Les origines raciales des Présidents américains
  • mar, 01/09/2020 - 13:27

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1497|LUNDI 31 AOUT 2020.

Une étude sociopolitique de MUSENE SANTINI Be-lasayon
Master of Arts en Sociologie et Bachelor/Honour of Arts en Communication de l’Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario, Canada.

Kinshasa, août 2020.

Les Etats-Unis d’Amérique ploient, depuis 1789, sous le joug de cinq lois sociologiques, c’est-à-dire cinq traditions non codifiées, non traduites en dispositions légales et non coulées dans la constitution. Elles déterminent d’une manière discrète, mais prépondérante et certaine, l’issue de l’élection des aspirants à la Maison Blanche. Il s’agit de l’appartenance à la race blanche, de l’appartenance à l’ethnie des Anglo-Saxons, de l’appartenance à la religion protestante, de l’appartenance à l’aristocratie possédante ou à la classe bourgeoise et de l’appartenance au sexe masculin. Elles portent le sceau de l’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon. Démonstration…

Pays de migration, donc de peuplement composite, les Etats-Unis d’Amérique sont, depuis
leur fondation en 1776, constitutionnellement et pratiquement une république fédérale, multiraciale, multiethnique, multiconfessionnelle et un Etat de droit. Etat de droit, car, la puissance de l’Etat américain s’exerce dans les limites légales. Les actes de ses autorités publiques sont soumis au droit et à des règles préétablies. Les actes de ses autorités administratives et autres sont soumis au contrôle d’un juge compétent et indépendant. Son système politique est démocratique.

C’est pourquoi, tous les quatre ans, les Américains de toutes les races, de toutes les ethnies, de toutes les religions, de toutes les classes sociales et de tous les sexes élisent, directement par eux-mêmes et indirectement par leurs grands électeurs interposés, leur président de la République, chef de l’Etat et chef de Gouvernement. Celui qui se soumet ainsi, simultanément, à la sanction du Souverain primaire et des grands électeurs doit être né citoyen américain, être âgé de 35 ans au minimum et avoir résidé, sans arrêt, pendant 14 ans au moins dans le pays. Mais, ses origines sociales, immédiates ou lointaines, ne sont pas du tout exigées. Ce qui nous amène à supposer qu’il n’existe pas, au sein des Etats-Unis d’Amérique, de race d’Etat, d’ethnie d’Etat, de religion d’Etat, de classe sociale d’Etat ou de classe sexuelle d’Etat, celle qui aurait reçu de la Constitution la mission d’occuper exclusivement la présidence de la République.

Cependant, si l’on confronte ces principes constitutionnels avec les résultats des différentes élections présidentielles depuis la promulgation et l’entrée en vigueur, en 1789, de leur célèbre et historique Constitution, il nous semble que cinq lois sociologiques, c’est-à-dire cinq traditions non codifiées, non traduites en dispositions légales et non coulées dans cette
Constitution, interfèrent furtivement dans chaque élection présidentielle. Ressemblant aux conditions officieuses d’accession à la Maison Blanche, elles concurrencent et supplantent même les règles constitutionnelles préétablies.

Car, elles paraissent déterminer, d’une manière prépondérante, certaine et discrète, le choix final du président du pays des combattants de la liberté, de l’égalité des chances, des champions de la stratification sociale ouverte et des droits humains. Il s’agit, en l’occurrence, de l’appartenance à la race blanche, de l’appartenance à l’ethnie des Anglo-Saxons, de l’appartenance à la religion protestante, de l’appartenance à l’aristocratie possédante au XVIIIème siècle ou à la bourgeoisie à partir du XIXème siècle et, enfin, de l’appartenance à la classe sexuelle des hommes. Extraconstitutionnels, ces cinq facteurs sociopolitiques traditionnellement prédominants et déterminants de l’élection des présidents américains sont, dans le fond, leurs origines sociales, mieux, raciales, ethniques, religieuses, etc.

Comment cela ? Rendons-nous à l’évidence, en fouillant ensemble, avec l’aide d’américanistes réputés, dans les origines sociales des quarante-cinq personnalités historiques qui ont eu à assumer les fonctions liées à ce poste conférant à son détenteur une inestimable puissance sociale.

PREMIERE LOI
SOCIOLOGIQUE : ETRE BLANC.

La première loi sociologique qui domine le processus d’accession à la Maison Blanche est,
incontestablement, l’appartenance à la race blanche. Et ce, de la simple sélection des candidats, au niveau du Congrès au départ et des partis Démocrate et Républicain par la suite, à l’élection proprement dite du président des Etats-Unis d’Amérique. Observons : de 1789 à 2020, soit 231 ans, toutes les sessions parlementaires au départ et toutes les différentes primaires et conventions nationales des deux partis politiques par la suite n’ont choisi qu’une seule fois un Américain de couleur comme leur candidat officiel à une élection présidentielle.

Il s’agit de celle de 2008 qui s’est terminée par la victoire du sénateur démocrate Barack Obama, un Afro-Américain né d’une Blanche américaine et d’un Noir, étranger, de nationalité kényane. Notons, en passant, qu’aux Etats-Unis, un enfant né d’un parent de race blanche et d’un parent de couleur est traditionnellement compté parmi les ressortissants de la race de ce dernier. C’est exactement le cas de l’Africain-Américain Barack Obama qui est par ailleurs, à 50%, Anglo-Saxon Américain par sa mère d’origine britannique.

Tous les autres candidats à ce méga-poste ont toujours été de race blanche. D’où, sur un total historique de 45 présidents, 44 sont de race blanche. Ils seraient 43 si Grover Cleveland ne s’était pas vu confier deux mandats non consécutifs en 1884 et en 1892 comme 22 ème et 24 ème président du pays. Et pourtant, selon les historiens et principalement Frank L. Schoell, les Américains de peau rouge, les Indiens donc, se seraient établis en Amérique vingt-cinq mille ans avant l’implantation effective, en 1565, des Espagnols, les premiers immigrants européens.

Cependant, envahis, colonisés, exterminés, dépossédés, parqués dans des réserves, discriminés sur tous les plans et réduits à leur plus simple expression depuis 455 ans, ils ont fini par intérioriser et assimilé leur infériorité sociale par rapport aux Blancs, les nouveaux venus. Ne représentant plus qu’environ 0,7% de la population des Etats-Unis d’Amérique, soit 2,1 millions d’habitants, aucun d’entre eux ne s’est jamais manifesté comme prétendant à la magistrature suprême de cet Etat de type nouveau fondé sur les terres de leurs ancêtres. Au contraire, ils sont encore à la recherche de leur place réelle en tant que citoyen américain à part entière. Et pourtant, la cour suprême de justice leur a octroyé ce statut juridique depuis 1951.

