Le martyre des réfugiés congolais d’Ouganda chavirés sur le lac Albert
  • ven, 11/04/2014 - 03:08

A la suite de la catastrophe survenue sur le Lac Albert samedi 22 mars 2014, le ministre Richard Muyej Mangez Mans en charge de l’Intérieur et de l’Administration du territoire s’est adressé à l’Assemblée nationale mercredi 9 avril lors de la séance de questions d’actualité à l’initiative du Dép. Mayamba Serge Massaka (UDPS, opp.). Rappelons que cette catastrophe a fait plus de 200 morts dont 132 corps repêchés. Ces personnes sont des réfugiés congolais résidant en Ouganda qui avaient décidé de regagner le pays. Extraits.

Les conflits récurrents que la République Démocratique du Congo a connus depuis 1996 ont provoqué des mouvements massifs des populations tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national. Le plus grand nombre des réfugiés congolais de la Région des Grands Lacs se situe en République d’Ouganda, soit 175.498 réfugiés congolais, où ils vivent dans des différents camps.
Dans les pays voisins, la situation de réfugiés congolais se présente comme suit :
- République du Rwanda: 72.000;
- République Unie de Tanzanie: 64.167;
- République du Burundi:43.118;
- République du Congo: 31.936;
- République du Soudan du Sud: 13.781;
- République Centrafricaine: 13.765;
- République de Zambie:8.480;
- République d’Angola: 7.092.
En terre ougandaise, les réfugiés congolais sont arrivés en trois vagues successives:
- entre 1997 et 2000 en provenance de Rutshuru et Masisi dans le Nord-Kivu ; KABARE, KALEHE et UVIRA dans le Sud-Kivu et de l’Ituri;
- en 2009 pendant l’insurrection du CNDP, en provenance de la Province du Nord-Kivu, plus précisément de RUTSHURU et MASISI;
- et entre juillet et décembre 2013, de BENI, par différents points d’entrée de la frontière, dans le District ougandais de BUDIBUGYO, où 66.000 Congolais ont fui l’attaque, par des éléments armés de ADF/NALU, de la localité de KAMANGO, chef-lieu de la Chefferie de WATALINGA, Territoire de BENI en Province du Nord-Kivu. Le camp de KYANGWALI, d’où sont partis les naufragés du 22 mars 2014, est situé dans le District de HOIMA, à une dizaine de km du Lac Albert.
Par rapport au bilan, les informations recueillies auprès du Commissaire de District, du Commandant de la Police de BUNDIBUGYO, du Représentant de l’office du Premier Ministre et du Commandant de la Croix Rouge ougandaise font état de:
- 41 rescapés dont 17 ont d’abord été hospitalisés à BUNDIBUGYO Hospital avant de gagner le camp de Transit de BUBUKWANGA, les autres étant retournés au pays. Parmi eux, on compte 12 hommes, 11 femmes, 5 jeunes filles et 13 jeunes garçons;
- 109 corps repêchés dont 86 ont été remis aux autorités congolaises de Nobili, à savoir au Mwami SAA MBILI BAMUKOKA pour inhumation, et 23 autres corps repêchés 72 heures après le naufrage, non réceptionnés par le Mwami suite à leur état de décomposition très avancé, ont été enterrés par les autorités ougandaises au cimetière de BUNDIBUGYO Hospital;
- 101 corps n’ont pas été, jusqu’à notre départ de l’Ouganda, retrouvés et déclarés.
La mission gouvernementale de haut niveau dépêchée par le Gouvernement de la République, à la suite du naufrage du 22 mars 2014, visait à comprendre ce qui s’est réellement passé, à consoler et réconforter nos compatriotes, ainsi qu’à évaluer la catastrophe en vue d’une prise en charge adéquate. Cette mission comprenait quatre membres du Gouvernement, un Député national élu de KAMANGO, le Gouverneur de Province du Nord-Kivu ainsi que des experts nationaux et provinciaux.
