquelle le Ministre de la Justice n’y est pas repris. Y déroger par une loi organique constitue, ni plus ni moins, une énième violation de la Constitution.

Ce qui ressort également de l’article 82 de la Constitution, lequel a conféré au seul Président de la République, le pouvoir de nommer, de relever de leurs fonctions et de révoquer, par ordonnance, les magistrats de siège et du parquet sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature.
Le parquet ne peut pas être soustrait du pouvoir judiciaire, car il est institué près chaque juridiction, par la loi organique n° 13/011-B portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire et pour les raisons, ci-haut, développées.

De l’inopportunité du vote des propositions des lois initiées par les députés Minaku et Sakata.
L’Etat de droit suppose aussi la stabilité des textes législatifs déjà votés et publiés.
Comme indiqué dans le préambule de notre Constitution, le peuple, représenté par ses députés et sénateurs, qui l’ont votée en déclarant solennellement être conscients de leurs responsabilités devant Dieu, la Nation, l’Afrique et le monde, s’est exprimé par les mouvements de descente à la rue, observés à travers le territoire national, et en demandant à ses représentants de respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire conformément à la Constitution qu’il a adopté par référendum.

Vu le désordre lié aux manifestations de la population, il apparaît clairement que les propositions de ces lois sont contraires à l’ordre public et arbitraires en ce qu’elles n’ont pas reçu un avis régulier du gouvernement pendant cette période de l’Etat d’urgence lié à la Covid-19, décrété par le Président de la République.

Aucune urgence n’impose leur examen avec célérité, car l’effort de tous en ce moment est requis pour combattre cette pandémie à coronavirus. Les représentants du peuple doivent plutôt chercher à prendre des lois de protection du peuple et dans l’intérêt de celui-ci, et non des lois d’intérêt de positionnement partisan, taillées sur mesure.
Il en ressort que les propositions des lois initiées par ces députés nationaux sont inconstitutionnelles, arbitraires, inopportunes et contraires à l’ordre public et par conséquent, elles doivent être retirées.

Observation sur l’article 220 de la Constitution.
Le nombre et la durée du mandat du Président de la République ne constituent pas la seule matière verrouillée dans l’article 220 de la Constitution de la République. Le verrouillage de cet article porte sur plusieurs matières comme susmentionné. Placés devant l’impossibilité de modifier l’article 220, certains députés usent de la ruse, un peu comme Ulysse, pour le vider sournoisement de sa substance et en faire, in fine, une coquille vide. C’est un jeu dangereux et malsain auquel un élu du peuple n’est pas censé se prêter. C’est une forme d’escroquerie à l’endroit du peuple.

Pour la position du Président de la République concernant les trois propositions des lois.
Dans son allocation du 29 juin dernier, le Président de la République a loué les efforts de la justice tendant à recouvrer son indépendance, en ces termes : «Les avancées enregistrées l’ont été au prix des sacrifices extrêmes. Elles ne peuvent pas être annihilées par des manœuvres d’arrière-garde qui s‘observent chez certains de vouloir légiférer pour déposséder le Conseil Supérieur de la Magistrature du pouvoir judiciaire qu’il détient pourtant par la Constitution».

«La justice est pour un Etat ce que le sang est pour le corps humain. Voilà pourquoi, j’estime que les réformes dans ce secteur doivent être dictées, non pas par le souci de s‘assurer une protection d’une personne ou d’un groupe de personnes, mais plutôt par le souci d’apporter plus d’efficacité et d’efficience au fonctionnement de la justice». Ces propos sont-ils ceux d’un diviseur ou d’un militant combatif et belliqueux? Concernant la justice, quels propos peut-on attendre du gardien de la Constitution et garant du bon fonctionnement des institutions de la République, si ce ne sont ceux-là ? En même temps qu’Il est tenu de respecter la Constitution de la République, le Président de la République, Chef de l’Etat, veille à son respect par tous les citoyens et toutes les citoyennes de la RDC.
Si quelqu’un ose aller contre ou la bafouer, le rôle du gardien est de le rappeler à l’ordre. C’est ce que le Président de la République fait et continuera de faire.

Le serment qu’Il a prêté est, du reste, clair à ce propos : «Elu Président de la République Démocratiquement du Congo, je jure solennellement devant Dieu et la Nation d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République…».
Au moment où le pays a besoin d’apaisement, où note peuple aspire à respirer, les agitateurs et diviseurs sont appelés à demeurer aphones.
Fait à Kinshasa, le 6 juillet 2020
TSHIMBOMBO
MUKUNA JACQUES

Sénateur Honoraire.


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