Les Américains de race noire, les Afro-Américains ou Africains-Américains donc, cohabitent
avec les Peaux Rouges et les Blancs depuis 401 ans. Ils ont constitué, pendant très longtemps, la plus importante minorité raciale et ethnique des Etats-Unis d’Amérique.
Actuellement dépassés par les Hispanics, ils ne représentent plus que 12,7% de la population, soit environ 37,5 millions d’habitants. Cependant, tenus en esclavage 246 ans durant et racialement ségrégués jusqu’aujourd’hui, l’écrasante majorité des Afro-Américains ont fini, eux aussi, par se convaincre de n’avoir aucune part à leur propre société. C’est ainsi qu’ils ne se sentaient pas du tout concernés, jusqu’en 1984, par la présidence des Etats-Unis d’Amérique.

Et pourtant, la longue et pénible lutte du pasteur Martin Luther King Jr et compagnie pour les droits civiques avait pour but ultime leur intégration dans tous les compartiments de la société américaine. Afin de les extirper de cette torpeur socio-politique et de ce désintérêt pour la magistrature suprême, il a fallu que l’un des principaux lieutenants de cet illustre disparu, le pasteur Jesse Jackson, les y encourage. En se présentant lui-même, en 1984 et en 1988, comme candidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle. Toutes les deux fois, il fut éliminé en terminant respectivement troisième et deuxième du classement des candidats aux primaires démocrates. Mais, il a au moins le mérite d’avoir réussi à susciter des vocations présidentielles dans sa communauté. En 2004, par exemple, un autre pasteur noir, Al Sharpton, se retire de la course à l’investiture démocrate. A court d’argent et ne décollant pas dans les sondages, il se rallie à John Kerry.
Le prédicateur laïc Barack Obama est le seul Afro-Américain qui va jusqu’au bout de son rêve. Il remporte, en effet, et les primaires démocrates et l’élection présidentielle de 2008.

Il entre ainsi dans l’histoire comme le premier président américain, non seulement noir, mais également de couleur, deux mandats durant, ayant été réélu en 2012. Les Américains de races rouge et jaune demeurent, jusqu’à présent, à l’écart de la fonction la plus importante et la plus prestigieuse des Etats-Unis d’Amérique, traditionnellement réservée aux seuls Blancs depuis 1789. Mais, pas à n’importe quel Blanc…

DEUXIEME LOI SOCIOLOGIQUE : ETRE ANGLO-SAXON.
Deuxième loi sociologique qu’il faut discrètement satisfaire avant de parvenir à la Maison Blanche : appartenir à l’ethnie des Anglo-Saxons. Arrêtons-nous, un moment, ici. Ouvrons, avant d’aller plus loin, une importante parenthèse. Les Anglo-Saxons, qui sont-ils ? Ils sont, au départ, trois ethnies germaniques: Angles, Jutes et Saxons. Ils quittent, entre le Vème et le VIème siècle de notre ère, l’Europe septentrionale, en l’occurrence l’Allemagne et les Pays-Bas actuels. Ils envahissent les îles britanniques d’Angleterre, d’Ecosse, d’Irlande et le Pays de Galles. Ils s’y installent définitivement. Avec le temps, ils soumettent entièrement les Celtes en Angleterre et au Pays de Galles et partiellement en Irlande du Nord. En Ecosse, ils matent totalement les Pictes. Ils fondent, enfin, le Royaume Uni de Grande-Bretagne qui se compose de ces quatre entités territoriales, majoritairement protestantes. Ils occupent, colonisent et organisent ce qui est devenu l’Irlande du Sud, le pays des Celtes, majoritairement catholique.

Ce sont les descendants des trois ethnies germaniques précitées, britannisés par dix siècles d’histoire insulaire et devenus Anglais, Gallois, Ecossais et Nord-Irlandais qui, à leur tour, immigrent, à partir de 1585, en Amérique du Nord. Mais, leur établissement permanent, Jamestown en Virginie, date de 1607. Ils fuient les iles britanniques, et principalement l’Angleterre, pour des raisons religieuses, politiques et économiques. Mais, c’est essentiellement à cause des persécutions que l’Eglise officielle d’Angleterre instigue et conduit contre les Eglises protestantes indépendantes de la couronne britannique (baptistes, calvinistes, mennonites, etc.) qu’ils décident de s’expatrier massivement. Ceux qui partent pour l’Amérique du Nord sont donc, dans leur écrasante majorité, des Protestants Anglo-Saxons.

En Amérique du Nord, ils occupent, s’octroient et fondent d’abord les historiques Treize Colonies Britanniques. Ils se rebellent, ensuite, contre la couronne britannique. Ils proclament enfin, après une longue et meurtrière guerre, leur indépendance le 4 juillet 1776 sous le nom des Etats-Unis d’Amérique. Ils deviennent ainsi Américains. A cette occasion, ils se fixent pour but ultime la liberté qu’ils entendent cultiver sous tous ses aspects : religieux, politique, économique, social et culturel. Ce sont ces éléments de souches britanniques qui constituent, principalement, l’ethnie des Anglo-Saxons aux Etats-Unis d’Amérique.

Fermons cette importante parenthèse et revenons à notre mouton : les origines anglo-saxonnes de la quasi-totalité des personnalités politiques d’exception qui ont occupé le fauteuil présidentiel américain. En effet, 43 de ces 45 personnalités d’exception sont, à 100%, des Anglo-Saxons américains et 1 l’est à 50% seulement (Obama). Parmi ces dernières, 37 sont d’ascendances britanniques, 3 de souches néerlandaises (Martin Van Buren, Theodore Roosevelt et Franklin D. Roosevelt) et 3 d’origines allemandes (Herbert Hoover, Dwight D. Eisenhower et Donald J. Trump). Comment expliquer la présence, parmi les présidents des Etats-Unis, des Américains d’ascendances allemandes et néerlandaises?