Pour son déploiement sur terrain, la mission a suivi deux axes. M. le Ministre en charge de l’Action humanitaire et celui de l’Agriculture ainsi que le Député national élu de KAMANGO, l’Honorable Albert BALIESIMA et le Gouverneur de Province se sont rendus à KAMANGO et NOBILI où ils ont rencontré et assisté quelques rescapés, et se sont inclinés sur les tombes de nos compatriotes dont les dépouilles avaient été repêchées des eaux du Lac Albert.
M. le Vice-Ministre des Affaires Etrangères et moi-même avions fait le déplacement de Kampala pour nous enquérir auprès de nos homologues Ougandais des circonstances exactes du drame, et rendre visite à nos compatriotes dans le camp des réfugiés, directement frappé par le deuil. Soit dit en passant, les deux missions ont bénéficié, pour leur transport, de l’appui en avions et hélicoptère, de la MONUSCO à qui je présente les remerciements du Gouvernement.
La mission avait pour assignations de:
- connaître les conditions de départ des réfugiés du camp et d’établir les responsabilités;
- connaître les conditions d’embarquement et d’en établir les responsabilités;
- connaître l’itinéraire exact retenu pour les candidats au retour;
- connaître le nombre de personnes embarquées, de personnes décédées, des rescapés et des disparus;
- connaître les lieux et conditions d’inhumation des corps récupérés;
- assurer une première prise en charge des rescapés;
- apporter un message de réconfort à nos compatriotes réfugiés, aux familles éprouvées;
- finaliser le programme avec la partie ougandaise et le HCR sur les modalités de rapatriement de nos compatriotes réfugiés;
- prendre les mesures qui s’imposent pour éviter la survenance d’un tel malheur.
De prime abord, il y a lieu de noter que le rapatriement des réfugiés congolais se trouvant dans les pays limitrophes est réglé par des Accords tripartites conclus entre la RDC, les pays d’accueil des réfugiés et le Haut- Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Avec l’Ouganda, l’Accord tripartite Ouganda-RDC- HCR a été signé, le 29 octobre 2010, à Kampala; et les Modalités pratiques pour le rapatriement des réfugiés de la RDC vivant en Ouganda, ont été convenues en date du 29 juillet 2011 à Kinshasa.
Au dernier dénombrement, il y a 175.498 réfugiés congolais en Ouganda, localisés comme suit:
- Camp de Rwamanja: 57.288;
- Camp de Kyangwali: 35 059;
- Camp de Nakivale: 31.861;
- Camp de Kyaka II: 19.740;
- Rhino Camp et Koboko: 4.638;
- Camp d’Oruchinga: 2.326;
- Camp de Kiryandongo: 100;
- Camp Adjumani:7;
- et 24.479 réfugiés urbains habitent la Ville de Kampala.
Les intentions de retour de nos compatriotes réfugiés en Ouganda sont une évidence. Tous, alors tous, voudraient bien regagner leur mère patrie. C’est dans ce cadre que va se tenir du 28 au 30 avril 2014, à Kampala, la Tripartite Ouganda-RDC-HCR, laquelle va définir un calendrier de rapatriement. Avant tout rapatriement, il est prévu, entre autres, la récolte des intentions de retour par l’Ouganda et le HCR, et le partage avec la République Démocratique du Congo, notre pays, de ces informations. Nous espérons obtenir ces informations à l’issue de la prochaine Tripartite.
Les réfugiés congolais ont pris place, en date du 22 mars 2014, à bord d’une embarcation d’une capacité étonnamment de 50 places, de type pirogue motorisée appartenant à des pécheurs, à l’insu des autorités ougandaises et sans assistance du HCR.
Il n’y avait donc pas à proprement parler de manifeste lors de l’embarquement. Les passeurs qui les ont pris seraient des pêcheurs. Toutefois, une tentative de reconstitution des faits a permis aux autorités ougandaises et au HCR, d’évaluer leur nombre à 251. Les chiffres donnés par la partie ougandaise devront encore être confirmés après une vérification minutieuse au camp d’où étaient partis les candidats au retour, à savoir le camp de KYANGWALI.
Une compatriote rescapée se trouvant à KAMANGO parle, elle, de 292 passagers. Et quand on considère ce nombre, on comprend facilement l’origine des 251 morts et disparus avancés.