Les Allemands et les Néerlandais sont, on s’en souvient certainement, ces peuples germaniques d’où sont issus les Angles, les Jutes et les Saxons, fondateurs du Royaume Uni de Grande-Bretagne et, par ricochet, des Etats-Unis d’Amérique aussi. Ils sont donc les oncles des Anglais, des Gallois, des Ecossais et des Nord-Irlandais, ces Anglo-Saxons qui se sont approprié les terres britanniques d’abord et nord-américaines par la suite. Aux Etats-Unis d’Amérique, les Germano-Américains, les Néerlandais-Américains et les Scandinaves-Américains, descendants des peuples germaniques, sont comptés parmi les Anglo-Saxons américains. Donald J. Trump, dont le grand-père a quitté l’Allemagne en 1900 pour les Etats-Unis, est le plus récent président américain de cette origine. Malgré la diversité des origines ethniques des immigrants des XIX ème et XX ème siècles, les Anglo-Saxons d’origines britanniques constituent, surtout pendant les deux premiers tiers de leur histoire américaine, l’ethnie largement majoritaire et dominante de leur nouveau pays.

En 1790, par exemple, ils représentent environ 79% de la population des Etats-Unis. Autrement dit, tout en puisant des voix dans toutes les autres ethnies en faveur de leurs candidats présidentiels et autres, les stratèges et propagandistes politiques anglo-saxons misent régulièrement, durant cette très longue période, sur leur propre majorité raciale, leur propre majorité ethnique, leur propre majorité religieuse, leur importante, solide et influente classe bourgeoise et particulièrement sur leur légitimité historique afin de placer toujours les leurs à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Cependant, les ressortissants de la plupart des autres ethnies ne savent pas encore s’ils réussiront, un jour, à faire figurer le nom de l’un des leurs parmi les locataires historiques de la Maison Blanche traditionnellement destinée aux Anglo-Saxons. Mais, pas à n’importe quel Anglo-Saxon !

TROISIEME LOI SOCIOLOGIQUE : ETRE PROTESTANT.
Les prescriptions, qui figurent en tête du premier amendement de la Constitution des Etats-
Unis d’Amérique, préviennent l’émergence et l’établissement d’une religion d’Etat. Et ce,
sous forme soit d’une secte, soit d’un culte qui supplanterait tous les autres. Comme le sont
l’anglicanisme en Angleterre, le luthéranisme dans les pays scandinaves, l’islam dans les pays musulmans et comme l’était le catholicisme en France, en Italie, en Espagne, au Portugal et dans les pays d’Amérique latine.

Effectivement, aux Etats-Unis d’Amérique, où il y a stricte séparation entre l’Etat et les diverses confessions religieuses, il n’existe pas de religion d’Etat. Même la religion très largement majoritaire et dominante, le protestantisme, fragmenté en une kyrielle d’Eglises autonomes les unes des autres et malgré ses 195 millions de membres, n’a pas ce statut particulièrement favori. Mais, Léo Sauvage nous amène à constater qu’aux Etats-Unis d’Amérique, « la conception traditionnelle de la liberté de religion n’implique pas automatiquement une affirmation de laïcité».

Qu’est-ce à dire? Tout simplement que dans ce pays officiellement exempt de religion d’Etat, l’existence civique coïncide traditionnellement avec l’appartenance à une seule et même religion, le protestantisme. Et ce, sous ses diverses facettes : baptiste, presbytérienne, méthodiste, luthérienne, épiscopale, mennonite, congrégationaliste, salutiste, etc. Autrement dit, il ne suffit pas d’être Blanc et Anglo-Saxon pour espérer se faire élire à la présidence des Etats-Unis. Il faut, en plus, appartenir à la religion de l’écrasante majorité des Anglo-Saxons, à savoir le protestantisme.

Au niveau de la Maison Blanche, l’impact de cette tradition jamais discutée et approuvée au Congrès est lourd de conséquences : 44 des 45 présidents des Etats-Unis sortent des seules entrailles et du seul moule du protestantisme anglo-saxon. Ce qui fait ressembler la Maison Blanche à une citadelle des Protestants Anglo-Saxons. En effet, trois des quatre candidats présidentiels non protestants anglo-saxons, qui ont tenté d’arracher démocratiquement aux Protestants Anglo-Saxons leur forteresse, ont subi chacun une défaite cuisante. Ils appartiennent tous au Parti Démocrate. Ce parti est le seul parti politique américain qui tente d’ouvrir l’espace présidentiel aux ressortissants des autres races, ethnies, religions et au sexe féminin. Alfred Smith est le premier de ces derniers qui gagne, en 1928, les primaires démocrates. Avant de viser la Maison Blanche, il avait déjà occupé d’importantes fonctions électives, dont celles de gouverneur de l’Etat de New York.

Mais, lorsqu’il brigue officiellement la présidence des Etats-Unis d’Amérique, la quasi-totalité de l’opinion publique américaine lui brandit ses origines irlando-celtiques, sa religion catholique et l’épouvantail d’une éventuelle mainmise du Pape sur l’Amérique protestante. Conséquences immédiates : Il perd et le vote populaire et le vote de 444 des 531 grands
électeurs de l’époque. Et son rival républicain, Herbert Hoover, protestant anglo-saxon de vieille souche germano-américaine, monte sur le trône en tant que 31 ème président des Etats-Unis d’Amérique.

En 1988, soit 60 ans après Al Smith, Michael Dukakis termine son mandat de gouverneur de l’Etat de Massachusetts. Il a acquis, à ce poste, la réputation d’un chef intègre et d’un bon gestionnaire des affaires publiques. Candidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle, il écrase tous ses concurrents. Malheureusement pour lui, il professe la foi orthodoxe et est le fils d’un riche homme d’affaires grec américain. Il a surtout, en face de lui, le candidat du puissant establishment protestant anglo-saxon, le républicain George C. Bush. Autrefois directeur général de la C.I.A., ce dernier est, depuis 8 ans, vice-président des Etats-Unis, sous Ronald Reagan. Michael Dukakis ne résiste pas devant ce géant politique ragaillardi par sa légitimité historique de descendant des fondateurs et bâtisseurs des Etats-Unis d’Amérique.

En 2004, soit 76 ans après Al Smith, le Parti Démocrate choisit le sénateur John Kerry pour défendre ses couleurs à la présidentielle. Ce héros de la guerre du Vietnam est issu d’un père catholique irlando-celte américain et d’une mère catholique germano-américaine. Mais, il se classe, à l’image de son père, parmi les Catholiques Irlando-Celtes Américains. Il doit affronter, à l’élection présidentielle, un membre de l’une des irrésistibles dynasties protestantes anglosaxonnes. Il s’agit du président sortant des Etats-Unis, le républicain George W. Bush, le fils de son père, George C. Bush. A cause, principalement de sa double appartenance traditionnellement pointée de doigt, sa religion catholique et son ethnie
irlando-celtique, John Kerry ne parvient pas à rouvrir la parenthèse hermétiquement refermée après John F. Kennedy.

Mais, il reste politiquement actif et combatif. Ce qui permet à Obama de le récupérer, lors de son second mandat, en le nommant secrétaire d’Etat. Cependant, il est bon de savoir que quelque chose d’inaccoutumée s’était déjà produite en 1960. En cette année, le sénateur John F. Kennedy reçoit l’investiture du Parti Démocrate pour la présidentielle. Il est le petit-fils maternel de l’un des anciens maires catholiques et irlando-celtes américains de Boston et le fils d’un important homme d’affaires, également catholique et irlando-celte américain de cette même ville, qui a fait fortune dans le pétrole et qui fut ministre fédéral des finances.

Comme Alfred Smith avant lui et John Kerry après lui, Kennedy a aussi pour principal handicap le fait d’être catholique dans ce pays où la minorité catholique (8,1% en 1960) est vue comme une fraction moins foncièrement américaine et dont on doit se méfier. La minorité irlando-celtique est, en ce moment, la principale composante de l’Eglise Catholique américaine. Elle règne sur la Catholic High Church. Mais, elle n’est politiquement tolérée, jusque-là, qu’au niveau des municipalités. Or, John F. Kennedy tient impérieusement à s’emparer de la Maison Blanche, la forteresse des Protestants Anglo-Saxons. Il provoque le courroux de la majorité de l’opinion publique qui se ligue et scande alors contre lui: « Il n’est pas Protestant Anglo-saxon. Il est Catholique Irlando-Celte». Mais, le candidat insolite, jeune, charismatique, orateur puissant, convaincant et courageux, ne bronche pas.

Il continue sa campagne. Il renverse, grâce aux quatre premiers débats télévisés organisés à cette occasion (une première mondiale en matière de propagande politique), quelque peu la vapeur en sa faveur. Il prend, à partir de son comportement, de ses attitudes et de ses pratiques sur le petit écran, une légère avance par rapport à son adversaire républicain, Richard Nixon. Celui-ci est vice-président des Etats-Unis depuis 8 ans, sous le général Eisenhower. Il représente et le Parti Républicain et le puissant establishment protestant anglo-saxon à la présidentielle. Ce colosse politique est certain de remporter cette élection. Mais, contre toutes attentes, Kennedy, l’outsider, le bat d’extrême justesse. Celui-ci est, en effet, crédité de 50,2% environ du vote populaire et de quelques 5 grands électeurs seulement de plus que son concurrent.
John F. Kennedy devient ainsi le premier président américain de religion catholique et d’ethnie irlando-celtique. Mieux, le seul et l’unique président, de toute l’histoire politique des Etats-Unis d’Amérique, dans les veines duquel ne coule aucune goutte de sang protestant anglo-saxon.

Il demeure l’exception qui confirme les deuxième et troisième lois sociologiques, l’appartenance à l’ethnie des Anglo-Saxons et l’appartenance à la religion protestante, qui contribuent silencieusement et décisivement à la victoire des prétendants à la Maison Blanche. L’élection de ce président catholique irlando-celte américain, qui paraissait amorcer une importante révolution des mentalités en 1960, ressemble, 60 ans après, à une parenthèse malencontreusement ouverte, immédiatement et hermétiquement refermée. Et ce, en grande partie, pour des motifs essentiellement religieux et ethniques. Cette troisième loi sociologique, l’appartenance à la religion protestante, ne favorise généralement que des candidats présidentiels protestants anglo-saxons. Mais, pas n’importe quel Protestant Anglo-Saxon…

QUATRIEME LOI
SOCIOLOGIQUE : ETRE BOURGEOIS.

La quatrième tradition susceptible de conduire à la Maison Blanche, quand elle est bien combinée avec les quatre autres, c’est, sans nul doute, l’appartenance à l’aristocratie possédante au XVIIème siècle ou à la bourgeoisie depuis le XIX ème siècle. Les Etats-Unis d’Amérique sont régis, de 1776 à 1787, par la Loi Fondamentale des très démocratiques
« Articles de Confédération.» Ceux-ci sont essentiellement dus à la plume alerte et à l’ingéniosité politico-constitutionnelle de Thomas Jefferson, le principal défenseur des droits des Etats. Cependant, dès les débuts de cet Etat de type nouveau, un mouvement pro-aristocratique, dit « Les Fédéralistes », craint la tyrannie de la majorité des masses populaires sur la minorité et celle du pouvoir des Etats sur le gouvernement fédéral. Il préconise alors l’instauration d’un gouvernement central fort, doté d’une plus grande identité nationale, que devra incarner le président des Etats-Unis.

Il envisage, en même temps, une alliance implicite entre l’éternelle et minoritaire classe possédante et ce gouvernement central fort. Ce qui implique l’abandon des « Articles de Confédération » et l’organisation d’une assemblée constituante devant élaborer une constitution adaptée au nouveau contexte envisagé. Pour influencer le cours des événements dans le sens qu’il souhaite, ce mouvement pro-aristocratique s’appuie fortement sur la situation de quasi-anarchie dans laquelle ces très démocratiques « Articles de Confédération » auraient plongé le nouvel Etat durant la période susmentionnée. Trois personnalités politiques très influentes conduisent ce mouvement derrière lequel s’abritent les puissances d’argent. Elles ont pour noms : James Madison, le principal auteur de la célèbre et historique Constitution américaine et le futur quatrième président du pays ; Alexander Hamilton, le futur et puissant secrétaire au trésor du président George Washington ; et John Jay, le futur et le tout premier président de l’histoire de la cour suprême de justice des Etats-Unis d’Amérique.

Les Fédéralistes, menés par ces trois leaders politiques, arguent sur tous les toits et principalement sur tous les constituants que « les Américains sont assoiffés d’organisation, d’ordre et d’efficacité et que ces besoins essentiels et urgents ne peuvent être assurés que si les Etats-Unis sont dirigés par une aristocratie de gens bien nés auxquels leur fortune et leur situation sociale ont donné l’expérience de direction des grandes affaires et le goût de la stabilité». Ce message, transmis et propagé avec conviction et méthode, emporte l’adhésion enthousiaste de la majorité des Pères Fondateurs.