Quant aux circonstances réelles de leur départ, les différentes sources recoupées nous permettent d’affirmer que le retour a été spontané. En fait, les réfugiés congolais, informés de la victoire des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, FARDC en sigle, sur les rebelles ougandais ADF/NALU, ont décidé de retourner dans leurs milieux d’origine. Nos compatriotes réfugiés en Ouganda qui suivent au jour le jour la marche victorieuse de nos Forces armées sur les forces du mal, sont impatients de regagner la terre de leurs ancêtres voulant à tout prix recouvrer leur dignité. C’est pourquoi certains d’entre eux avaient déjà pris une embarcation semblable pour rejoindre le port de pêche de NTOROKO, en contournant les postes de police, afin d’atteindre la frontière de la RDC par voie terrestre. Ce convoi, qui avait servi d’exemple aux naufragés et conforté leur position, avait atteint sa destination sans accroc, avec 141 personnes, selon les sources de la Colonie congolaise de l’Ouganda.
Il est clair que ce serait un outrage fait à la mémoire de nos frères victimes du naufrage que de chercher à évoquer des leçons de prudence, alors que leur détermination à rentrer au pays montre à quel point ils étaient attachés au Congo et combien leur patriotisme ne pouvait être arrêté par aucun obstacle, fût-ce le péril de leur vie. C’est cet attachement à la mère patrie que nous retiendrons de leur courage, qui les a rendus prompts à affronter n’importe quel danger.
Ils en avaient marre de devoir se soumettre aux procédures exigées par le pays d’asile ainsi que la Tripartite, et pourtant celles-ci montrent à quel point elles sont utiles pour la sécurité de tous. Quant aux circonstances de leurs morts, le fait que 251 personnes soient embarquées dans une pirogue de 50 places pose déjà un problème de surcharge, de surnombre des passagers ainsi que de manque de sens de responsabilité, voire de qualification des piroguiers. Les officiels ougandais ont confirmé cette évidence. à ces causes, il faudra ajouter, selon des rescapés, l’état vétuste de l’embarcation.
Cette embarcation est partie d’un port de pêcheurs situé à SEJONJO, à une dizaine de kilomètres de KYANGWALI en territoire ougandais, avec pour destination, un autre port de pêche de NTOROKO, toujours sur les côtes ougandaises.
La catastrophe est survenue dans l’espace territorial ougandais du Lac Albert, plus exactement à KITEBERE, à cause de la surcharge qui a fait chavirer la pirogue.
Dès l’annonce de l’accident, la marine ougandaise s’est déployée sur ce lac et a réussi à ramener au sol les 41 rescapés et les 109 corps retrouvés.
Pour les 101 autres corps non encore retrouvés, les populations riveraines ainsi que les différents services ont été sensibilisés pour signaler toute récupération éventuelle de corps sur le lac, après suspension des recherches.
C’est le moment d’avoir le courage de nous interpeller sur notre capacité réelle d’intervenir efficacement face à des catastrophes de ce genre.
Dans le pays d’accueil, l’Ouganda dans le cas d’espèce, le Gouvernement congolais ne peut avoir de pouvoir pour assurer la sécurité de ses ressortissants réfugiés.
Selon les normes internationales en la matière, les réfugiés sont pris en charge par le Gouvernement du pays d’asile, avec le concours des partenaires, dont essentiellement le Haut- Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés.
Le règlement de la question de leur retour au pays d’origine est réglé par différents Accords tripartites et Modalités pratiques conclus entre l’Ouganda, notre pays et le Haut- Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés. Toutefois, les présidents des réfugiés congolais des différents camps ne manquent pas d’échanger régulièrement des informations avec les délégués de notre ambassade à travers plusieurs contacts.
Des mesures sont prises pour éviter la survenance d’une pareille catastrophe:
- sensibilisation des autorités politico-administratives de KAMANGO et de NOBILI;
- confirmation de la date du 28 avril 2014 fixée pour la Tripartite OUGANDA-RDC-HCR pour la planification du rapatriement des réfugiés congolais.
-Le Gouvernement se propose de rapprocher le point de contrôle et de suivi de notre représentation en Ouganda, en réouvrant le Consulat de KASESE, plus proche de la frontière. (...).

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