C’est-à-dire, ces constituants qui se sont réunis, par intermittence de mai à septembre 1787, à Philadelphie, en Pennsylvanie, pour élaborer la constitution qui est toujours en vigueur. Depuis lors, ce message traverse toutes les générations américaines sans vraiment se détériorer. Remarquons, cependant, que l’aristocratie de gens bien nés en question est, à l’époque, totalement blanche, anglo-saxonne et protestante, comme les Pères Fondateurs eux-mêmes. Les résultats de cette coalition des forces économico-financières et politico-sociales sont, depuis 231 ans, très éloquents au niveau de la Maison blanche. En effet, tous ses 45 locataires historiques sont pratiquement issus d’une seule et même classe sociale, l’aristocratie possédante ou la bourgeoisie, sous toutes ses formes. Certains d’entre eux proviennent de la bourgeoisie de fonctions, souvent militaires (cas de George Washington, d’Andrew Jackson, d’Ulysses S. Grant, de Zachary Taylor, de Dwight Eisenhower, etc.) et politiques (cas de John Quincy Adams, d’Abraham Lincoln, de T. Woodrow Wilson, de Bill Clinton, etc.). Certains autres, comme Theodore Roosevelt, Franklin D. Roosevelt et Donald J.
Trump, s’enracinent profondément dans la bourgeoisie d’affaires. Certains autres encore, et c’est souvent le cas, ont des ramifications dans les deux formes précitées de la bourgeoisie.

C’est le cas, par exemple, de Benjamin Harrison, de John F. Kennedy, de George C. Bush et de George W. Bush. En clair, 33 de ces 45 présidents américains portaient, à leur naissance, des marques de fabrique telles que Pierce, Adams, Harrison, Kennedy, Bush, Trump, etc. Ils bénéficiaient d’une fortune et d’une puissance sociale immenses depuis les entrailles de leur mère respective.

Serait-ce prétendre qu’aucun fils d’humble naissance n’aurait investi la présidence des Etats-Unis d’Amérique depuis 1789? La société américaine, fondée sur la liberté et l’argent, ouvre des possibilités de mobilité sociale. Mobilité des personnes dans l’échelle sociale et mobilité des biens qui changent de mains. C’est dans ce contexte de stratification sociale ouverte que 7 fils de pauvres, nés dans une bicoque, se sont retrouvés au sommet de la pyramide sociale américaine. Il s’agit, en l’occurrence, d’Andrew Jackson, le 7 ème président du pays, de Millard Fillmore (13 ème ), d’Abraham Lincoln (16 ème ), d’Andrew Johnson (17 ème ), de James A. Garfield (20 ème ), de Grover Cleveland (22 ème et 24 ème ) et de Herbert Hoover (31 ème ). Depuis l’avènement, en 1928, de ce dernier à la présidence des Etats-Unis, aucun autre véritable fils de pauvres n’a pris possession de la Maison Blanche !

Qui serait-ce alors : les démocrates Lyndon B. Johnson et James E. Carter ou le républicain Ronald W. Reagan? Ils descendent tous les trois de la petite bourgeoisie. Mais, ils passent respectivement, avant de s’installer dans la Maison Blanche, par les postes stratégiques et juteux de sénateur et de leader des démocrates au sénat pour Johnson, de gouverneur de l’Etat de Géorgie pour Carter et de gouverneur de l’Etat de Californie pour Reagan. Bill Clinton ? Fils d’un père ivrogne qui a abandonné femme et enfant, il est élevé par le second mari de sa mère, un homme honorable de la middle-class, qui lui transmets son nom et qui, ayant très tôt décelé sa vocation politique, l’oriente vers le Parti Démocrate. Mais, par le mariage, Bill Clinton se lie à une famille très cocue, celle des Rodham, à laquelle appartient son épouse, Hillary Rodham Clinton.

Outre cette indispensable alliance qui l’accompagne dans son cursus politique, il passe d’abord par le poste de gouverneur de l’Etat d’Arkansas avant d’atteindre la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Et, Barack Obama, enfin? Il est, d’abord, le petit-fils d’un pasteur protestant anglo-saxon, le géniteur quasi-anonyme de sa mère. Il est, ensuite, le fils d’un étudiant kényan qui, une fois son diplôme de Docteur en sciences économiques en poche, abandonne sa femme et son fils américains aux Etats-Unis et rentre dans son pays natal pour retrouver son épouse et ses enfants kényans et prendre son poste de professeur d’université. Il se marie, enfin, à une descendante d’esclaves noirs de vieille souche américaine, Michelle Obama, docteure en droit et avocate, exactement comme son époux. Essentiellement élevé par ses grands-parents maternels sans noms, Obama peut être considéré comme le produit d’une modeste classe sociale ou, tout au plus, assimilé à la bourgeoisie de fonctions, de type politique.

Car, avant d’accéder à la présidence des Etats-Unis, il est d’abord membre de la chambre des représentants de l’Etat d’Illinois et puis sénateur de cet Etat au Sénat fédéral de Washington. A bien regarder l’itinéraire sociopolitique de chacun des 45 présidents de l’histoire politique des Etats-Unis, il nous semble qu’il faut plutôt relativiser ces mythes de liberté, d’égalité des chances et de stratification sociale ouverte que l’on met en exergue chaque fois que quelqu’un issu d’une famille modeste s’élève dans la pyramide sociale ou atteint le sommet de celle-ci. François et Claire Masnata, qui ont étudié sur place cette question en profondeur, avertissent sans ambages : « On est assez loin de la croyance populaire selon laquelle chacun peut, aux Etats-Unis, passer de la cabane de rondins à la Maison Blanche».

Effectivement, les enfants d’humble naissance susmentionnés ne sont pas directement passés de la hutte à la présidence de la République. Par les études, l’intelligence, l’effort et le travail, ils s’étaient entre-temps recyclés et immergés dans la classe sociale opposée à celle de leurs parents, l’aristocratie possédante ou la bourgeoisie. Ils s’étaient imposés en tant que cadres indispensables ou leaders clairvoyants, et dans cette classe sociale et dans leur parti politique respectif, avant de franchir le Rubicon. Processus normal, indubitablement…

Il n’y a donc pas de honte à avouer que tous les 45 présidents des Etats-Unis d’Amérique proviennent, finalement, d’une seule et même classe sociale, l’aristocratie possédante ou la bourgeoisie, sous toutes ses formes. Il y a, enfin, de quoi faire luire, dans leurs tombes, les visages d’Alexander Hamilton, de James Madison et de John Jay, les pourfendeurs les plus acharnés des masses populaires et les promoteurs d’un gouvernement central fort, présidé par un aristocrate soutenu par les riches. Mais, les chasseurs des têtes présidentiables ne privilégient, généralement, que des candidats présidentiels de sexe masculin…

CINQUIEME
LOI SOCIOLOGIQUE : ETRE MALE.

Les femmes américaines obtiennent le droit de vote, comme celui d’éligibilité à tous les niveaux du système électoral, le 26 août 1920. Soit 144 ans après l’accession de leur pays à l’indépendance. Mais, en 2020, soit 100 ans plus tard, leur situation en matière d’éligibilité demeure inchangée au niveau de la présidence de la République. En effet, jusqu’en 2016,
jamais une femme américaine, démocrate ou républicaine, n’avait été officiellement désignée, à l’issue de leurs différentes primaires, candidate à la présidence des Etats-Unis. Hillary R. Clinton, du Parti Démocrate, est la première femme qui obtient ce statut en 2016.

Elle est Blanche, Anglo-Saxonne, protestante, bourgeoise, docteure en droit, avocate de renom, ancienne secrétaire d’Etat sous le président Obama et sénatrice fédérale de l’Etat de New York au moment où elle reçoit l’investiture démocrate pour la présidentielle. Elle est donc hautement qualifiée pour prétendre au statut de première femme présidente des Etats-Unis d’Amérique. Un indice fort de sa puissance: elle gagne le vote populaire par 53%. Malheureusement, le collège électoral fédéral, créé pour contenir l’exubérance de l’esprit populaire qui avait libre cours sous le régime des très démocratiques Articles de Confédération, lui barre majoritairement la route menant à la Maison Blanche. Il lui accorde 232 voix. Mais, il crédite de 306 voix son adversaire masculin, le républicain Donald J. Trump, qui obtient pourtant 47% du vote populaire. Héritier multimilliardaire d’un gigantesque empire immobilier qu’il a davantage fait fructifier, Trump fait irruption en politique à l’âge de 70 ans. Il n’a alors aucune expérience politique. Pire, il n’a jamais occupé une fonction élective. C’est dans ce contexte qu’il devient le 45 ème président des Etats-Unis d’Amérique.

Comment expliquer cette absence des femmes parmi les présidents des Etats-Unis d’Amérique, alors qu’elles constituent la majorité de la population du pays? Comme tous les autres pays du monde, les Etats-Unis sont, soutient avec force Kate Millet, « une société patriarcale, dominée par la culture patriarcale.» Malgré les nombreux et héroïques combats menés sur le sol américain pour l’émancipation totale des femmes, seule cette culture patriarcale détermine, dans tous les domaines, les rapports sociaux de domination de la classe sexuelle des femmes par celle des hommes. La preuve la plus flagrante ?
La présidence des Etats-Unis d’Amérique, conçue par les Pères Fondateurs, concrétisée par ces mêmes Pères Fndateurs, est rigidement tenue en mains, depuis 1789, par les seuls hommes.

Les femmes américaines devront donc déchirer le voile des préjugés sous lesquels l’immense majorité de la population les accablent avant d’espérer s’adjuger, un jour, de la majorité des voix et du peuple ordinaire et des grands électeurs afin de prendre possession de la Maison Blanche. En effet, si l’on se réfère aux femmes telles que Golda Meir, Indira Gandhi, Margaret Thatcher, Angela Merkel, Theresa May, Winnie Mandela, Christine Lagarde, etc., il saute facilement aux yeux que les arguments avancés contre les femmes américaines pour les disqualifier politiquement ne sont, généralement, que des prétextes destinés à couvrir et à justifier l’égocentrisme des hommes.

C’est donc cette « politique du mâle », malheureusement enracinée et dans la « Real Woman » américaine et dans l’homme américain, qui se trouve à la base de l’exclusion permanente des femmes de la présidence des Etats-Unis d’Amérique. En tout cas, qu’elles soient blanches, anglo-saxonnes, protestantes et bourgeoises, elles ne semblent pas encore acceptées à ce méga-poste exclusivement réservé, depuis 231 ans, aux seuls hommes. Le cas d’Hillary R. Clinton en dit long.

MONOPOLE DE
LA PUISSANCE SOCIALE.

Voilà donc ! Si un citoyen américain veut devenir président des Etats-Unis d’Amérique, il ne doit pas trop compter sur les seuls principes constitutionnels, surtout s’il est de sexe féminin, quelqu’un de couleur, sans-le-sou, ressortissant d’une ethnie ou adepte d’une religion dépourvue de légitimité historique. Il doit plutôt se placer, réalisme politique oblige, dans le cadre des cinq lois sociologiques ci-dessus décortiquées. Pour rappel, ces cinq lois sociologiques ou ces cinq traditions ou encore ces cinq conditions officieuses d’accession à la présidence des Etats-Unis sont, évidemment, les suivantes: être Blanc, être Anglo-Saxon, être Protestant, être Bourgeois et être Mâle. Comment expliquer cette supériorité active et légendaire des seuls citoyens américains de race blanche, d’ethnie anglo-saxonne, de religion protestante, de classe bourgeoise et de sexe masculin quant à la conquête de la Maison Blanche?

Une organisation sociale imperceptible, mais très puissante, a créé, entretient et maintient cette situation historique. Il s’agit de l’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon, communément connu sous l’abréviation de W.A.S.P. (White Anglo-Saxon Protestant). Auréolé de ses historiques et prestigieux titres de fondateur et de bâtisseur des Etats-Unis d’Amérique, il est à la fois la fraction hégémonique, la fraction régnante et la fraction idéologique du bloc au pouvoir depuis 1789.

Fraction hégémonique, d’abord, parce qu’il est le principal sélectionneur des candidats présidentiables, démocrates et républicains confondus, et surtout le seul et l’unique commanditaire attitré, incontournable et incontesté de tous les présidents et vice-présidents des Etats-Unis d’Amérique ; de l’immense majorité des présidents du sénat, des présidents de la chambre des représentants, des ministres fédéraux les plus importants, des juges en chefs et juges de la cour suprême de justice, des attorneys généraux et procureurs fédéraux, des présidents de la réserve fédérale, des chefs d’Etat-major général des forces armées et de la police fédérale, des directeurs généraux du FBI et de la CIA, des gouverneurs des Etats les plus stratégiques et des ambassadeurs accrédités auprès des pays qui pèsent sur la balance, etc.

L’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon agit ainsi en ses qualités ordinaires de porte-étendard de l’économie, c’est-à-dire de maître suprême du grand capital américain par sa puissante, solide et influente bourgeoisie et de super expert du système politico-constitutionnel américain par ses éminents, influents et incontournables stratèges politico-idéologiques, juridico-administratifs et propagandistes.

L’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon est, ensuite, la fraction régnante du bloc au pouvoir depuis 1789 parce que 98% des présidents et vice-présidents historiques des Etats-Unis d’Amérique et l’écrasante majorité des dirigeants de leurs autres institutions politiques, judiciaires, administratives, économiques, financières, militaires, sécuritaires, sociales et culturelles ont généralement été, au cours des 231 dernières années, des Protestants Anglo-Saxons. Et ce, en plus du fait que ce sont les plus entreprenants d’entre eux, tels que Cornelius Vanderbilt d’extraction néerlandaise, J.D. Rockefeller d’origine allemande, Andrew Carnegie de souche écossaise, J.P. Morgan et Henry Ford d’ascendances anglaises, et tant d’autres de ces mêmes origines, qui se trouvent au fondement de l’incomparable essor industriel, commercial, financier, économique, social, culturel, scientifique, technologique, bref, du développement durable de ces Etats-Unis d’Amérique que leurs ancêtres avaient fondés.

Aujourd’hui encore, au moyen de leurs importantes et diversifiées coalitions du Big business, ils demeurent sur la brèche et au front du peloton des créateurs inassouvis de la richesse américaine.
Vance Packard, l’un des observateurs les plus perspicaces de la réalité sociale américaine, témoigne : «Les Protestants Anglo-Saxons sont traditionnellement à la tête du monde des affaires aux Etats-Unis d’Amérique. » Ils tiennent, en fait, le haut du pavé de l’empire capitaliste américain. Ils constituent, par exemple, les dix premières dynasties multimilliardaires de leur pays. Bill Gates, Warren Buffet et Larry Ellison n’en sont que le trio de tête. Associés à leurs mandataires en politique, ils forment l’essentiel de la Jet set class des Etats-Unis d’Amérique. E. O. Baltzell, l’un des plus éminents américanistes, le dit sans ambages: « La classe supérieure (upper class) américaine a toujours été, dans sa grande majorité, anglo-saxonne et protestante, tant du point de vue de ses origines que de celui de ses valeurs». L’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon est, enfin, la fraction idéologique du bloc au pouvoir depuis 1789 parce qu’il est l’incarnation spirituelle et physique de l’idéologie dominante des Etats-Unis d’Amérique. Celle-ci émane de la structure sociale du pays.

Or, cette dernière est fondamentalement anglo-saxonne et protestante. D’où, l’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon joue le rôle hautement stratégique de porteur de la civilisation et d’intégrateur en chef du système politico-idéologique et constitutionnel que les Pères Fondateurs avaient inventé. Il exerce une profonde influence sur la pensée, le comportement, les attitudes et les pratiques des Américains. Il amène ceux-ci, et surtout les ressortissants des communautés
ethniques et religieuses traditionnellement qualifiées de « minoritaires », à s’adapter. C’est-à-dire, à intérioriser et à intégrer les exigences de la structure sociale américaine à leur endroit. Il impose subtilement le Protestant Anglo-Saxon comme le prototype idéal de l’Américain et du Président des Etats-Unis d’Amérique.

Car, il est radicalement habité par la conviction éthique et spirituelle de détenir la légitimité historique d’ayant-droit du poste de Président, Chef de l’Etat et Chef du Gouvernement, le poste le plus important et le plus prestigieux des Etats-Unis d’Amérique. Il prend donc ce méga-poste pour le symbole suprême de son hégémonie dans la société américaine. D’où, il croît mordicus qu’il ne peut se permettre de le lâcher au profit des intrus. Il inspire furtivement cette conviction aux membres des autres communautés d’appartenance. François et Claire Masnata précisent : «Il a toujours considéré que le pluralisme américain signifiait, en fait, la reconnaissance, par les nouveaux-venus, de la valeur, voire de la supériorité du système protestant anglo-saxon».

La plupart de ces autres communautés d’appartenance acceptent, soit par respect, soit par résignation, cette légitimité historique des Protestants Anglo-Saxons. Elles évitent, généralement, de leur disputer le méga-poste de président des Etats-Unis d’Amérique.
L’indifférence, à l’égard de ce méga-poste, des Juifs Américains, des Nippo-Américains, des Sino-Américains, des Italo-Américains et des Polono-Américains, qui ont pourtant connu une réussite exceptionnelle sur le plan socio-économique, semble l’attester. Prévenus par leur réalisme politique avivé par leur appartenance ethnique, leur appartenance religieuse et leur insignifiance démographique, aucun d’entre eux ne s’est jamais hasardé, jusqu’ici, à se présenter à une primaire du Parti Démocrate et encore moins du Parti Républicain en vue de la présidentielle. Ils n’osent se révolter contre la quasi-confiscation de ce méga-poste par une seule et même ethnie, l’ethnie anglo-saxonne et par une seule et même religion, la religion protestante. Mais, il n’en est pas tellement de même des Catholiques Irlando-Celtes Américains.

Nourris, en effet, de vieux ressentiments anti-anglo-saxons depuis leur pays d’origine, l’Irlande du Sud qui avait longtemps subi l’occupation coloniale britannique, ils ont souvent tendance à défier ceux qu’ils prennent pour de « simples usurpateurs de la fameuse légitimité historique». C’est probablement pour cette raison que trois des quatre candidats présidentiels historiques non protestants anglo-saxons sont des Catholiques Irlando-Celtes Américains. On s’en rappelle assurément: l’un des trois, le seul et l’unique d’ailleurs, J.F. Kennedy, est très difficilement parvenu, en 1960, à arracher démocratiquement le poste de président des Etats-Unis aux Protestants Anglo-Saxons.
Certainement, le choix porté sur le protestant anglo-saxon, le très influent, le très populaire et l’inamovible leader des démocrates au sénat fédéral, Lyndon B. Johnson, comme vice-président des Etats-Unis, a largement joué en faveur du candidat Kennedy.

C’est dire que le profil bas généralement adopté par les « minorités américaines», comme comportement sociopolitique en matière présidentielle, ne pourrait intriguer. Car, l’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon n’a pas mis les chaînes à la bouche, aux mains et aux pieds des Américains. Il a plutôt mis ses chaînes dans leurs profondeurs. Et ce, selon Richard Hofstadter, de trois manières différemment capitales. Primo, cet Ordre se considère sérieusement comme « l’héritier intellectuel de la religion de Calvin », qui prône le goût de l’indépendance, de l’égalité, de l’autorité contenue et les notions de responsabilité personnelle. Secundo, il se présente comme « le représentant attitré de l’esprit républicain de l’Angleterre de John Locke », qui s’oppose au pouvoir arbitraire et croît en la souveraineté du peuple. Il est, enfin, convaincu d’être « le mandataire spécial de l’économie politique d’Adam Smith », qui prêche la doctrine de laisser-faire le marché établie sur l’intérêt personnel régulé par la concurrence.

Ainsi, psychologiquement assiégés et conditionnés par l‘idéologie dominante, les citoyens américains ont généralement incorporé l’infaillibilité de la tactique suprématiste selon laquelle pour promouvoir, protéger et défendre leurs intérêts les plus profonds et les plus divergents, le président des Etats-Unis d’Amérique devrait nécessairement être un Protestant Anglo-Saxon.

D’où, 44 de leurs 45 présidents historiques sont effectivement des Protestants Anglo-Saxons. Indubitablement, ils ploient, depuis 231 ans, sous le joug des cinq lois sociologiques susmentionnées. Celles-ci portent les empreintes de l’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon, détenteur exclusif du monopole de la puissance sociale. Autour duquel gravite une sous-puissance, uniquement socio-économique et évidemment juive américaine. Car, amputée de tous les autres attributs de la puissance sociale. Ce qui doit absolument émouvoir et réjouir, dans leurs sépultures respectives, les Pères Fondateurs des Etats-Unis d’Amérique.

Ils ont, en effet, assigné au moteur intégrationniste en chef du système qu’ils avaient fabriqué, le gouvernement fédéral présidé par un aristocrate bénéficiant de l’appui des puissants, la mission de maintenir, d’étendre et de perpétuer leur domination sur l’ensemble des Etats-Unis d’Amérique et des citoyens américains. Compte tenu de ce contexte sociopolitique historique, quel pourrait être le sort du 5 ème candidat présidentiel non protestant anglo-saxon, le Catholique Irlando-Celte Américain John Biden?

ESPOIR PERMIS.
Joe Biden a, à son actif, 47 ans d’expérience politique. Il a été pendant huit ans, sous Barack Obama, le premier vice-président catholique irlando-celte de l’histoire politique du pays. Il a été, durant 36 ans, sénateur de l’Etat de Delaware et du Parti Démocrate au sénat de Washington. Cependant, comme Al Smith en 1928, J. F. Kennedy en 1960, Michael Dukakis en 1988 et John Kerry en 2004, il a effectivement pour principal goulot d’étranglement, dans sa marche vers le pouvoir suprême, son appartenance ethnique et religieuse. Quand l’ultraconservateur Donald J. Trump répète souvent que Joe Biden est « candidat présidentiel par défaut», il fait là, sans blague, allusion à la religion et à l’ethnie de son antagoniste démocrate.

Il attire l’attention des indécis et surtout de son solide électorat, essentiellement composé de l’extrême droite religieuse et politique, sur ce problème. D’où, cette question embarrassante des observateurs pénétrants de la réalité sociopolitique américaine : « Joe Biden parviendra-t-il à déchirer le voile des préjugés accablant, depuis 231 ans, les candidats présidentiels non protestants anglo-saxons, en battant le tonitruant président sortant? »
Certes, les particularismes ethniques, religieux et raciaux ont constitué, du XVII ème au XX ème siècle, des pommes de discorde suscitant de violents antagonismes sociaux au pays de l’Oncle Sam, surtout pendant la période précédant l’élection présidentielle. Politiquement, économiquement et socialement, ils ont vraiment été des questions d’une extrême gravité.

Malheureusement, ils persistent encore en ce premier quart du XXI ème siècle. Les violences policières à l’égard des Noirs et des autres minorités et les émeutes sociales qui s’en suivent en font foi. Mais, dans le fond, les préjugés anticatholiques, anti-irlandais, anti-juifs, anti-noirs, anti-jaunes, anti-rouges, anti-hispaniques, etc., même s’ils restent quelque part tenaces, se sont sensiblement atténués au cours des dernières années. Bon nombre d’électeurs américains ont positivement évolué en matière électorale. Ils optent davantage pour des critères plus objectifs de compétences et d’efficacité aux dépens de ceux basés sur la discrimination raciale, ethnique et religieuse.

Ce qui a probablement fait décider les sénateurs républicains Ted Cruz, catholique cubain-américain et Marco Rubio, catholique portoricain-américain, à briguer, en 2016 et ce, sans aucun complexe, l’investiture de leur parti pour la présidentielle. Bien sûr, devant le multimilliardaire DonaId J. Trump, foncièrement protestant anglo-saxon, ils n’ont pas obtenu l’investiture tant rêvée de leur parti. Mais, Trump s’est, en effet, précipité et improvisé en politique dans le but de détruire, par son slogan « Make America Great Again », tout ce que l’Afro-Américain Barack Obama avait entrepris et réalisé durant ses deux mandats. Aujourd’hui, il est frappé de plein fouet par sa gestion du Covid-19, par celle des émeutes sociales internes et par celle de ses démêlés commerciaux et politiques avec la Chine, la Russie et l’Iran, etc. D’où, l’espoir permis pour le Catholique Irlando-Celte Américain Joe Biden, le chouchou de la quasi-totalité des sondages liés au scrutin présidentiel de novembre 2020?

Outre qu’il s’est stratégiquement adjoint comme colistière la sénatrice démocrate Kamala Harris, Amérindienne de mère, Afro-Américaine de père et protestante de religion. Âgée de 55 ans, cette ancienne procureure générale de l’Etat de Californie est la première femme de couleur à briguer la vice-présidence des Etats-Unis. En l’élevant à ce statut, Joe Biden, 77 ans, vise le rassemblement des Américains de toutes les origines ethniques, religieuses et raciales autour de son ticket présidentiel. Il tente ainsi d’augmenter ses chances de devenir le second président catholique irlando-celte américain et le 46 ème président des Etats-Unis d’Amérique.

A condition, toutefois, qu’il s’allie les indécis et les anti-femmes de toutes les obédiences, les anti-Trump du Parti Républicain et, surtout, les principaux swings states, pourvoyeurs du plus grand nombre de grands électeurs dont le vote est prépondérant. Définitivement, cependant, quelles que soient les origines ethniques, religieuses, raciales, etc., du ticket gagnant de l’élection présidentielle de novembre 2020, l’Ordre Social Protestant Anglo-Saxon demeure, jusqu’à preuve du contraire, le maître incontournable et incontesté du jeu politique américain touchant particulièrement à sa citadelle.
MUSENE S. BE-LASAYON.


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